JOUR 4Je suis accro. Un junkie. Il me faut ma dose.
J’en ai rêvé toute la nuit et dans quelques minutes je vais pouvoir me défoncer.
Je me précipite, après une toilette sommaire. Je galope pour les retrouver. J’enfonce les portes et bouscule les passants.
Et soudain, je les aperçois. Leur vue provoque en moi un apaisement bien connu de tous les drogués du monde. Ils sont sagement présentés dans leur habitacle immaculé, prêts à se laisser consommer, délicieusement, voluptueusement…. J’ai la vanité de penser qu’ils n’attendaient que moi.
Avant qu’un autre ne le fasse, je saisis l’ustensile obligatoire à leur consommation, et je m’approche fébrilement, je me délecte enfin de leur odeur, de leur couleur chatoyante. Leur vue me rend heureux, serein, et quand je peux voir la petite fumée qui s’en échappe, je suis aux anges.
Soudain comme un son au loin, un écho désagréable au fond de mon tympan, j’entends ma femme qui me chuchote : « Calme toi, c’est que des œufs brouillés !!! ».
Eh, what did you expect ???
Là je dis non, non et non !!!
Chers lecteurs, les œufs brouillés du Captain’s Quarter sont LES œufs brouillés. Une référence en la matière. L’exemple académique. Ce qu’il faut faire, et c’est tout.
Je ne suis pas dupe, c’est de la poudre. Mais quel goût !!! Quand l’industriel rencontre Escoffier, ça donne ça.
Agrémentés de petits pains chauds, de saucisses délicatement grillées et d’emmental en tranche, ils vous propulsent dans une stratosphère, type voie lactée, dont vous pourrez toujours redescendre avec un seau de lait, ingrédient nécessaire à leur propre fabrication.
Ceux qui n’ont jamais pris un shoot culinaire ne peuvent pas comprendre. Les autres peuvent me jeter la première pierre (et le loup) mais en tout cas, je vous le dis, fichez moi la paix quand je mange.
Aujourd’hui, je prends des forces parce que dans une heure, je devrais affronter l’attraction que tout le monde redoute. Et au moins, si j’en meurs, mon dernier repas aura été un vrai festin.
La Tour de la TerreurEn ce matin du quatrième jour, nous avons donc décidé d’essayer la « chose ».
Dés que l’on arrive aux abords des Studio, on l’aperçoit.
Plus on se rapproche, plus elle devient grande... (cette phrase est débile en fait. Greffier, veuillez l’effacer s’il vous plait !!!).
Plus on se rapproche, plus elle s’avère inquiétante... (c’est déjà mieux, continue comme ça !!!).
Sorte de gigantesque bloc monolithique, et délabré, planté au centre du parc, TOT, c’est son nom en langage sms (rien à voir avec un dieu égyptien à tête de chihuahua), attend ses victimes.
Nous ne savions rien de ce qui se passait dedans, et j’avais fait en sorte de ne jamais me renseigner pour ne pas déflorer la surprise.
Un grand huit, des petits wagons, une catapulte atomique ? On ne savait rien.
Ce qu’on savait par contre, c’est que des gens hurlaient au sommet du machin. En levant les yeux, on aperçoit çà et là, des portes qui s’ouvrent et se ferment en une fraction de seconde, emprisonnant des visiteurs terrorisés.
C’est toujours à ce moment là qu’on se regarde et qu’on se dit « Sinon y’a peut-être pas beaucoup de queue à SmallWorld… ».
On avance malgré tout, poussés par un courage masochiste, jusqu’à l’entrée de l’attraction. Ma femme, sifflote, en marchant vers notre destin tragique. Elle s’en fout puisqu’elle restera en bas.
Elle est enceinte de 6 mois et il paraît que ToT n’est pas conseillé par les gynécos.
Je lui laisse mon sac à dos Mickey, mon testament cacheté et prend mon petit garçon de 4 ans ½ par la main.
- Ceux qui ne connaissent pas l’attraction ne doivent pas lire ce qui suit -ACCES FASTPASS.
Qui aurait envie de se dépêcher ?
On entre au pied de la tour, dans ce qui semble être un Hall d’hôtel désaffecté et on patiente devant un tourniquet. Des ascenseurs sont en face de nous. Beaucoup de monde dans la file.
Le casting est soigné, comme au manoir hanté. Le groom n’a pas l’air commode. Une maladie du foie peut-être, un décès dans sa famille, que sais-je ? Il nous dit de franchir le tourniquet et nous guide vers l’ascenseur dans lequel on s'entasse.
Mouvement. On monte.
Les portes s’ouvrent sur une bibliothèque dont les murs recouvrent une complainte, sorte de cri humain d’un visiteur emmuré. On avance. La musique est lancinante. Choisie pour son coté oppressant. Le décor est superbement vieilli et angoissant. Un must.
On avance ensuite sur une coursive, longeant une sorte de salle des machines. Le système de chauffage, les coulisses de l’ancien hôtel. Pénombre, toiles d’araignées, ambiance lugubre sont au rendez-vous.
Si vous n’avez pas encore rebroussé chemin à ce stade de l’aventure, c’est que vous n’avez pas conscience du danger qui rode.
Le fiston, s’encastre dans mes jambes maintenant. Il m’empêche presque d’avancer. Pas fier. Mais il ne veut pas redescendre non plus. Il veut aller au bout…
Plus loin, un autre groom nous attend devant de grandes portes (monte charges), et nous demande de patienter sur des emplacements marqués au sol. On est une quinzaine. Penauds.
Le type met la main sur la tête de mon fils, secoue sa tête et arbore un rictus démoniaque.
- Vous pensez qu’il va avoir peur ? je demande
- … Il n’en aura pas le temps … qu’il répond.
Qu’est ce que c’est que ce truc encore. Je rappelle qu’on ne sait toujours pas ce qu’on va trouver derrière ces foutues portes à gros rivets.
Angoisse.
Une minute plus tard, les portes coulissent et laissent apparaître, une grande cabine avec des bancs sur lesquels on peut prendre place. C’est donc pas des wagons, ni un grand huit. Un film peut-être ? Genre Star Tour…
Il faut attacher les ceintures, elles sont rudimentaires. Je sangle le fiston, qui est bien installé, mais un peu anxieux. Il serre ma main.
Le groom nous dit quelques mots et les portes se referment.
Obscurité.
Des images apparaissent en face de nous. Une histoire de quatrième dimension, une infirmière, je ne sais plus bien…
La cabine se met en mouvement. On monte à nouveau. Rapidement. Mais on est pas déjà en haut ? On va finir sur la lune…
Stop.
Et là tout va très vite.
Les portes s’ouvrent devant nous.
On est au sommet de la tour. On domine le parc. On voit loin, très loin.
Elles se referment au bout d’une seconde. Des gens hurlent autour de nous.
C’est ce qu’on entendait quand on était en bas tout à l’heure. Quand tout allait bien pour nous.
Et la cabine décroche. Elle dévale plusieurs étages à une vitesse vertigineuse. Le fiston vole dans le siège. Merci la ceinture. Apesanteur.
Il a peur. Moi encore plus.
On s’arrête. Encore des images. On remonte.
On décroche encore. On remonte très vite.
On décroche encore. Les cris sont stridents. L’adrénaline coule à flots. Put… ça va s’arrêter quand ? On remonte pour la dernière fois. Et on décroche pour l’ultime chute.
Celle de trop, celle qui détruit.
La cabine s’immobilise enfin. Le bazar a duré moins d’une minute.
Récupération.
Ce truc est une torture. Les gens sont blancs comme des linges. Le fiston me regarde « Papa, c’était pas trop bien ! ».
On se détache et on sort. Le jambes tremblent un peu. On s’enfuit presque avant que la cabine remonte à nouveau.
A la sortie du bâtiment, on peut trouver une boutique. Des photos de vous dans la cabine seront disponibles. On a du mal à apprécier les objets exclusifs, les articles de l’attraction, tant on est encore sous le choc.
Ma femme attend à l’extérieur en panique. On a disparu dans cette dimension parallèle pendant plus d’une heure (je ne vous ai pas précisé qu’il y avait eu une panne durant notre attente) et elle croyait que j’avais fait un malaise à cause de mon vertige. Elle à presque appelé le SAMU pour venir me chercher en hélicoptère. Plus de peur que nous. Drôle.
Avec le recul, je me dis que cette attraction est extraordinaire. L’ambiance qui y règne, les décors et la maîtrise de la sensation infligée sont l’œuvre de grand manitous.
Ne passez surtout pas votre chemin. C’est mon attraction préférée. Fêlé que je suis…
Et n’oubliez pas que les cris que vous entendez quand vous êtes en bas seront bientôt les vôtres….
@ tout à l'heure pour la suite....