Il était une fois un Prince maudit dans sa jeunesse pour son caractère égoïste. Il avait été puni de ses actes par une fée qui lui avait donné une apparence extérieure à l'image de la sauvagerie de son coeur. C'est ainsi qu'il était devenu une Bête. L'enchantement avait entouré son domaine de ronces, et l'avait isolé du monde entier.
Sa seule richesse provenait des roses qui poussaient dans son jardin.
Mais les roses n'ont pas le don de la parole, et le jeune Prince se mourrait de solitude.
Il rêvait de pouvoir un jour rencontrer quelqu'un qui le comprendrait, qui saurait voir au delà de son apparence, son cœur repenti.
Un jour, alors qu'il avait perdu le décompte des jours, une jeune fille pénétra dans le domaine.
Elle suivait le chemin que lui chantait un oiseau.
De loin, la Bête la regardait. Il pensa que les oiseaux de son jardin qui avaient appris à ne plus le craindre pourraient être le moyen d'approcher cette ravissante apparition.
Mais comment l'aborder ? Elle semblait si délicate. Elle aurait peur, sûrement, et elle le fuirait dès qu'elle le verrait.
Il lui fallait rassembler son courage et oser l'aborder.
Il ne pouvait s'empêcher de sourire en regardant la gracieuse demoiselle.
Et ce sourire lui donnait du courage.
La jeune fille entendit un bruit.
Intriguée, elle s'arrêta et tendit l'oreille.
Le Prince profita de cette occasion pour sortir de l'ombre des sous-bois et s'approcher de la divine apparition.
Il n'osait pas lui parler. Il pensait que cela lui ferait plaisir de découvrir ses oiseaux, elle qui semblait avoir un lien particulier avec ses animaux. Mais il n'osait pas l'aborder.
Elle avait deviné sa présence, et elle sentait qu'elle allait rencontrer une créature fragile et farouche qu'il ne fallait surtout pas effrayer au risque qu'elle disparaisse à jamais.
Alors, sans se retourner, elle commença à lui parler. De sa vie, de ses envies, de ses choix, de ses inspirations.
Agréablement surpris, le Prince se prit au jeu et lui aussi commença à parler. Il lui parla de lui, sans faire mention de la malédiction, et parfois, il s'autorisait à lui poser une question sur elle.
Ils se donnèrent rendez-vous le jour suivant, eu même endroit, et chaque jour, ils renouvelèrent cette promesse.
Ils passaient leur après-midi, à se parler, pudiquement, sans jamais se retourner. Et pourtant, petit à petit, au fil de leurs discussions, ils apprirent à se connaître profondément et à se respecter mutuellement.
La jeune fille commençait à ressentir l'envie de découvrir le visage de celui qu'elle avait appris à apprécier. La curiosité se faisait forte car elle sentait que son apparence ne devait pas être commune.
Pourtant, elle se contenait car elle ne voulait en rien brusquer son ami.
Le Prince amenait chaque jour ses amis oiseaux, dans l'espoir qu'un jour, il aurait le courage de les lui présenter. Et pourtant, jamais, il n'osait, car il craignait par trop de lui faire peur et de la perdre à jamais.
Ce fut lors de l'une de leur rencontre quotidienne qu'enfin l'occasion se présenta. Ni l'un ni l'autre ne fit le premier pas.
C'est l'oiseau qui avait mené Belle dans ces jardins qui se fit une nouvelle fois l'entremetteur de leur relation. D'un coup d'aile, il quitta la main de la jeune fille, pour se poser délicatement, dans la paume de la Bête.
Le Prince se réjouit car il compris que l'esprit de Belle l'avait accepté comme il était, et qu'il n'avait pas à craindre de lui parler et de se présenter.
D'une voix hésitante, il l'encouragea à se retourner.
Ce qu'elle fit de bonne grâce, tellement elle était heureuse que son ami l'autorisa à découvrir son secret.
A sa seule vue, le Prince s'agenouilla. Ebloui par tant de beauté, et surtout par tant de douceur et d'empathie.
Il lui jura allégeance. Pour toujours, il serait sien. Il la protégerait et lui dévouerait sa vie
Belle fut surprise par cette déclaration, et bien que touchée, elle la déclina.
Elle n'avait pas besoin d'un preux chevalier, elle pouvait bien se défendre seule.
Ce dont elle avait toujours eu besoin, c'était d'un ami de cœur. De quelqu'un qui saurait la comprendre, avec qui elle pourrait discuter de longues heures sans jamais se lasser, quelqu'un en qui elle pourrait toujours avoir confiance. Elle n'avait besoin de nul serment car cette personne, elle l'avait déjà trouvée.
Le Prince se sentit comme transpercé par une flèche. Jamais il ne s'était montré si vulnérable. Il l'aimait tant, il avait mis tant d'espoir dans cette relation, qu'il ne pensait pouvoir surmonter son refus. Il avait tant souffert depuis qu'il était devenu une Bête que son cœur ne pouvait en supporter plus.
Il s'effondra sous ces mots.
Belle assista, horrifiée, à la chute de son ami. Elle accourut à son secours.
-Que se passe-t-il mon ami ? M'auriez-vous caché quelque fatale maladie ?
-Mon ami ? Répéta la Bête d'une voix tremblante.
-Mais oui, bien sûr ! C'est vous mon unique ami ! De qui croyiez-vous que je parlais tantôt ? lui demanda-t-elle doucement.
Ces mots ragaillardirent le cœur du Prince.
-Je croyais que vous ne vouliez pas de moi...Je suis terrifiant aux yeux de tous...
- Terrifiant vous l'êtes peut-être aux yeux de l'ignorant qui ne sait discerner la tendresse de votre cœur. Si vous étiez terrifiants, les oiseaux ne se seraient jamais approchés, et l'un d'entre eux ne m'aurait jamais guidé jusqu'à vous afin de rompre nos deux solitudes. Vous êtes fort et fragile à la fois, colérique et gentil, impétueux et compréhensif, c'est pourquoi, malgré cette apparence qui vous emprisonne, je vous aime.
A ces mots, une aura jaillit du corps de la Bête, et la vie qui s'échappait de son cœur retourna à sa juste place.
- Mon ami, je suis heureuse de vous connaître ! J'aimerais tant en savoir plus sur vous, et que vous aussi, vous en appreniez plus sur moi.
Le Prince sourit tendrement et murmura :
-J'ai, dans ce cas, une requête. Voudriez-vous bien emménagez dans mon château ? Je vous installerai dans la suite de l'aile Est, vous serez là-bas chez vous, et vous pourrez aller et venir où bon vous semble, hormis dans l'aile Ouest. Vous pourrez retourner chez vous quand vous le souhaiterez, à la seule et unique condition, que vous taisiez l'existence de ce domaine, et ma présence, aux étrangers.
-Vous m'autorisez à vivre dans ce château ? Comment pourrais-je refuser ! J'en meurs d'envie ! Il semble si mystérieux !
-Alors, vous acceptez ?
Le Prince n'en croyait pas ses nobles oreilles.
-Mais quelle question ! Bien évidemment, j'en suis honorée !
La Bête souriait alors qu'il menait Belle à son château.
Peut-être que Belle serait celle qui lèverait son sort. Sans vraiment comprendre pourquoi, il en était intimement persuadé !
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