Après une digestion particulièrement longue et laborieuse, et une période d'écriture qui le fut tout autant, voici enfin ma critique de...
The Great Gatsby QUAND UN IGNORANT COMME MOI RENCONTRE GATSBYChose importante qui a beaucoup joué dans ma démarche pour voir le film et la vision que j’en ai eu : je ne connaissais absolument rien de
The Great Gatsby, sinon le titre qui avait toujours revêtu un certain mystère à mes yeux. D’après des images dont je croyais me souvenir, c’était un vieux film, en noir et blanc, un monument du cinéma. Ainsi, quand j’ai appris que Baz Luhrmann allait en faire un nouveau film, il s’agissait pour moi du remake d’un classique du 7e art.
C’est en me renseignant enfin un peu plus que j’ai pu mettre de l’ordre dans mes idées. Il s’agissait avant tout d’un grand classique de la littérature américaine par l’écrivain F. Scott Fitzgerald adapté en 1926 (le film, muet, est perdu), 1949 (sans doute l’adaptation dont j’avais entendu parler et sur laquelle j’avais « construit » mon image de l’œuvre) et 1974 (avec Robert Redforf et Mia Farrow).
Je me suis briefé sur l’origine et l’itinéraire de l’œuvre, en revanche, je n’ai pas eu l’occasion de lire le roman et je ne me suis volontairement pas du tout renseigné sur les détails de l’intrigue. Ce que je savais du film, je ne le devais qu’à la bande-annonce qui évoque le mystérieux personnage de Gatsby incarné par Léonardo DiCaprio, les autres personnages, l’univers des années 20 à New-York et le climat de fête et d’opulence qui correspond bien au style de Baz Luhrmann.
Comme j’ai l’imagination facilement inflammable, je n’ai pu m’empêcher de spéculer sur le scénario, sur l’histoire de ce célèbre roman. Qu’est-ce que cela pouvait bien raconter ? Le film durait 2h22, que pouvait-il se passer pendant tout ce temps avec pour point de départ la vie mondaine d’un riche playboy ? Je ne dois cette incertitude et cette grisante plongée dans l’inconnu qu’à mon inculture par rapport à la littérature classique américaine, donc je n’avais pas vraiment de quoi m’en réjouir.
Néanmoins, aussi peu gratifiant que cela puisse être, mon ignorance a lourdement pesé dans mon expérience. J’ai dû accumuler deux « chocs » dans ce film : celui que l’on doit à la mise en scène spectaculaire (spectaculaire ! – Les fans de Moulin Rouge comprendront) de Baz Luhrmann, tout ce que le réalisateur a apporté à cette histoire qu’il « ne fait » qu’adapter ; et celui que l’on doit à l’histoire elle-même, celui qu’on est censé avoir déjà vécu il y a plus ou moins longtemps quand on a déjà lu le roman. Or, dans un cas, le choc est du fait du réalisateur, mais dans l’autre, bien que Luhrmann ait lui-même écrit l’adaptation, le choc est du fait de l’écrivain.
Du coup, pour donner mon avis, je vais procéder de façon un peu particulière, deux temps :
- Je vais d’abord donner mon ressenti sur le film, tout l’aspect qu’on doit au talent de Baz Lhrumann, tout ce que le réalisateur a pu apporter à l’histoire par le biais de l’image, de la mise en scène, des plans, de la musique, tout ce qui s’ajoute au livre d’origine. Cette partie aura le mérite de ne pas contenir de spoilers puisqu’elle ne s’intéressera qu’à a des aspects très généraux de l’histoire, aux grandes lignes de l’intrigue, au contenant plus qu’au contenu, donc si vous n’avez pas encore vu le film ou lu le livre, vous pouvez la lire tranquillement.
- Mais, comme c’est un aspect que j’ai découvert en même temps que le film, j’aimerais bien m’attarder un peu sur l’histoire du roman, sur les détails de l’intrigue, sur ce que j’en ai pensé, ce que j’ai ressenti durant certaines scènes et l’impression sur laquelle la fin m’a laissé. Tout cela, on le doit non pas à Luhrmann (bien qu’étant auteur du scénario adapté, on peut discuter de ses choix quand on a lu le roman) mais à F. Scott Fitzgerald, à l’écrivain et ça implique forcément de très gros spoilers. Donc, là, en revanche, si vous n’avez pas encore vu le film et qu’en plus vous n’avez jamais lu le roman ou vu une autre adaptation, abstenez-vous de lire !
LUHRMANN LE MAGNIFIQUEScénariste, réalisateur, producteur, superviseur de la musique…A l’instar de Tim Burton que tout le monde a fini par bien identifier grâce à son style unique mêlant gothisme, poésie, romantisme noir et humour morbide ; à l’instar de Christopher Nolan que tout le monde reconnaît par son goût du réalisme et du traitement psychologique intense sur ses personnages ; à l’instar, en fait, de ces grands réalisateurs qui ont créé le miracle de séduire les foules tout en se faisant respecter des professionnels par leur style très personnel, Baz Luhrmann a réussi à imposer sa patte et à se faire reconnaître. Rien de comparable, encore, avec les recettes générés par les réalisateur susnommés, mais n’empêche que Luhrmann, même s’il ne fait pas l’unanimité et divise même beaucoup, c’est une signature visuelle reconnaissable parmi toutes, et même par ses plus grands détracteurs.
Si on synthétise 20 ans de carrière et les 5 films qui la jalonnent, on constate d’abord le rythme très « tranquille » auquel Luhrmann réalise ses projets, preuve sans doute que le réalisateur agit en véritable créateur, en artiste qui a besoin de temps et d’application pour concrétiser ses idées, ses « visions ». Une implication totale qui se manifeste avec éclat au générique lorsqu’on constate, à chaque fois, que Luhrmann est non seulement réalisateur, mais aussi scénariste, producteur et aussi « music supervisor » puisque l’inspiration de ce grand passionné de danse est étroitement liée à la musique, à la manière d’un Tarantino.
Moi, les cinéastes comme Quentin Tarantino, James Cameron, Christopher Nolan, Night Shyamalan (à la grande époque…), Zack Snyder, Peter Jackson et donc Baz Luhrmann, qui sont sur tous les terrains, de toutes les étapes de leur film, qui en font vraiment une œuvre personnelle, ça m’impose tout de suite le respect et l’admiration et donc, qu’on aime ou qu’on n’aime pas leurs films, il faut au moins leur reconnaître leur investissement total dedans, ce qui est bien trop rare à Hollywood où les films sont souvent des commandes et les réalisateurs de « simples nègres » !
L’excentrique patte artistique de LuhrmannJe peux me considérer comme un grand fan de Luhrmann, j’aime son style, son univers teinté de mille couleurs, d’une esthétique riche et flamboyante, l’excentricité et la folie douce de sa mise en scène, son traitement toujours extrême, ultra-romantique et un brin pessimiste de l’amour, j’aime sa liberté décomplexée, j’aime ses héros/anti-héros : des poètes, des marginaux, des gars tout sauf héroïques qui n’ont que la sincérité de leurs idéaux et leur amour comme « armes », comme « force », mais quelle force ! C’est en quelque sorte une « nouvelle virilité » dont il offre la vision dans ses films, aux antipodes du héros « viril » habituel qui ne s’illustre que par sa violence, sa capacité à se battre, à tuer, à affronter des dangers ! A la rigueur, ce que j’aime le moins chez lui, c’est ses choix musicaux, l’ambiance musicale de ses films mais d’une part cela ne me dérange pas assez pour affaiblir mon enthousiasme, d’autre part, ce n’est qu’à moitié vrai, car j’apprécie énormément ce qu’il a fait des chansons dans
Moulin Rouge et, de façon générale, j’aime beaucoup le travail de son fidèle compositeur, Craig Armstrong.
Rencontre du troisième type avec Moulin RougeComme beaucoup ici, mon premier « contact » avec le réalisateur, je l’ai eu avec
Moulin Rouge, et comme beaucoup ici, j’ai moi aussi été en « What the fuck » continu pendant toute la première demi-heure du film et moi aussi j'ai failli rendre le DVD fissa au vidéo-club, prêt à carrément interrompre le film avant la fin, mesure tout à fait exceptionnelle chez moi qui m'efforce toujours de voir les trucs en entier même quand je n'accroche pas! En fait, je me suis accroché...
Je suis rentré une première fois dans le film grâce à "Your Song", et j'ai eu mon autre choc, beaucoup plus violent et décisif avec "Roxanne" et je me suis fait achever à partir de "The Show must go on" et tout ce qui suit. A mesure que le film avançait, j'étais de plus en plus conquis, de plus en plus touché et bouleversé, de plus en plus en "harmonie" avec le film,
Moi qui n'aime vraiment pas les chansons normalement et préfère la musique instrumentale, j'ai vraiment été séduit par les morceaux du film, magnifiquement orchestrés (c'est ça qui fait la différence aussi ; tout est une question d'arrangements) et il faut savoir que mon ignorance en matière de musique est telle que j'étais persuadé que toutes les chansons du film étaient originales, avaient été composées exprès pour le film, et c'est seulement 3-4 ans plus tard que j'ai découvert que c'étaient des reprises!
Ca peut paraître dingue, mais après ce choc positif, les 30 premières minutes ne m'ont plus dérangé. Comme si, grâce à la vue d'ensemble et à l'enthousiasme que j'avais pour le film dans son intégralité, je réinterprétais rétrospectivement ses premières minutes et acceptais leur folie, leur aspect décousu. Mieux encore : je me suis mis à adorer le début. Je ne cessais de revoir le film et j'appréciais vraiment toute cette fièvre. Bien sûr, je continuais à préférer le reste du film, pour le côté romantique et sentimental, mais j’aimais passer d’abord par ce côté « fou-fou », avec ces personnages excentriques et ces situations burlesques.
Au final,
Moulin Rouge est un de mes films préférés et surtout l’un des films qui a eu le plus d’influence sur mes idées et mon imaginaire.
Par la suite, je m’étais empressé de voir
Romeo + Juliet et, étant parfaitement préparé à ce que j’allais voir, je n’ai pas du tout ressenti de gêne ou de perplexité, j’ai complètement adhéré à la vision « folle » de Luhrmann, confirmant que j’adorais ce réalisateur, même si
Moulin Rouge restait mon préféré, et de très loin !
Baz Luhrmann va-t-il mieux ?Je ne m’étalerai pas ici sur
Australia, film que je n’avais pas daigné voir au ciné tellement il me paraissait nul et qui a réussi à surpasser mes pires craintes quand je l’ai vu en DVD.
A part l’hommage appuyé à son pays natal qu’est l’Australie, je ne vois pas du tout ce que ce film a d’un Luhrmann (esthétiquement, musicalement, scénaristiquement, c’est tout le contraire d’un Lurhmann, c’est d’une fadeur et d’un académisme sans nom) et, même en le prenant comme ça, ce film m’a semblé être un de ces interminables téléfilms historico-romantiques qui passent sur M6 en période de fête où la jeune femme part tenter l’aventure dans un pays encore indompté où elle rencontre un beau sauvage jusqu’à ce que la guerre s’en mêle et brise les destins sur fond de ralentis et de scènes larmoyantes ! Je ne comprends toujours pas ce qui s’est passé, et d’autant plus maintenant que je vois, avec
The Great Gatsby, Luhrmann revenu à son style d’origine, dans une parfaite cohérence avec ses films précédents, comme si
Australia, en véritable intrus, n’avait jamais existé.
Ainsi, pour ceux qui considéraient que
Romeo + Juliet et
Moulin Rouge étaient l’œuvre d’un déséquilibré ou d’un directeur de cabaret sous amphétamine,
Australia était la promesse tant attendue d’une rémission de la « folie » de Lurhmann et l’espoir d’un guérison proche. En revanche, pour ceux qui considéraient ce réalisateur marginal à l’imaginaire baroque tout à fait sain d’esprit et tout à fait génial,
Australia montrait d’inquiétants signes de sénilité avant l’heure… Que la seconde équipe se rassure et que la première s'inquiète : avec
The Great Gatsby, « Lurhmann is back », avec son sens de l’esthétique, ses décors fabuleux, ses mises en scènes chargées et excessives, ses amants maudits, ses fêtes débridées ensevelies sous le champagne, les paillettes et les cotillons mais aussi et surtout, la sobriété qu’il sait invoquer quand le temps n’est plus à l’exubérance mais à l’émotion, sa façon unique de nous plonger dans un univers entre Histoire et Merveilleux et de faire monter la tension à mesure que le dénouement approche. Que c’est bon de revoir Luhrmann sur pieds !
LA TOUCHE LUHRMANN : SPLENDEUR ESTHETIQUE (SANS SPOILERS)
Une campagne promotionnelle qui en dit longMême si on n’a pas vu le film ou qu’on n’a pas même le projet de le voir, difficile d’échapper à la campagne promotionnelle et au matraquage médiatique autour de lui, dû à la fois à la renommé du réalisateur, au succès de DiCaprio, au fait qu’il ait le privilège d’ouvrir le 66e Festival de Cannes et aussi, « malheureusement », à cause du buzz assourdissant qu’il y a eu autour de la BO puisque, comme d’hab, personne ne s’intéresse à la musique de film (ou presque) mais quand on entend dire que Lana Del Ray, Will I Am et je ne sais quel chanteur à la mode est de la partie, c’est l’hystérie collective. En même temps, Luhrmann le cherche bien à chaque fois, cette fois, on ne peut pas accuser des
music supervisors au service de studios les cupides de vouloir créer de toute pièce un album commercial.
Si je me penche sur une question aussi anecdotique et accessoire que la campagne publicitaire, c’est juste pour dire qu’elle n’a absolument rien de mensonger. Les images, les affiches que vous pouvez voir témoignent très fidèlement de l’atmosphère et de l’esthétique générale du film.
En voyant ces images ostensiblement retouchées, bourrées de filtres, lissées, créant une ambiance plus proche d’un film fantastique à la
Alice au pays des merveilles que d’un film se déroulant dans les années 20 à New-York, on peut ressentir deux choses toutes deux concevables :
- Soit on est rebuté par cet excès de retouches et de « Photoshopage » qui semble sentir à plein nez le film Hollywoodien bourré d’effets visuels, sur-eshtétisé, manquant ainsi cruellement de réalisme et d’authenticité, symbole d’un cinéma qui ne sait pas faire taire les effets spéciaux et les logiciels de montage dernier cri pour laisser parler l’histoire et le jeu des acteurs
- Soit on est charmé, fasciné, attiré et aussi rassuré par ces images qui semblent une invitation au rêve, à une vision plus « enchantée » d’une page de notre Histoire, on y voit un savoir faire, une aptitude exceptionnelle à transformer la moindre histoire et le contexte le plus réaliste et prosaïque en quelque chose de magique et de cinématographique, en une sorte d’œuvre d’art
Cette « sur-esthétisation » très « américaine » et qui pourrait s’apparenter à de la « frime » et à un cruel manque d’authenticité peut énerver, consterner. Mais, en tout cas, on sait par avance que Luhrmann nous mijote une adaptation qui donnera la part belle à la photographie, aux décors, à l’esthétique, fidèlement à son style. Ce sera donc non seulement l’adaptation d’un roman, la transcription d’une histoire à l’écran, mais, plus que cela, ce sera aussi une « vision », celle d’un réalisateur, à laquelle on adhère ou pas, mais qui a le mérite d’être originale, très identifiée, soignée, et de magnifier un univers tout à fait historique.
Les affiches individuelles ou illustrant une scène sont comme des « fragments », des « échantillons de parfum » qui délivrent chacune des couleurs et des senteurs différentes, témoignant chacune d’un aspect du film, la romance, la fête, la ville…
Les cadres dorées dans le style « art déco », symbole esthétique des années 10-20-30, sont là comme pour maintenir ou « cadrer » les personnages dans l’époque à laquelle le déluge de retouches visuelles apportées aux images semble avoir voulu les soustraire, les sortir. Le contraste crée un passé sublimé, embelli flirtant avec l’esthétique d’un conte de fée, comme s’il s’agissait d’un temps mythique, d’un âge d’or oublié ou alors des années 20 d’une monde parallèle où tout est plus beau, plus lisse et toujours adouci par un filtre de couleurs s’interposant salutairement entre la réalité brute d’origine et l’œil humain davantage séduit par le rêve et la fiction... à l'image de Gatsby.
Tout un programme, donc, que ces affiches publicitaires qui donnent le ton, qui sont déjà des promesses et un avant-goût de ce qui attend le spectateur qui se laissera séduire ! On est bien face à une adaptation très « USA » et « XXIe siècle » d’un classique de la littérature des années 1920.
Le grain de folie façon LuhrmannUne des préoccupations qui revient le plus chez ceux qui connaissent un peu (ou beaucoup) Luhrmann au sujet de son adaptation de
Gatsby, c’est : « Est-ce que c’est aussi fou que
Moulin Rouge? ». Selon les goûts et les sensibilités, cette question est formulée avec l’inquiétude que ce soit bien le cas ou, au contraire, que ce ne soit pas le cas !
La réponse est « oui » et « non ». Oui, je sais, c’est chiant comme réponse. Mais pourtant, c’est bien « oui », parce que les trois premiers quarts d’heure du film (sur un total de 2h22) baignent bel et bien, pour les besoins de l’histoire, fidèlement à l’ambiance du roman d’origine, dans un climat festif, extravaguant, excentrique ; « non », néanmoins, car c’est clairement beaucoup moins barré et exubérant que
Moulin Rouge ! Pour sûr, ceux qui n’auront jamais vu un Luhrmann pourraient avoir un choc en voyant
Gatsby, mais ceux qui connaissent un peu le réalisateur ou qui auraient été traumatisés par ses précédents films ne sont pas surpris mais en plus retrouveront quelque chose de beaucoup plus « maîtrisé » dans le côté « fête ».
Cette ambiance de fête et de champagne ne constitue que l’acte I du film, les trois premiers quarts d’heure qui peuvent se résumer à cette question : « Qui est Gatsby ? ». Les fans de Léo devront patienter pour le voir prendre le devant de la scène, car son personnage commence avant tout par être un mystère complet que tout le monde cherche à percer. Qui est ce richissime jeune homme ? D’où vient sa fortune ? Comment l’entretient-il ? Pourquoi organise-t-il toutes ces fêtes gigantesques et débridées où se précipitent tous les New-Yorkais dans le vent, avides de plaisirs ?
Au moment où les réponses viendront enfin et apporteront un éclairage nouveau et tout à fait inattendu à l’histoire, ce qu’on peut considérer comme l’acte II s’ouvrira. En attendant, il s’agissait non seulement de susciter la curiosité et d’entretenir le mystère autour du personnage éponyme, mais aussi de planter le décor, chose qui semble très soignée dans le roman et faire partie de son succès. Et justement, les décors et les jeux d’ambiance, c’est une des grandes spécialités de Baz Luhrmann et c’est pour lui l’occasion de faire une démonstration magistrale de ses talents en la matière.
Majesté du plan d’exposition & splendeur de New-YorkLe cinéma a énormément de mal à rivaliser avec la littérature sur certains terrains, comme la psychologie qui se prête beaucoup plus à l’écriture qu’à l’écran (bien que Nolan ait montré que c’était tout à fait possible !), mais s’il y a bien un domaine, un aspect sur lequel le cinéma peut démontrer tout son talent, toute sa raison d’être et sa beauté, c’est dans le soin porté à l’image, la photographie et les plans qui font toute son essence. En cela, si Luhrmann n’est pas l’inventeur et l’auteur de l’histoire qu’il raconte (il a écrit le scénario mais n’a fait qu’adapter), on constate rapidement à quel point son « œil » de cinéaste s’est complètement approprié cet univers et qu’il nous en peint un véritable tableau vivant sous nos yeux ébahis. Le réalisateur s’exprime et s’efforce de renforcer les enjeux du roman en se battant avec ses armes que sont les jeux de caméra et le montage, et on peut dire qu’il a laissé son empreinte !
Qu’on se le dise : le film est beau, et cela, sur chaque plan. Rien n’est laissé au hasard, tout est soigné, millimétré, mis en scène, réglé comme du papier à musique, c’est un immense travail de précision, d’orfèvre, sur la mise en scène, les décors et la photographie sur 2h22. Mais quelques plans se démarquent au milieu de ce faste visuel : les plans d’exposition. Qu’ils soient aériens ou au sol, fixes ou en travelling, ils sont si sublimes et séduisants qu’on aimerait faire un arrêt sur image ou les voir en boucle un instant afin de pouvoir les admirer comme un tableau dans un musée. Les décors sont plantés avec une vraie majesté.
Il y a tout d’abord les superbes domaines des richissimes protagonistes de l’histoire, que ce soit la demeure des Bucchanan ou, bien sûr, le superbe château de Gatsby, sorte de Xanadu d’un Citizen Kane d’un autre genre. Tout respire l’opulence et on flirte évidemment avec le « too much » ; peut-être même bien qu’on y baigne complètement, dans ce « too much », mais c’est justement la signature de Luhrmann, sa tendance au « baroque », à surenchérir dans les détails, et à pousser la beauté jusque dans ses plus extrêmes retranchement, jusqu’à écœurement peut-être pour les amateurs de sobriété.
Les scènes d'intérieurs ne sont d'ailleurs pas en reste, et rendent compte de l'immensité des demeures.
Parmi les plans d’exposition les plus marquants du film, il y a aussi et surtout ceux à la gloire de New-York, au tournant de sa destinée de capitale du monde ; elle n’est plus la ville rustique, insalubre et sanguinaire qu’elle apparaît dans
Gangs of New-York de Martin Scorsese[/i] (où l’on trouve déjà Léo ! Décidemment !), mais elle n’est pas non plus encore l’espèce de « Coruscant » du XXIe siècle, la ville de béton, d’acier, de verre et de Wifi que l’on connaît aujourd’hui !
C’est la montée en puissance d’une cité que la Première Guerre mondiale a rendu plus puissante en affaiblissant l’Europe ; et cette tendance se confirmera et se renforcera après la Seconde Guerre mondiale où l’Europe subira un nouveau traumatisme tandis que le sol américain, épargné par la guerre, pourra prospérer, asseoir sa puissance sur le monde et développer l’idyllique «
american way of life avec ses jolis lotissements, ses vieilles publicités pour des sodas ou des machines à laver, ses pin-up, ses premiers fast-food.
En cette année 1922, on est donc à l’époque charnière entre un XIXe siècle dont le cadavre est encore tout frais, anéanti par la traumatisante « Grand Guerre » achevée il y a 4 ans à peine, et ce « couloir » de 20 années qui sépare le monde d’une deuxième guerre (et les 7 petites années qui le sépare de la terrible crise de 1929 !). Les années folles et la prohibition à New-York, tel est le théâtre de
Gatsby, et Luhrmann sait nous montrer, subrepticement (car ce n’est pas le propos principal du film, soyons clairs ! Ce n’est qu’un décor, un contexte dont on reçoit les embruns) cette ville qui ne cesse de grandir, de s’étaler, de monter en puissance, qui bourdonne d’hommes d’affaires, de traders, de fêtards, de jazzmen, de tripots clandestins, de mafias, de filles légères et de riches playboys.
Un autre aspect, plus oublié, se laisse entrevoir et sous-tend en réalité une bonne part des enjeux du film : la partie ouvrière, pauvre, industrielle de la ville, celle des montagnes de charbon, des pelles, des hommes en salopette au visage noirci par la fumée.
La lutte des classes est un des thèmes du film, et il est traité bien plus subtilement et de façon beaucoup plus indirecte et « sous-terraine » que par une guerre civile ou des émeutes.
A noter que la 3D du film est vraiment géniale et bien exploitée. En plus de la profondeur de champ qu’elle apporte habituellement quand elle est un minimum bien utilisée, elle renforce vraiment la beauté des plans les plus majestueux. Sans trop spoiler le contenu du film, l’effet produit par les mots qu’écrit le narrateur sur sa machine à écrire lorsqu’ils apparaissent sur l’écran en relief et sur-transparence est tout à fait saisissant. Il y a plusieurs fois où – moi qui ne suis pas un inconditionnel de la 3D au ciné et l’évite quand je peux ou sens qu’elle est inutile – je me suis dit que ça aurait vraiment été dommage de passer à côté de telle ou telle scène en 3D ! Ca ajoute un peu de magie à ce film déjà très abouti sur le plan esthétique. Après, la 3D, c’est toujours un peu subjectif, j’ai l’impression !
Un monde de fêteC’est l’époque du jazz, du Charleston, de l’art déco, des robes de soirées étincelantes et des diadèmes, des femmes aux cheveux courts, et évidemment, le film puise dans tous ces clichés (qui ne sortent pas de nulle part) pour créer une sensation de doux dépaysement, un voyage dans un temps fantasmé, constitué d’éléments qui ont bel et bien existé, réaliste à bien des égards, mais qui revendique complètement sa part de réinvention et d’idéalisation pour créer autre choses.
Qui de mieux que Baz Luhrmann, qui avait enflammé l’univers du
Moulin Rouge avec sa mise en scène baroque à 100 000 volts et ses musiques anachroniques, pour créer cette ambiance ? Il n’y met pas le tiers de la folie que l’on trouve dans
Moulin Rouge (bonne ou mauvaise nouvelle selon les sensibilités), mais il y met quand même les moyens. On est dans l’excès, l’exagération totale, la fête prend des proportions vite irréalistes et flirte avec le burlesque et la bouffonnerie avec lesquels Luhrmann aime jouer. Je trouve cela plus réussi (et aussi beaucoup plus poussé) dans
Moulin Rouge, mais ça joue son rôle. Ce n’est clairement pas mon aspect préféré du film.
Pour moi, le film devient vraiment intéressant dès que le masque tombe sur le vrai visage de Gatsby, et où le rythme retombe, où les exubérances s’effacent au profit d’autre chose de beaucoup plus profond et fragile. Néanmoins, le talent et l’intérêt que Luhrmann porte de façon flagrante sur l’univers du spectacle et de la fête dans son œuvre crève les yeux dans ces scènes filmées avec une quantité monstrueuse de détails par plan, des centaines de figurants, des paillettes, des feux d’artifices, de la musique, on est submergés par cette foule et toutes ces choses qui s’agitent autour de nous ce qui illustre parfaitement l’état d’esprit de ce premier acte axé autant sur le mystère Gatsby que sur la mentalité d’une époque, d’une société qui veut oublier les ravages de la guerre en faisant la fête.
Une conception de la fête que je ne partage absolument pas, d’où le fait que, peut-être, ça ne me touche pas plus que ça voire me laisse perplexe. Mais Luhrmann a ce talent très ambiguë (et qui m’intrigue énormément) de pouvoir à la fois orchestrer de grandes scènes d’orgie ou de fêtes semblant promouvoir la débauche et l’ivresse et, après trois quarts d’heures de folie, faire basculer l’histoire aux antipodes de l’univers artificiel et immoral dépeint au tout début pour centrer sa caméra sur une histoire d’amour pleine de pureté, de romantisme, et de fraicheur ! On observe déjà ce schéma dans
Moulin Rouge où il est pleinement illustré ; on l’observe aussi, dans une moindre mesure mais tout de même de façon assez nette dans
The Great Gatsby.
J’avoue que ça m’intrigue vraiment cette manie de Lurhmann de commencer ses films dans une telle ambiance, avec un tel rythme, une telle folie, pour finalement basculer vers la romance sur un ton plus posé. On peut constater que c’est assez systématique chez lui, comme un « tic » de réalisation, un « besoin ». Comme s’il n’arrivait pas à entrer dans sa propre histoire s’il ne commençait pas par des plans accélérés, des éclats de rire, des gros plans incongrus, du champagne, des extravagances… Est-ce révélateur d’une sorte de « double personnalité » chez lui, partagé entre goût pour la fiesta et en même temps un idéal romantique qu’il tient à défendre ? Ou bien veut-il dire qu’il y a un temps pour la fête et un temps pour l’amour ? Ou alors cherche-t-il à chaque à fois ridiculiser, à « dénoncer » l’univers de la fête, du dévergondage en le montrant dans tous ses excès pour finalement mieux l’opposer à une histoire d’amour ? Là, l’énigme reste complète pour moi !
Je ne m’étalerai pas sur la musique. Celle de Craig Armstrong m’a semblé vraiment pas mal, mais le mixage sonore ne lui rend pas justice et elle se fait voler la star par les chansons célèbres utilisées. Pour l’instant, le score d’Armstrong est malheureusement, honteusement introuvable, et je voudrais l’écouter tranquillement avant de me faire un avis. Un jour, peut-être. Pour ce qui est des chansons de Lana Del Rey et toute la bande, je n’en connais aucune, je n’ai donc même pas pu les reconnaître ou les identifier durant le film, j’ai juste chopé les noms de quelques artistes participant à cette BO grâce aux bandes-annonces. Première fois que je vois une bande annonce où les gens participant à la BO partagent l’affichent avec les acteurs. Je rêve d’un monde où on verrait aussi en grandes lettres les noms de « Hans Zimmer », « Danny Elfman », « Howard Shore », « John Williams », « James Newton Howard » et bien d’autres à côté de ceux des acteurs sur une bande-annonce ! Mais Lana Del Ray et compagnie, ça rapporte plus de fric ! Ca avait des chances de rameuter bêtement les fans les plus acharnés qui ne déplaceraient uniquement parce que leur idole "figure" dans le film !
En tout cas, si j’avais réussi (tout en faisant preuve de la même ignorance musicale) à apprécier les chansons dans
Moulin Rouge grâce aux belles réorchestrations (une « croute » musicale peut vite prendre du relief avec un vrai orchestre et de bons arrangements), et le fait aussi qu’elles étaient bien choisies, étroitement liées à l’histoire (le côté comédie musicale l’exigeait), là, en revanche, je n’ai vraiment pas beaucoup aimé la musique. Déjà, trop de hip hop, et je trouve ça insupportable ; goût personnel. J’ai trouvé tout ça peu reluisant et finalement peu au service du film. Après, le côté anachronique ne m’a pas choqué plus que ça, je suis familiarisé avec les méthodes de Luhrmann, même si ce n’est pas ce que je préfère chez lui.
L’acte I se conclut (ou n’est pas loin de se conclure) à ce moment où le bouquet final d’un feu d’artifice illumine le ciel étoilé tandis que l’orchestre entonne la célèbre
Rhapsody in Blue de George Gershwin, morceau jazz emblématique des années 20 américaines qui semble porter dans ses notes toute l’ambiance et la prétention de cette époque ; c’est alors que le mystérieux Gatsby, entraperçu jusqu’alors, se révèle enfin en public sous les traits de Léonardo DiCaprio et se présente au narrateur (Nick/Tobey Maguire) dans un demi-tour sur lui-même, affichant un irrésistible sourire de playboy tout en levant son verre de champagne, au ralenti, tandis que derrière lui les gerbes étincelantes retombent comme une pluie de météores. Il occupe entièrement l’écran ; narrativement, il regarde Nick ; mais par un effet de style forcément volontaire de Luhrmann, il semble nous regarder nous, à travers l’écran.
L’emphase de la séquence renforce cette entrée en scène magistrale qui ressemble à celle d’un magicien qui, au lieu d’arriver par le grand rideau rouge, se serait discrètement faufilé parmi le public venu nombreux et, au milieu des festivités, aurait révélé son identité, comme un premier tour joué à tout le monde. La comparaison avec un magicien n’a rien de si grotesque si on considère le surnom du personnage éponyme : « Gatsby le magnifique ». « Le magnifique » était une épithète stéréotypée dont les illusionnistes aimaient affubler leur nom pour rehausser leur charisme.
C’est là que l’histoire commence vraiment et c’est là qu’en parler davantage relèverait du spoiler. Si vous êtes curieux et que vous n’avez toujours pas vu le film, allez le voir ! Si, comme moi, vous ne connaissez rien du roman, vous allez découvrir l’histoire en même temps que le film et sans en dire plus je peux vous assurer que ce qui a en bonne partie contribué à me faire beaucoup aimer ce film, c’est qu’il m’a surpris, à longueur de temps. Comme il n’est pas l’œuvre de scénaristes d’Hollywood au XXIe siècle, mais celle d’un romancier des années 1920, l’histoire ne contient aucun des rebondissements que l’on commence à trop retrouver dans les films ou les séries. Cette délicieuse impression, trop rare au cinéma, d’avancer les yeux bandés est trop précieuse pour que je vous la gâche par mes commentaires.
La suite de la critique s’adresse donc
uniquement à ceux qui ont vu le film ou lu le livre (ou les deux), ce qui va me permettre de m’exprimer plus à mon aise sur l’histoire et les personnages !
LE ROMAN DE FITZGERALD (ATTENTION, GROS SPOILERS)
Une histoire pleine de surprise (pour moi, en tout cas)Comme je l’ai dit, non seulement je n’avais pas lu le roman, mais en plus je ne connaissais vraiment rien à l’histoire. Je n’avais donc que les extraits de la bande annonce, mon imagination et mon « infaillible instinct » (Ahem !) pour deviner le propos du film. Tout ce que je savais, c’est que ça parlait de Gatsby, un richissime jeune homme, apparemment très charismatique, qui organise des fêtes énormes dans son château et tombe sous le charme du personnage de Carey Mulligan.
Si je suis allé voir le film, c’est donc parce que l’histoire m’intriguait (et je craignais qu’elle soit très décevante ou inconsistante) mais aussi et surtout pour Baz Luhrmann et Tobey Maguire. La campagne promotionnelle m’avait aussi convaincu. Je n’avais pu m’empêcher de spéculer et de « me faire le film avant le film ». Ainsi, j’avais imaginé le scénario suivant :
Pour moi, Gasby était un connard, un riche jeune homme se pâmant dans la débauche et le luxe, impitoyable en affaires et se servant des gens comme des jouets, une sorte de Valmont-trader des années 20. Il prend pour cible un jeune homme innocent venu de la province, Tobey Maguire, et prend un malin plaisir à le débaucher, à le faire sombrer, à le regarder adopter son mode de vie malsain. C’est alors que l’incroyable arrive : Gatsby tombe amoureux, pour de vrai. Soudain, il commence à changer, il devient quelqu’un de bien, s’efforce d’être le meilleur homme possible pour être digne de la jolie, pure et vertueuse Carey Mulligan. Tragédie de l’histoire : j’imaginais qu’à la fin, Gatsby obtenait le cœur de la jeune fille et vivait heureux avec elle alors qu’il laissait un Tobey Maguire ravagé à jamais par cet homme égoïste.
Voilà comment j’étais persuadé que l’histoire allait se dérouler. Mon instinct me disait que ce serait un truc du genre, et les premières minutes du film, où l’on voit Nick, manifestement dépressif, regarder la neige tomber en se confiant à un psychologue au sujet de Gatsby, m’a tout de suite conforté dans mon idée. Le personnage semble alors désabusé, détruit, encore traumatisé par son expérience auprès de Gatsby, comme si ça l’avait anéanti. Evidemment, plus j’ai avancé dans le film, plus j’ai compris que je me plantais complètement sur toute la ligne et que, malgré mon acharnement à me méfier de Gatsby, ce dernier n’avait vraiment rien d’un mauvais bougre ! Ma plus grosse erreur était d’avoir imaginé un instant que Luhrmann, qui semble à tel point aimer les tragédies, puisse avoir adapté une histoire d’amour qui finit bien !
Mon ignorance et ma très douteuse perspicacité scénaristique ont eu le mérite de me faire aller de surprise en surprise durant tout le film. C’était vraiment agréable, et très grisant !
- Surprise 1 : quand on découvre les vraies motivations de Gatsby (l’amour pour Daisy)
- Surprise 2 : quand on découvre la « vraie » personnalité de Gatsby, à travers ses retrouvailles avec Daisy, un jour de pluie. On découvre un homme soudain gauche, timide, pas sûr de lui, vulnérable, c’est très perturbant.
- Surprise 3 : La scène d’explication entre Gatsby et Tom. Je ne m’attendais pas du tout à ce que les personnages jouent franc jeu à ce point, et que le « duel » se passe sur le terrain des mots, de la discussion. Sacré moment, où en plus, la relation Gatsby-Daisy bascule tragiquement. Une surprise dans la surprise, pour moi, que de voir Daisy « trahir » (je l’ai vécu ainsi) Gatsby malgré, il est vrai, l’acharnement un peu puéril de ce dernier à lui faire dire qu’elle n’a jamais aimé son mari au lieu d'encaisser la chose, quitte à agir en conséquence.
- Surprise 4 : L’accident et la mort de Myrtle (magnifiquement mise en scène au passage, même si, là encore, ça peut faire "too much" pour les plus allergiques)
- Surprise 5 : La mort de Gatsby
- Surprise 6 : La réaction de Daisy face au destin de Gatsby
A chaque fois que le film semblait se poser pour moi et partir dans une certaine direction toute tracée, il bifurquait brutalement vers autre chose au détour d’une surprise. Plus que de surprise, à mesure que j’avançais dans l’histoire, je peux parler de « choc » et le dernier de la liste a été un véritable coup de massue qui m’a complètement étourdi pour plusieurs jours. C’est une des histoires d’amour les plus cruelles que j’aie pu voir jusqu’à maintenant ! Le fait d’avoir ainsi été pris de cours à chaque fois a incontestablement joué dans la façon dont j’ai vécu le film ; non seulement Luhrmann me sidérait par la qualité esthétique de son œuvre, mais en plus, j’étais stupéfait devant l’histoire de Fitzgerald qui se déroulait sous mes yeux.
Jay GatsbyCe film (et le roman d’origine) repose certes sur un contexte, un décor, une toile de fond essentielle à l’histoire, mais surtout sur les personnages et leur interaction. Tous ont réussi à me surprendre plus ou moins, à un moment ou un autre.
Comme je l’ai expliqué plus haut, le personnage de Gatsby est celui qui m’a le plus surpris, à cause de tout ce que je m’étais imaginé sur son compte. Je suis complètement tombé dans le piège de la suspicion volontairement tendu par Fitzgerald au sujet du personnage, j’étais persuadé que Gatsby était quelqu’un de mauvais, de malhonnête, de malsain, et que les autres personnages seraient ses victimes.
Je dois dire que j’ai été très agréablement surpris en découvrant avec stupeur que ce jeune mégalo « n’était » qu’un grand amoureux, l’incarnation d’un romantisme aussi excessif que fascinant ! J’ai adoré ce retournement de situation, la scène du premier rendez-vous avec Daisy brise complètement le masque et montre un autre visage aux antipodes. J’ai été tout de suite touché par ce personnage d’amoureux transi, extrêmement maladroit, hésitant. Sacré claque à ce moment-là, qui a remis en cause tout ce qu’on croyait savoir de lui !
Par son ambition extrême, sa volonté de prendre sa revanche sur la vie et de gagner un monde inaccessible, Gatsby rappelle un peu les héros ambitieux dans les romans d’éducation du XIXe siècle, les Rastignac et autres Julien Sorel. Il voulait sa part du rêve américain, et sa « green light » prenait les traits d’une femme qu’il aimait et qu’il s’était fixé comme but de reconquérir, coûte que coûte.
J’ai lu de nombreuses analyses sur le roman, et je constate que dans le texte d’origine, le personnage a l’air réellement mis en valeur, décrit comme le dernier idéaliste tenant encore debout de ce monde cynique, avec son « incroyable faculté à espérer ». L’espoir, en effet, Gatsby le pousse jusqu’à ses plus ultimes frontières, à la limite de la mythomanie puisqu’à plusieurs reprises, on le voit manquer cruellement de lucidité sur la situation et même se mentir à lui-même. Mais ment-il vraiment ? Mentir sous-entendrait qu’au fond de lui il sait qu’il se trompe. Or, j’ai l’impression, d’après le récit de Nick, que Gatsby a la « foi », la conviction de ce qu’il dit, qu’il ne ment pas ; il se trompe lourdement, il manque de clairvoyance, son espoir se consume dans l’acharnement mais il est persuadé par ce qu’il dit. C’est une forme de mythomanie que cette « faculté incroyable à espérer » jusqu’à l’absurde.
Sa part sombre, Gatsby la doit sans doute à son
hybris, celle sans doute qui lui inspire cette idée folle, enfant, qu’il est le fils de Dieu, pour se consoler de ses origines pauvres. Dès l’enfance, donc bien avant la rencontre avec Daisy, le personnage est habité par cette volonté de s’élever, de rejoindre les plus grands, de toucher le soleil du bout des doigts. Ainsi, si on voulait « dévaloriser » l’amour que le personnage porte à Daisy (ce n’est pas mon but) on pourrait carrément considérer qu’elle n’est pour lui qu’une façon de « matérialiser » son rêve de puissance et de richesse. C’est une sorte de Graal, un « prix ». Il est bien sûr persuadé d’aimer Daisy, mais ce dont il est vraiment amoureux, c’est de son rêve, rêve dont Daisy est une sorte d’avatar humain. De même que les humains créent des statues pour représenter leurs dieux et ainsi mieux les vénérer, de même Gatsby aurait fait de Daisy une idole, une « statue » incarnant pour lui la déesse de la réussite. Conquérir Daisy, c’est une « preuve matérielle » de sa réussite, de sa revanche sur la vie.
Tout ceci n’est que simple hypothèse et, personnellement, je n’y adhère pas, mais je pense que ça mérite d’être dit et médité ! Pourquoi pas, après tout ? Je comprendrais que certains, qui n’auraient pas du tout « adhéré » au personnage de Gatsby, aient cette vision plus sombre et cynique de lui.
Pour ma part, même s’il est vrai que le rêve de fortune et de richesse de Gatsby précède son amour pour Daisy, je pense qu’il est réellement amoureux d’elle et lui porte un amour pur, désintéressé qui va au-delà du pouvoir. La réussite était jusqu’alors sa « fin », après sa rencontre avec Daisy, elle devient pour lui un « simple » moyen de s’élever jusqu’à elle, de la mériter, de l’attirer dans son grand château, tel un héros de conte de fée, autrefois paysan et devenu prince, qui organise de grandes fêtes fastueuses dont il n’a cure dans l’espoir de pouvoir, un jour, attirer dans son château la jolie princesse que son cœur a élue. Ma vision est peut-être, pour le coup, très naïve. Mais quand je lis les analyses du roman, j’ai l’impression (peut-être fausse) que le roman est un peu moins ambiguë que le film et que le destin de Gatsby prend une réelle valeur hagiographique sous le regard particulièrement bienveillant et admiratif de Nick, le narrateur. Gatsby se transcende en une sorte de héros romantique au sens le plus noble et le plus maudit du terme, « victime » d’une société superficielle, cynique et figée.
Daisy BuchananEt en parlant de la princesse, justement, c’est le personnage qui m’a le plus surpris et déconcerté juste après Gatsby.
J’ai pu voir sur Internet que Carey Mulligan qui joue Daisy et qui s’est fait beaucoup connaître par
Drive ne faisait pas l’unanimité. Il y a les fans qui la trouvent ravissante, touchante, à sa place, très juste dans son interprétation. Il y a ceux qui ne l’aiment pas ou ont été déçus par sa prestations et qui déplorent sa « fragilité », ses grands yeux mouillés qui donnent toujours l’impression d’être sur le point de pleurer, et, plus subjectif : qu’elle n’est pas vraiment jolie.
Pour ma part, dès la bande annonce, j’ai trouvé que le rôle lui allait bien. Enfin, je ne connaissais rien à l’histoire, mais par rapport à l’époque des années 20, avec ses cheveux coupés en carré court, elle cadrait bien. Je l’ai trouvé convaincante, et il est vrai que, comme pour tout acteur ou toute actrice, on retrouve ses « tics de jeu », ses expressions et particulièrement son air fragile et mélancolique. Difficile pour moi de dire si ça dessert le film ; au regard de ce que le roman semble dire du personnage, je dirais bien oui ; mais ça a le mérite de l’adoucir un peu, de la rendre plus ambiguë et vulnérable ; non pas que j’y tiens, mais ça ouvre sans doute plus les interprétations pour la fin, et c’est peut-être ce que cherchait Luhrmann.
Sa première apparition, dans la très jolie scène des rideaux flottant au vent, n’a pas vraiment opéré de charme sur moi. D’entrée, je l’ai trouvée étrangement… « légère », frivole, à la limite de la niaiserie… amusant d’ailleurs, du coup, qu’elle souhaite, amèrement, que sa fille devienne une « jolie petite idiote » plus tard, même si, bien entendu, cette phrase sonne comme une critique sévère quant au rôle de figuration cruel auquel sont limitées les femmes à cette époque. Néanmoins, en la voyant (et en considérant la fin de l’histoire), on se demande quand même si Daisy (en supposant qu’elle était intelligente à la base) ne s’est pas prise elle-même aux mots et n’a pas fait en sorte de devenir la « jolie petite idiote » en question, comme pour fuir ses responsabilités ou éviter de trop souffrir. Les propos sévères de Nick à son égard semblent presque le confirmer.
C’est un personnage que j’ai d’abord trouvé sans grâce et sans intelligence. Puis, à travers le regard de Gatsby et son idylle avec lui, je l’ai trouvée un peu plus touchante mais, néanmoins, un peu « nian-nian », révélant une énorme fragilité. Mais c’est le dénouement du livre/film qui a fixé mon jugement sur ce personnage, mais j’y reviens dans un instant.
Nick CarrawayLui aussi a un peu partagé le public du film, apparemment. Pour certains, c’est le personnage qui vole presque la star à Gatsby, la révélation, le témoin silencieux mais clairvoyant qui décrypte les sentiments des personnages pour nous et qui incarne la véritable « mesure » dans ce monde d’excès. Pour d’autres, en revanche (dont certains particulièrement allergiques à Tobey Maguire), ce personnage est d’une déconcertante inutilité, invisible, complètement passif, limité à un rôle d’observateur et de faire valoir.
Je peux comprendre les deux positions. En ce qui me concerne, le fait que je sois depuis des années un immense fan de Tobey Maguire joue sans doute (je ne vais pas le nier), mais j’ai trouvé ce personnage vraiment génial. C’est sûr que son rôle de narrateur et d’observateur le limite dans ses actions, dans la part qu’il prend à l’histoire. Mais il ne faut pas non plus exagérer. Il apporte non seulement un regard à l’histoire, des commentaires (qui sont indirectement ceux de l’auteur, sans doute) mais aussi sa part d’émotions. Cela est nettement souligné par le fait que Luhrmann n’oublie jamais de faire un plan sur Nick tout au long du film pour montrer une expression ou un regard qui en disent long ; le regard de Tobey Maguire, tantôt approbateur, tantôt bienveillant, tantôt inquiet, tantôt sceptique, ponctue les échanges et redouble les sous-entendus dans les dialogues.
C’est encore le grand fan de Tobey Maguire qui parle, mais je le trouve extrêmement juste, sobre et touchant dans ses expressions, ses gestes, sa présence. J’adore son côté en retrait, toujours « anti-héros » (ironique pour celui qui a incarné Spider-man, mais là était la beauté selon moi ; ce que j’aimais, c’est qu’il incarnait un Peter Parker vraiment timide, sur la réserve, sans arrogance [excluons le pathétique 3e épisode], sans complexe de virilité) l’anti Brad Pitt et je pourrais dire aussi, l’anti Léo DiCaprio. Néanmoins, je précise : je trouve que Léo est excellent dans le rôle de Gatsby, et je n’aurais vu personne à sa place.
Ce que je veux dire, c’est que, d’après ma sensibilité et mes affinités personnelles, je suis beaucoup plus sensible à des personnages comme ceux qu’incarne Tobey Maguire (dans
Spiderman, bien sûr, mais aussi dans
Pleasantville). J’aime les anti-héros, les personnages qui n’incarnent pas une caricature de virilité, ou qui n’existent pas par des choses aussi vulgaires et/ou communes au cinéma que la beauté physique et/ou la force. Tobey Maguire sait faire ça ; dès qu’il ne porte plus le costume du super-héros, il sait retrouver une vulnérabilité que j’admire. Certains sont allergiques ; trouvent qu’il fait benêt, qu’il n’est pas assez beau, ou qu’il est trop « gentil » ; moi, la plupart du temps, je trouve les héros au cinéma trop « virils », trop machos ou bruts, trop arrogants ou prétentieux. Chacun son truc.
C’est pourquoi Christian, le poète incarné par Ewan McGregor dans
Moulin Rouge, m’a toujours touché et a représenté pour moi le héros tel qu’il devrait être plus souvent. Luhrmann a fait ça. Gatsby est aussi un personnage extrêmement touchant, qui n’est pas du tout le connard arriviste, libertin et macho qu’on pourrait s’attendre à voir ; c’est un idéaliste, un amoureux dans le sens le plus noble du terme selon moi ; mais le personnage de Nick, par son côté « personnage secondaire », plus en retrait, peut-être aussi plus « cérébral », dans la retenue, d’une extrême clairvoyance et d’une loyauté sans failles me touche encore plus !
Une chose qui, personnellement, m’a frappé après le dramatique dénouement, c’est la façon dont l’amitié entre Nick et Gatsby sort d’autant plus belle et sincère alors que l’amour, lui, est sérieusement égratigné. Non pas l’amour en tant qu’absolu, qui, au contraire, est magnifiquement incarné par Gatsby, mais en revanche l’amour en tant que moyen de surpasser les différences sociales, en tant que communion des âmes au-delà de tout intérêt matériel, l’amour en tant que sentiment réciproque, là, se prend un méchant soufflet.
A côté de ça, on a pu voir une amitié profonde, pleine de confiance, d’estime et d’admiration se construire tout au long du film. Certes, le même problème se pose peut-être ; y’a-t-il une réelle réciprocité ? Nick est complètement dévoué à Gatsby et lui porte une grande admiration. A l’inverse, Gatsby semble bien trop obnubilé par son rêve et l’amour qu’il porte à Daisy pour s’intéresser davantage à son « vieux frère », à son ami, à celui qui, de façon flagrante, est le seul à vraiment l’aimer pour ce qu’il est. Donc, c’est vrai que les violons du cœur ont un peu de mal à s’accorder dans ce concert à 5 voix que nous livrent les personnages. Néanmoins, la loyauté et l’immense respect dont témoigne Nick à la fin pour le défunt Gatsby force l’admiration et entache encore plus l’indifférence des Buchanan. Le voir plongé dans cette solitude du dernier ami qu’il reste à Gatsby après la mort et la honte, c’est bouleversant et ça laisse même penser que depuis le départ, on croyait voir une histoire d’amour, mais qu’à la dernière minute, on est détrompé et que ce qu’on voyait en fait, c’était une histoire d’amitié.
Dans cette société artificielle où tout s’avère faux ou pas assez fort face aux apparences, il semble qu’il n’y ait que cette amitié qui garde toute sa vérité, ou du moins, l’amitié et l’admiration de Nick pour Gatsby, et cela jusqu’aux ultimes minutes, lorsqu’il achève son manuscrit, ajoute « The Great » à son titre, et prononce les derniers mots du roman conférant à Gatsby ce don pour l’espoir et le rêve.
A propos du dénouementUn des climax du livre/film, si ce n’est LE climax, c’est bien sûr cette scène stupéfiante de confrontation verbale très violente entre Gatsby et Tom au sujet de Daisy. La scène prend vite des allures de duel entre deux mâles dominants pour savoir lequel des deux repartira avec la femelle. Cette lutte très animale se manifeste de façon même très concrète au moment où les deux hommes se toisent carrément front contre front comme deux cerfs en train d’entrechoquer leurs bois pour déterminer celui qui ravira la biche ! La biche, justement, ne dit pas grand-chose et semble complètement perdue…
Cette scène est, selon moi, un bon exemple de la façon dont un dialogue, un simple dialogue peut prendre un caractère épique ! Elle est longue, très tendue, les personnages sont très bien répartis dans la pièce, chacun placé très précisément. L'unité de lieu, le placement des personnages et la façon dont l'action n'avance que par les répliques fait penser à du théâtre. Nick et Jordan ne bougent pas et ne disent pas un mot, extrêmement mal à l’aise, seuls leurs regards parlent, avec parfois la voix de Nick, en off, qui commente la scène. Les deux « mâles » sont dans la confrontation pure, Daisy, elle, en laquelle chacun des deux cherche un soutien, un ralliement salutaire, leur glisse sans cesse entre les doigts, fuit l’affrontement, regarde ailleurs, tout au plus essaie de raisonner Gatsby sur ses exigences. Elle prononce une phrase absolument inconcevable à Gatsby : « I loved him once – but I loved you too.” La suite, si vous avez vu le film et/ou lu le livre, vous la connaissez, je ne vais pas entrer dans les détails.
Là, selon la sensibilité, l’indulgence et la subjectivité de chacun, Gatsby est soi un remarquable romantique que son idéal aveugle, soit un riche mégalo victime de « jalousie rétrospective » qui pense pouvoir tout racheter, même le passé lorsque celui-ci ne lui convient pas. En me plongeant un peu dans le livre et en lisant des analyses, je constate que le narrateur entretient jusqu’au bout une image extrêmement positive et même hagiographique de Gatsby. Son aveuglément, son obstination un peu puérile et sa capacité démente à pouvoir nier la réalité semblent perçus sous l’angle de l’admiration, témoignage d’un homme sincère, vrai, dans un monde de mensonge et d’hypocrisie.
De même pour Daisy ; s’agit-il d’une jeune femme simplement perdue, indécise, influençable qui, débordée par les événements, a juste été effrayée par les exigences de Gatsby et s’est laissée guider par son mari ? Ou bien s’agit-il d’une jeune femme inconstante qui ne tenait pas plus que cela à Gatsby et qui a préféré rester dans son petit confort en fuyant avec son mari, n’ayant aucun scrupule à laisser la mémoire de Gatsby salie à jamais à cause de l’accident dont elle est la vraie responsable ? Le livre et le narrateur, à travers la voix off, semblent trancher net, avec entre autres cette phrase :
«
They were careless people, Tom and Daisy—they smashed up things and creatures and then retreated back into their money or their vast carelessness, or whatever it was that kept them together, and let other people clean up the mess they had made.”
Le verdict est sévère, radical, froid et sans appel. Dans le film, Daisy, absente aux funérailles de Gatsby, part avec Tom sans la moindre larme. Pas une scène ne la montre triste, effondrée, minée par les remords (comparez un peu avec la scène de la mort de Satine dans
Moulin Rouge...). Le couple, qui se vaut bien, plie bagages et laisse salie à jamais la mémoire de Gatsby.
On en pense ce qu’on veut, mais pour ma part, tel que j’ai vécu et ressenti les choses durant le film, Gatsby était une sorte de Pygmalion qui avait fini par créer une Galatée/Daisy plus belle que l’originale (processus typique de la "cristallisation" amoureuse telle que théorisée par Stendhal) qui, en fait, ne l’aimait pas du tout autant que lui. Pour moi, sa « quête » était belle et légitime. Dans la mesure où il a cru sincèrement que Daisy n’avait épousé Tom que par dépit, sans une once d’amour, et qu’il avait construit toute la légitimité de leur relation sur cet amour d’origine, avant que la guerre et Tom ne s’interposent, le rêve qu’il poursuit n’a rien de fou. Pour lui, il ne fait que reprendre les choses là où il les avait laissées. C’est un simple contretemps, et tout est encore récupérable en l’état tant que le malentendu est dissipé, ce qui ne tient qu’à une chose : révéler au grand jour que Daisy n’a jamais aimé son mari. Cette seule révélation lave plusieurs années d’attente et de séparation. Jusqu’à ce point critique, j’étais encore persuadé (naïvement, très naïvement, à croire que j’avais chopé les illusions du personnage) qu’on pouvait encore avoir une happy end.
Mais tout le problème, c’est que, finalement, Daisy n’a pas vécu les choses de cette façon. Le choc est rude. Je ne m’attendais absolument pas à la réaction étrange qu’elle a eue dans l’hôtel pendant la grande explication.
Je n’irai pas jusqu’à défendre le fait que Gatsby ait pu s’aveugler jusqu’au bout et s’enferme dans une sorte de fabulation pour réécrire le passé. Il aurait s'incliner lucidement devant les faits et composer avec, agir en conséquence, quitte à renoncer à Daisy si une "jalousie rétrospective" ou un besoin d'exclusivité trop grands le rongeaient. Mais, malgré les paroles de Daisy qui assume avoir aimé Tom un certain temps, Gatsby s’entête dans son "scénario". Il aurait le droit d’être blessé, d’être en colère, de se sentir trahi, parce que soudain, sa version de l’histoire ne colle plus avec celle de Daisy, il constate que leurs cœurs ne sont pas tout à fa