Je suis allé voir le film le jour de sa sortie. J'étais très impatient mais aussi très inquiet. Tout comme beaucoup d'entre vous qui ont suivi le dossier de près, j'étais extrêmement perplexe, pour pas dire catastrophé, par les trucs que j'apprenais (la 3D, puis le HFR très critiqué, et puis le pompon, le coup des 3 épisodes, la présence de nombreux persos pas censés être là...).
Les premières critiques sont tombées et plusieurs choses revenaient, dont certaines qu'on a pu lire par ici.
- Le début trop long, beaucoup trop long
- Le fait qu'on sente beaucoup trop que Jackson avait étiré l'histoire au max
- Le côté trop léger, "gamin" qui contraste trop avec la première trilogie et qui plombe un peu le film, un humour douteux.
Ces aspects sont revenus en permanence (ou presque) dans toutes les critiques que j'ai lues (surtout presse mais souvent public aussi) et j'ai même lu une critique qui faisait tout un parallèle entre
The Hobbit et
La Menace Fantôme, en démontrant à quel point
The Hobbit était au
Seigneur des Anneaux ce que
La Menace Fantôme est à
Star Wars, allant même jusqu'à nommer le magicien Radagast comme équivalent direct de Jar Jar Binks.
Ces critiques m'ont fait peur car elles me paraissaient assez plausibles. J'ai une méfiance énorme pour le monde du cinéma, tenu non pas par les artistes mais par des producteurs sans scrupules qui, parce qu'ils ont le fric qui fait marcher la machine, plient tout le monde à leurs volontés et ont une image complètement commercial du cinéma doublée d'un mépris assez énorme pour le public qu'il traite avec complaisance. Alors, que
The Hobbit ait échappé à Jackson et soit devenu un film complètement "pop corn", ça me semblait terrifiant parce que ça me semblait très crédibles, surtout vu cette histoire de trilogie.
Je n'ai pas prévu, à ce jour, de rédiger une critique digne de ce nom du film. Généralement, faut que je sois hyper énervé ou hyper emballé par le film pour en faire une. Là, pourtant, je suis dans le 2e cas, mais néanmoins, je ne ressens pas spécialement le besoin de me lancer dans une critique.
En revanche, je tenais tout de même à venir poster mon avis (qui n'est que mon avis) pour contrebalancer un peu la tendance générale qui penche assez unanimement (ou presque) vers cette fameuse critique de la "lenteur du film" et autres choses de ce genre.
Le temps de l’impatiencePeut-être que, pour le coup, je m'étais trop préparé psychologiquement à ce que j'allais voir ; ou peut-être que j'ai été complètement aveuglé par la nostalgie ; mais en tout cas, je n'ai rien ressenti de ce qui a été tant critiqué.
La longueur, tout d'abord. Franchement, au risque d'en choquer certains, j'ai trouvé que le film était rondement mené, avec un très bon rythme et je n'ai pas du tout senti le temps passer, et j'ai énormément savouré le début. Au fond, la structure est la même que pour le SDA I : un prologue - une intro dans la comté & le début de la quête. D'ailleurs, cette ressemblance de schémas narratif entre les deux films a aussi été souvent remarqué et critiqué (on passé aussi par Rivendell, il y a un épisode dans une montagne, etc.). Là encore, ça ne m'a pas choqué ; et si ça avait dû, c'est à Tolkien que je m'en serais pris, pas à Jackson.
Non, vraiment, j'ai adoré le début. Tout de suite, j'ai été dedans et j'ai adoré voir Jackson fidèle à lui-même et prendre son temps. Alors, évidemment, c'est un grand adepte des oeuvres prolixes et qui savent développer qui vous parle, lui-même grand bavard, comme ce poste le démontrera une fois de plus ; alors, forcément, c'est un convaincu que Jackson a prêché avec moi. Mais attention ; j'aime ce qui est long, développé, tant que je juge cela intéressant, et tout le débat est là. Moi, j'ai trouvé ce début hyper intéressant et nullement digressif. Je n'aurais pas autant aimé si l'aventure avait démarré plus vite, trop vite, avant qu'on ait pu en goûter les enjeux, en découvrir les protagonistes et offrir une belle exposition au personnage de Biblo.
(Martin Freeman est un acteur que je connais depuis 2003, avec
Love Actually puis 2005 avec
H2G2. J'ai eu aussi l'occasion de le croiser dans les films d'Edgar Wright, et, évidemment, dans l'excellente série
Sherlock. C'est un "M. Second Rôle" dont j'ai aussitôt apprécié le ton décalé, la bonhommie, le charisme british et le timbre. Avec son visage "joufflu" et la "poésie de l'homme quotidien qu'il dégage" selon Mark Gatis, il est pour moi le Biblo parfait ; il est Biblo. Et dès que j'ai vu apparaître son nom près de celui de Biblo vers 2009, c'était pour moi une évidence! Il le confirme dans le film, aussi bien par sa présence physique, sa gestuelle que par son jeu.)
Un magnifique préambule plein de nostalgie qui, dès le début, nous inonde de clins d'oeils subtiles et complices aux premiers films et qui nous fait comprendre tout de suite à quel point Jackson sait où il veut venir, à quel point il compte vraiment créer un lien concret entre les deux sagas, faire une transition en douceur, de sorte que, s'il maintient ce cap, les 6 films devraient être un bonheur à regarder d'affilée pour y contempler une immense fresque épique!
Et puis, un prologue saisissant visuellement, qui nous fait voyager dans des contrées jusque là inexplorées de la Terre du Milieu, au cinéma.
Et là, cette première partie à Bag End que j'ai adoré ; pleine de douceur, de tendresse, d'humour ; mais un humour sympa, qui fait sourire avec bienveillance ou malice, pas un humour lourdingue. Juste l'amusement devant ce Hobbit si... Hobbit ; casanier, solitaire, routinier qui apprécie sa tranquilité et qu'on adore voir se faire envahir peu à peu par 13 nains bruyants et gloutons.
La mutation psychologique de Bilbo est parfaitement dessinée puisque le temps est pris pour la montrer, la quête est parfaitement exposée et les nains s'avèrent rapidement sympathiques et plutôt attachants.
Petite bafouille sur le ton soi-disant léger du filmQue
The Hobbit soit plus "léger" ou plus "modeste" que le SDA, encore, je veux bien discuter ; mais franchement, on est hyper loin d'un
Star Wars episode I et le fameux Radagast n'a rien d'un challenger sérieux pour Jar Jar Binks ; c'est un perso pas passionnant mais qui n'a pas à l'être ; il est là, a un rôle et le remplit parfaitement. Ses scènes ne sont clairement pas les meilleures, mais elles ne m'ont pas choqué du tout et elles font sens.
Il y de l'humour dans ce film, mais vraiment, à part le roi des Gobelins, vraiment, je ne l'ai pas du tout trouvé lourd ou gênant. Et pourtant, je peux vous dire que je suis vraiment très sensible et très chiant dans le domaine et les vannes pourries ou la réplique qui tue, ça m'horripile vite! Si on a surmonté Légolas qui fait du surf sur un Olyphant, on devrait surmonter une ou deux vannes pas supères dans
The Hobbit. En dehors de cela, je trouve les pointes d'humour très refraichissante ou attendrissante et j'ai beaucoup souri.
Quelques mots sur la musique d’Howard !Pour la musique, dont je suis un immense fan (je possède les trois coffrets CD versions longues du SDA, des objets de toute beauté contenant TOUTE la musique entendue dans le film ainsi que des extraits de partitions commentées par Howard Shore), je suis aussi plutôt emballé. En fait, selon le "type" de musique, j'ai un sentiment différent :
- Anciens thèmes réutilisés : au-delà de leur beauté intrasèque qu'on a pu savourer dans la première trilogie, ces thèmes (The Shire, Rivendell, The one Ring...) prennent une aura nostalgique nouvelle et extrêmement puissante dans cet opus. Reconnaître ces mélodies nous replonge dans un monde qui nous a manqué.
- Nouveaux thèmes : Il y en a peu, et surtout, un seul de vraiment marquant, celui de la "misty Mountain". Séduisant en version chantée (au générique de fin), il prend vraiment son essor dans les phases orchestrales où il remplace clairement le fameux thème de la "communauté de l'Anneau" pour accompagner le voyage héroïque de cette nouvelle communauté formée par Bilbo et les nains. Un thème qui renferme à la fois une puissance épique et beaucoup de nostalgie, une certaine mélancolie, donc parfaitement ambivalent, ce qui sied parfaitement à l'ambiance du film. Un vrai plaisir.
- Musiques d'accompagnement : Comme les nouveaux thèmes sont rares, les musiques d'accompagnements s'étendent et, malheureusement, sont pêut-être moins efficaces que pour le SDA où elles savaient maintenir l'attention, surprendre et même transporter. Là, elles peinent plus à distraire et les scènes d'action s'éparpillent plus. Néanmoins, une très belle piste pour "Radagast" sur le score!
Les trucs qui m'ont gêné dans ce film :
Rien de catastrophique qui puisse me gâcher le film, mais les voici :
- L'image est effectivement très/trop esthétisée, retouchée. Le recours au numérique est boulimique et pue la paresse artisanale. Une des grandes forces du SDA, comme certains l'ont déjà expliqué, c'était d'avoir rendu cet univers particulièrement crédible et réalise grâce à un usage prodigieux du maquillage et des effets spéciaux matériels, des prises de vue réelles. Le film est à la fois beau et très "concret" dans sa "texture". Là, Jackson a fait peut-être le pas de trop vers le numérique. Le film est évidemment hyper beau, très esthétisé, travaillé, la photographie est saisissante mais on y perd largement en "crédibilité" ou réalisme, on n'y croit moins, les créatures font fausses souvent. C'est dommage.
- On a craché sur Radagast et je m'horrifie qu'on ait si peu parlé du vrai "troll" de ce film (Ah, ah, ah...), celui qui fait vraiment chuter le niveau très, très bas niveau humour et dialogue : le roi des gobelins. OH-MY-GOD. C'est là, je crois, la preuve que la film se tenait vraiment bien niveau dialogue et "maturité" parce quand le roi lance une réplique
- Spoiler:
avant de mourir : "je m'incline", hop, petite vanne avant de crever, LE truc de mauvais goût
, là, j'ai réagi et ça m'a complètement sorti du film pendant un moment alors que j'étais à fond. C'est vraiment une fausse note, isolée, paumée, comme un oubli d'une ancienne version plus gamine du scénar qui serait restée, comme une trace intempestive...
- Personnellement, la 3D m'a fait chier ; elle ne valait pas le coup que je tape d'horribles lunettes sombres et lourdes par-dessus celles que je porte déjà. Je sais que les gros fanas de 3D peuvent me tomber dessus à tout moment pour m'expliquer que je n'ai rien compris à la 3D ("c'est une question de profondeur de champs"). Je vois la 3D, je la vois, mais perso, elle ne m'apporte pas assez par rapport à ce qu'elle m'ôte de confort. L'émotion nait pour moi du scénar, de l'histoire, des dialogues, de la photographie et de la musique ; la 3D ne s'insert pas dans tout ça ; c'est un gadget pour moi, et c'est pas un ou deux hauts-le-coeur perdus qui me feraient regretter de ne pas l'avoir. Simple avis de sceptique!
- Un peu déçu par la mythique scène des trolls à laquelle il y a pourtant tant d'allusions dans le SDA I. Donc, forcément, c'est une scène qu'on attend beaucoup. Mais je ne l'imaginais pas comme ça et j'ai trouvé l'effet "comique" des trolls perdus dans leur discussion complètement raté. Heureusement, cette petite déception a été rattrapée complètement la splendide scène des « riddles in the dark », que j’ai trouvée incroyablement à la hauteur et délectable. Dommage que certaines énigmes aient été enlevées. J’aurais pu regarder cette encore 5 minutes de plus tellement je trouvais l’ambiance, la symbolique, les persos et les dialogues géniaux. C’était une des scènes emblématiques, cruciales de l’histoire non seulement de Biblo, mais du SDA, qu’il ne fallait pas louper. Ah, et ce moment où Biblo veut tuer Gollum mais où « la pitié retient son bras », comme la raconte Gandalf à Frodon dans la Moria dans la SDA I… Sublime ! Les choses s’emboîtent parfaitement !
Une soudure prometteuse de cohérence entre les deux trilogiesTolkien est très expéditif dans le livre ; là, j'apprécie énormément que Jackson ait non seulement bien développé l'histoire mais qu'en plus, il ait déployé un double effort aussi conséquent pour 1) souder les deux trilogies 2) donner un vrai souffle à cette nouvelle qui part avec un prédécesseur de taille.
Bien sûr, difficile voire impossible de surpasser une quête comme celle de l'Anneau. Ce contraste dans l'importance des enjeux se ressent forcément un peu. Mais bon sang, d'une histoire qui ne tournait qu'autour d'un méchant dragon ayant volé le trésor des nains, Jackson arrive à nous faire une quête tournant autour de la reconquête d'un royaume, celui d'Erebor (insistance sur cette quête du "chez soi") et à lier à tel point les deux trilogies que les enjeux liés au SDA déteignent déjà sur ce préquel, on croit déjà sentir de loin les relents nauséabonds du Mordor et l'âme maléfique de Sauron qui s'éveille comme une rumeur lointaine, c'est "le calme avant la tempête" comme le dit Gandalf dans "Le Retour du Roi", mais un calme électrique, frissonnant, fébrile car il s'appuie sur notre connaissance des événements à venir et qui découlent directement de ceux, d'une apparence faussement modeste, qui se déroulent sous nos yeux. C'est ni plus ni moins la genèse du retour de Sauron que Jackson est en train de nous écrire, et un magnifique préambule à l'aventure de Frodon à travers celle de son oncle, le premier vrai Hobbit qui a eu le courage de partir à l'aventure, et qui a lancé tout une série d'événements menant directement à la destruction de l'Anneau unique.
Comme pour s'assurer qu'on a bien compris cela, Jackson multiplie vraiment les clins d'oeil, les parallèles avec le SDA et c'est en cela aussi que ce film ne "prête qu'aux riches", et peut trouver davantage de grâce aux yeux de ceux qui connaissent le SDA sur le bout des doigts et peuvent apprécier cette patiente et minutieuse mise en place des pions sur l'échiquier.
Grâce à tout cela, pour moi, Jackson a transformé ce conte enfantin et plutôt elliptique en une fresque pleine d'un souffle nouveau (La scène du combat des géants de pierre dans la nuit striée de foudres est juste MAGNIFIQUE alors qu'elle ne tient qu'une une ligne dans le livre!) ; il réalise cette nouvelle version du
Hobbit que Tolkien n'avait pas eu le temps d'écrire et qui devait s'harmoniser au majestueux
Seigneur des Anneaux. Plus qu'à espérer que ce cap sera vraiment maintenu et dans ce cas, le miracle serait vraiment complet!
Bah, p*tain! Si
Le Menace Fantôme avait vraiment été à l'image de
The Hobbit, on n'en serait sûrement pas là aujourd'hui avec
Star Wars!