Dash, ce que tu as dit sur
Moulin Rouge est tout à fait vrai, enfin, en tout cas, c’est complètement ce que j’avais ressenti. Aujourd’hui, c’est un de mes films préférés, mais quand je l’ai vu la première fois, jusqu’à ce que je rentre dedans, j’ai cru que j’allais couper le film. Au final, maintenant que je connais bien ce début, je sais l’apprécier, mais ça reste très… « loufoque » et électrique.
Sugar Kane, j’ai beaucoup aimé ta critique ! J’ai particulièrement apprécié la façon dont tu as situé ton approche du film par rapport à ton « vécu », à ta découverte du
musical, etc.
J’ai lu toutes vos critiques et je constate que le film est plutôt bien reçu sur DCP, même très bien reçu. Ce qui est une bonne nouvelle pour lui, car comme vous l’avez tous fait remarquer, il reçoit un accueil vraiment glacial de la presse française et plutôt perplexe d’un grand nombre de spectateurs dont, malheureusement, je me retrouve à grossir les rangs…
Je pense que, si je n’avais pas à ce point tenu à voir ce film malgré mon mauvais pressentiment grandissant, j’aurais écrit un post absolument identique à celui de
yoda.
Trois jours après l’avoir vu, j’ai eu le temps de digérer le film et donc d’accoucher d’une critique…
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Quelques remarques d’ordre généralA propos du roman- Je n’ai malheureusement pas lu le livre. Il est dans ma liste, comme beaucoup d’autres encore, et je compte bien le lire dès que j’aurai lu d’autres livres que j’ai achetés depuis longtemps. Donc, de ma part, vous n’aurez pas le droit aux « C’est pas fidèle » ou je ne sais pas quoi, parce que je ne peux tout simplement pas me permettre de le dire, je n’ai pas lu. Après, certes, je connais quand même bien l’histoire et même plusieurs détails de l’histoire, parce que j’ai eu l’occasion d’étudier l’œuvre et de voir de précédentes adaptations, mais pas de quoi me situer en lecteur.
A propos du débat sur la fidélité au roman- Comme il s’agit d’une énième adaptation, l’éternel débat sur la fidélité revient encore en force ; normal. Parce que selon le côté où on se situe, le regard sur un film change radicalement. Ma position sur le sujet est plus nuancée que cela (il peut y avoir de belles infidélités ou des infidélités nécessaires), mais pour faire simple : je suis plutôt un partisan de la fidélité maximum. Quand je lis un livre et qu’il m’arrive de me dire « j’aimerais bien le voir en film », je pense tout de suite à un film qui sera l’exacte transposition de ce que je lis, avec pour plaisir de voir la même œuvre exactement, mais avec la plus-value qu’apportent l’image, la photographie, la musique, les jeux de caméra, l’interprétation des acteurs. Après, au-delà de la fidélité, il y a simplement les choix artistiques. On peut admirer un film pour sa fidélité à l’œuvre qu’il adapte mais néanmoins bloquer sur certains choix (la tête d’un acteur qui ne nous revient pas ou ne nous semble pas judicieux pour le rôle, une musique décevante, une photographie trop ou pas assez soignée…). Dans le cas précis des
Misérables, j’ai rarement vu autant de spectateurs dire « C’est fidèle », « c’est comme dans le livre ». Il y en a un si grand nombre que j’en viens à soupçonner que quelques menteurs ou mythos se sont planqués dans le lot. Dans ce pays qui ne lit presque plus (en tout cas, pas des classiques, malheureusement…), on ne va pas me faire croire que 50% des spectateurs d’Allo-ciné ont lu les 1500 pages des
Misérables ! C’est à la fois l’immense force et la terrible faiblesses de sur-classiques, d’œuvres cultes comme les romans d’Hugo : ils sont tellement connus, adaptés, parodiés, cités ou commentés, qu’ils s’enracinent dans l’inconscient collectif et il en résulte que tout le monde croit tellement connaître, maîtriser l’histoire, que personne n’a plus la motivation ou l’envie ou le besoin ou la curiosité de s’y plonger, de lire le livre, comme si tout le monde avait l’impression de l’avoir déjà lu. Alors, c’est sûr, si des spectateurs qui n’ont pas lu une page du roman mais qui connaissent comme nous tous, le destin tragique de Fantine, la maltraitance de Cosette, la mesquinerie des Thénardiers, Valjean prisonnier au grand cœur, Javert représentant d’une justesse froide et psychorigide, Gavroche l’enfant des rues qui crève devant les barricades en chantant « C’est la faute à Voltaire, c’est la faute à Rousseau », si tous ceux qui connaissent ça sans avoir lu (soit la plupart d’entre nous) se permettent le diagnostic « c’est fidèle », on n’est pas sortis de l’auberge ! Parce qu’heureusement qu’il y a tous ces persos, ces éléments, sinon, là, ce ne serait même plus les
Les Misérables. La fidélité passe par un respect de la trame du roman, des scènes, etc., mais plus encore, elle passe, selon moi, par un respect de « l’esprit » du livre, de l’œuvre. Et là, pour le coup, il me semble qu’il faut vraiment s’être immergé dans l’univers de l’écrivain pour juger correctement, parce que c’est beaucoup plus abstrait, c’est au-dessus des faits, c’est impalpable, mais ça se ressent parfaitement. Chaque personnage a son « esprit », et donc, normalement, même si on modifie un peu ses paroles ou qu’on coupe certaines de ses scènes, si on ne trahit pas son « esprit », ce n’est pas trop dramatique.
A propos des comédies musicales- Comme on lit beaucoup « Si vous n’aimez pas les comédies musicales, ce film n’est pas pour vous » ou encore « J’ai adoré, mais bon, en même temps, j’adore les comédies musicales », je tiens à donner ma position par rapport aux comédies musicales pour éclairer ma critique.
Je ne suis pas un fan absolu des comédies musicales, je le reconnais. Je ne cours pas après, disons. Le fait qu’un film soit une comédie musicale ne va pas du tout m’attirer vers lui. C’est encore et toujours l’histoire qui joue ; si c’est une comédie musicale, tant que l’histoire m’attire, je tente le coup.
Comme je le dis souvent, je ne suis du tout branché chansons en général, je ne sais pas pourquoi, la chanson, ça a du mal à me toucher voire ça m’énerve, j’ai une prédilection quasi-exclusive pour l’instrumental. Déjà, enfant, j’avais énormément de mal avec les passages chantés dans les Disney, c’était ma seule réserve vis-à-vis de certains. Mais ça dépendait des chansons et du film. Par exemple, « Ce rêve bleu » ou « L’amour brille sous les étoiles », pour moi, gamin, ça a été un calvaire absolu et aujourd’hui encore, je ne supporte pas. En revanche, les autres chansons d’
Aladdin ou les chansons de
Tarzan ou celles de
La Belle et la Bête, ça va. Hors Disney, j’aime beaucoup les chansons d’
Anastasia, et, pour revenir à Disney, cette petite réticence pour les chansons ne m’a pas empêché d’adorer et de revoir régulièrement
Marry Poppins ! Tant que l’histoire me plait, déjà et que les musiques ne me donnent pas envie de me défénestrer, ça passe sans problème. D’ailleurs, parmi mes films préférés, il y a deux comédies musicales :
Singin’in the Rain et
Moulin Rouge. Et sinon, j’aime beaucoup les films
Le Fantôme de l’Opéra,
Sweeney Todd (même si je n’aime pas trop les musiques, un peu trop fadasses à mon goût, mais l’histoire et l’esthétique Burton m’ont séduit ; le film aurait pu être un de mes préférés de Burton s’il n’avait pas été musical) ou encore
Mamma Mia. Donc, je ne suis pas un allergique absolu, ni un inconditionnel. Je traite les comédies musicales au cas par cas, et il y en a certaines qui sont dans mon panthéon aussi bien pour le film que pour la musique. Alors, pourquoi pas
Les Misérables ?
A propos du téléfilm de TF1 en 2000- Enfin, pour finir, je ne pars pas vraiment de zéro avec
Les Misérables. Si je n’ai pas encore eu l’occasion de lire le roman, en revanche, j’ai déjà vu deux adaptations. D’abord, celle de 1982 avec Lino Ventura, qui m’a traumatisé à l’adolescence tellement je l’avais trouvé glauque et vieillotte. Ensuite, la fresque télévisuelle de TF1, réalisée par Josée Dayan et diffusée en 2000, avec Gérard Depardieu, Christian Clavier et John Malkovitch. Cette dernière, en revanche, m’a énormément plu, les personnages m’ont fasciné et je me suis même pris le DVD ! (je peux vous dire que moi qui non seulement aime un film ou un téléfilm dramatique français mais qui, en plus, l’achète, ça tient du prodige !). Donc, j’ai été très marqué, influencé et séduit par cette adaptation et nul doute qu’elle a beaucoup pesé dans ma vision de cette histoire.
Voilà. Tout cela peut sembler un vaste bavardage futile en guise de prélude, mais ça anticipe sur des questions ou des protestations que pourrait susciter ma critique. Mon avis ne vient pas de nulle part, il découle de tout cela à la fois, donc cela me semble important de le situer. Ceci étant dit, j’entre enfin dans le vif du sujet.
VerdictPour commencer, lâchons le morceau et disons les choses clairement : je n’ai pas aimé ce film et il ne m’a pas du tout transporté. Simple impression personnelle.
En disant cela, j’ai la coupable et désagréable impression de « pourrir le groove » de tous ceux qui sont si enthousiastes, si enchantés par ce film, et donc je me sens un peu dans le mauvais rôle du rabat-joie qui vient péter l’ambiance avec ses remarques ronchonnes. Il n’en est rien. Je ne donne pas mon avis pour convaincre (jamais, en cinéma), mais simplement pour le partager et éventuellement engager une discussion intéressante autour du film. Je n’ai pas un instant la prétention que mon avis vaut mieux qu’un autre et il aurait pu être tout aussi bien l’opposé. Cela s’est joué à peu, en effet, quand on sait tout ce que je viens d’expliquer : le fait que j’adore l’histoire des
Misérables, que j’aime bien les comédies musicales, sans parler de toutes les excellentes prédispositions avec lesquelles partait ce film et qu’on ne saurait lui discuter : un casting prestigieux, une photographie sublime, un réalisateur oscarisé, un
musical qui triomphe depuis des années…
Alors, malgré tout ça, qu’est-ce qui a merdé chez moi ? Qu’est-ce qui m’a fait passer à côté de l’extase que je ne demandais qu’à connaître avec les autres fans ? Mes reproches à l’encontre de ce film et ce qui fait que je ne suis pas rentré dedans sont, je le crains, tout à fait les mêmes que ceux qu’on lit à longueur de pages sur plusieurs sites de critiques, que ce soit de la presse ou des spectateurs les plus sceptiques. Vous devez donc déjà les voir venir !
La musique- Bon, pour commencer, problème « technique » plutôt gênant quand on est face à une comédie musicale (genre contre lequel je n’ai pas d’animosité particulière, je le rappelle) : je n’ai pas du tout aimé la partition du film. Pour moi, ça s’est partagé entre, d’un côté :
1) Les mélodies « principales », les thèmes principaux (
I dreamed a dream –
Look down –
Hear the people sing), bien identifiables, qui sous-tendent tout la partition et que, personnellement, j’ai trouvé sympas, pas géniales non plus. Ma préférée reste
Hear the people sing, qui a un certain souffle et incarne une belle musique révolutionnaire. J’ai bien aimé
Look Down dans sa version « beggars », avec Gavroche. Le problème, c’est que, bien qu’étant les thèmes principaux, ces thèmes ne sont pas assez présents sur 2h30 de films, au milieu du déluge des autres chansons…
Bref, posséder l’intégralité de la BO commerciale ne m’intéresse pas et, évidemment, encore moins la « complete ». Néanmoins, petit bilan des pistes que j’ai gardées :
*« At the end of the day »
*“Lovely Ladies”
*“Look down” (Version “The beggars & Gavroche”)
*“Do you hear the people sing”
*“Do you hear the people sing” (Final version)
*« End Credits, Part I »
Cela fait donc 6 pistes au total (sur 61 dans la
complete) et un total de 22 minutes, sur les 2h30 de musique. Quand on voit ça, on comprend mieux pourquoi je garde un mauvais souvenir de la musique, puisque seulement moins d’un quart de la partition m’a plu.
2) Toutes les autres chansons, avec tout particulièrement toutes ces phases vraiment fadasses et laborieuses durant lesquelles les persos sont en équilibre précaire entre la chanson et le dialogue, semblent chanter pour chanter, sans mélodie très claire. Ca, j’ai trouvé ça atrocement pénible et j’avoue que je n’ai pas compris. Vous allez me dire, mes chers amis, qu’il s’agit d’une comédie musicale. Bien sûr, mais quand je pense à
Singin in the rain,
Moulin Rouge,
Phantom of the Opera ou meme
Sweeney Todd, on n’y trouve pas cette tentative désespérée de maintenir la musique à tout prix tout le long de l’histoire. Les chansons sont séparées par des phases de dialogues ou instrumentales qui permettent de faire avancer l’intrigue à des moments où chanter serait superflu, malvenu, ferait seulement office de transition un peu poussive. Ces films ou ces show ont eu la décente idée de ne pas trop tirer sur la corde jusqu’à l’absurde, mettant d’autant plus en valeur les chansons qu’elles se détachent du reste et interviennent à des « temps forts », des « climax », à point nommé, font office de « climax » sans créer de monotonie dans la partition. La plupart des films que je cite ont, comme les
Misérables, été des spectacles sur scène donc le fait de ramener toujours le film a sa nature antérieure de musical à Broadway ne me semble pas justifier l’omniprésence contre-productive de la musique, puisque les autres ne l’ont pas fait, me semble-t-il.
Je suis prêt à admettre que mon manque de totale adhérence à la chanson en général m’ait pénalisé pour supporter le déluge vocal du film, mais comme d’autres pas aussi insensibles que moi à la base ont aussi eu du mal, je me dis que ce n’est peut-être pas que moi. En tout cas, dans le dernier tiers du film, j’ai commencé à avoir une migraine qui n’a cessé d’amplifier. A peine un personnage s’arrêtait-il de chanter qu’un autre entamait un refrain. C’était un supplice pour moi. Je le dis tel que je l’ai ressenti, je ne prétends pas que c’est objectif. Mais je l’ai clairement ressenti ainsi. Je n’en pouvais plus.
Orgie de pathos ou la pose tragique sur-exploitée- Autre point principal qui m’a posé problème et qui se trouve être étroitement lié à la surabondance de chansons : j’ai trouvé le film beaucoup trop emphatique et larmoyant. Ca me fait un peu bizarre de dire ça, car je ne recule pas devant l’émotion d’habitude, mais là… il y a une orgie écœurante d’émotions. Il y a un phénomène de superposition très dommageable entre 1) les scènes qui, en elles-mêmes, ont une certaine charge émotionnelle, 2) Les chansons et leur paroles 3) La gestuelle et les expressions des acteurs pendant qu’ils chantent. Trois choses qui, combinées, créent un surdosage létal pour l’émotion alors que, paradoxalement, cela cherchait à la pousser à son maximum.
Pendant deux heures trente, on regarde une histoire qui porte en elle énormément de scènes touchantes, de moments pathétiques, de tristesse, de misère humaine, de grands sentiments, de charge émotionnelle. Mais à cela s’ajoutent des chansons et tout ce qui va avec : des airs mélancoliques, et enfin des paroles déchirantes sous forme de complaintes qui superposent à tout cela une sorte de « méta-commentaire » très envahissant et un peu trop « lourdingue » qui agit comme un stabilo fluorescent repassant sur chacune des émotions qui crève déjà l’écran. On a une scène qui suinte la tristesse. On a un personnage qui, en conséquence, sombre dans la tristesse. Mais on a en plus une musique d’une profonde tristesse et par-dessus les paroles emphatiques du personnage qui hurle sa tristesse au monde dans un monologue plaintif et larmoyant. Pendant 2h30, ça pleure, ça gémit, ça sanglote, ça implore Dieu, le tout dans d’interminables gros plans et/ou plans fixes (critique qui revient aussi chez les spectateurs) qui, du coup, ne nous laissent pas rater une miette de ce spectacle de la misère dans une pose tragique des plus décomplexées, la caméra presque collée aux visages grimaçants et maculés de larmes, aux bouches qui geignent, pleurnichent et s’époumonent. C’est l’overdose de
pathos, ça devient indigeste, pesant, caricatural, comme une tragédie surjouée et tire-larmes.
En écrivant cela, j’ai bien conscience que cela ne concerne que moi et plusieurs autres spectateurs et qu’au contraire, cela a parfaitement fonctionné sur beaucoup d’autres. Le plus « facile » serait de tirer des conclusions sur la sensibilité des uns et des autres. Et d’ailleurs, c’est ce que beaucoup ne se sont pas gênés pour faire, des fans passionnés qui ripostaient aux critiques les plus sévères en usant d’
ad hominem tels que le fameux « Si vous ne pleurez pas devant ce film, vous n’avez pas de cœur ! ». Remarque arrogante qui vise à moucher ou convertir le spectateur le plus sceptique en le « culpabilisant » du fait de ne pas pleurer ou être suffisamment touché, reportant une potentielle défaillance du film sur une défaillance imputée au spectateur. Ce procédé est courant, et un peu désespéré.
Le film pour lequel on m’a le plus fait le coup, c’est
Le Tombeau des lucioles. Le film pour lequel on m’a bassiné pendant des années, en me le vendant comme LE film LE plus émouvant de la terre, capable de tirer des larmes à n’importe qui, et c’est limite si je m’attendais pas à lire sur la jaquette du DVD : « Le film qui a fait pleuré Saddam Hussein ! ». J’ai fini par le voir et, même si je l’ai trouvé sympa, je n’ai vraiment pas été ému. Sans doute qu’on m’avait trop monté le bourrichon, mais je pense aussi que, de toute façon, il y avait le fait que plus on s’achemine vers la fin, plus les éléments tragiques s’accumulent, s’empilent et ça finit par devenir excessif, trop emphatique, comme si le film devenait un peu sa propre caricature ou sa parodie. Le film semble forcer l’émotion et il en fait trop, ce qui a pour effet de la tuer, selon moi.
Je pense que c’est à peu près ce qui s’est passé avec
Les Misérables dans mon cas. « Braquer » les gens avec des phrases genre « Si tu pleures pas devant …, tu es… », c’est aussi bête que dire « Hugo se retourne dans sa tombe ». L’émotion, c’est très personnelle, évidemment. On n’est pas touchés devant les mêmes trucs. Je ne pleure pas beaucoup ou presque jamais devant les films (c’est un film que je porte profondément dans mon cœur, et je suis un passionné de l’histoire du paquebot, mais je n’ai jamais pleuré devant
Titanic, par exemple), néanmoins, j’ai craqué pour certains. Ce n’était donc pas pour
Les Misérables ou
Le tombeau des lucioles mais pour
La Ligne Verte, la fin de
Toy Story 3 et
Le Seigneur des anneaux : le Retour du Roi (quand Sam porte Frodon sur ses épaules ou à la fin quand tout le monde s’agenouille devant les quatre hobbits avec le magnifique thème d’Howard Shore entonné triomphalement, sans parler du retour à la Comté ou des adieux aux Havres Gris), entre autres. Donc, je peux être extrêmement touché (très souvent) et même pleurer (parfois). Mais là, ça n’a pas pris. La faute, il me semble, à ce que je disais plus haut.
Le castingIl est prestigieux, aucun doute là-dessus. En revanche, dès que j’ai entendu parlé du film, il y a plus d’un an, j’avoue que j’ai été très surpris et même un peu déçu par le choix des acteurs. Là, c’est tout à fait personnel, car ça correspond à ma « vision mentale » des personnages, dans mon imaginaire, mais pas que. En fait, je suis aussi, je l’avoue, énormément sous l’influence du téléfilm de TF1 dont, bien avant que je le voie, j’avais salué le superbe casting, extrêmement intuitif et judicieux au niveau de la distribution.
Quand j’ai appris qu’il y avait Russel Crowe, j’étais sceptique ; mais comme je le vois comme un acteur à la fois costaud, bourru mais tout à fait susceptible d’aspirer l’empathie et la tendresse, avec un côté un peu bonhomme (de bonnes dispositions pour jouer Jean Valjean), j’ai eu un « choc » quand j’ai appris qu’il jouerait Javert car il n’avait pas du tout le bon physique, selon moi.
Pareil pour Jackman que j’aime bien, mais qui ne me semblait pas du tout taillé pour jouer Valjean ou avoir la carrure. Valjean est à la fois une force de la nature (sa force herculéenne qui le fait reconnaître par Javert), un homme imposant dont le physique peut inspirer la crainte, et en même temps, un homme un peu « nounours », avec lequel on peut se sentir protégé et qui peut dégager une certaine tendresse. Lino Ventura avait cela ; et, plus encore à mon avis, Gérard Depardieu avait cela ; il était un Jean Valjean idéal, évident. Hugh Jackman, bien qu’ayant interprété Wolvérine, me semble trop « fluet », encore trop fringuant et « top model » pour jouer le rôle.
Quant à Javert, la prestation de John Malkovitch dans ce rôle me fascine toujours et partage largement la star avec Depardieu tellement il rayonne de charisme avec, pourtant, un personnage extrêmement sombre. Rien à voir avec Russel Crowe. Malkovitch, grâce à son physique (son teint très pâle, ses joues creuses, ses petits yeux mesquins et comploteurs, son long manteau noir), son jeu et son doublage incroyable (d’un flegme et d’une placidité à vous figer sur place) insuffle à son personnage une froideur et un cynisme absolument saisissants qui fascinent autant qu’ils effraient. Déjà que Russel Crowe ne fait pas l’unanimité ; mais quand en plus on a vu Javert interprété par Malkovitch, on a l’impression que Javert, c’était lui, que Hugo avait forcément quelqu’un comme ça en tête tellement ça colle.
Pareil pour Thénardier ; Christian Clavier est un choix génial pour le rôle ; Clavier a une diction très nerveuse, une façon de parler, un débit très particuliers qui se prête extrêmement bien aux personnages un peu faux, sournois, « rageux », et l’entendre prononcer les répliques acerbes de l’aubergiste malhonnête est jubilatoire.
La triade de rôles principaux, les plus importants, me semble donc beaucoup plus pertinente dans l’adaptation de TF1. Pour les autres rôles, c’est moins évident, mais cela reste du très bon, selon moi. Je pense à Charlotte Gainsbourg que, normalement, je n’apprécie pas du tout (mais vraiment pas du tout !), mais à qui le rôle de Fantine va tristement bien, tellement elle a la tête de l’emploi pour jouer les filles paumées et à moitié ravagées. Je suis beaucoup plus sceptique par rapport au choix de Virginie Ledoyen pour Cosette (déjà, parce que, c’est bien connu, Cosette est blonde ! C’est tout bête, mais c’est une caractéristique marquante du personnage). En tout cas, je trouve la cosette enfant absolument parfaite dans le film de Hooper, très convaincante et exactement telle que je l’imaginais, avec un faux air de Dakota Fanning quand elle était petite. Marius, j’avoue, entre celui du film et celui du téléfilm, je ne saurais trop lequel choisir tant les deux me semblent vraiment tout sauf séduisants et sans charisme. Par « dépit », je pencherais sans doute pour celui du téléfilm, parce qu’au moins, grâce à cette adaptation, on a davantage l’occasion de l’écouter, de le découvrir et d’entendre quelques belles répliques de lui.
J’ai digressé sur le casting du téléfilm réalisé par Josée Dayan en 2000, mais c’est parce que ça explique en bonne partie pourquoi je n’ai pas accroché au film. En plus de tous les travers que j’ai déjà cités, j’avoue que j’étais trop sous le charme et l’emprise d’une précédente adaptation qui me servait de référence et de laquelle j’avais un mal fou à me détacher. Pourtant, je restais ouvert, puisque je me disais justement : « Comme on a déjà une adaptation que j’adore, pourquoi ne pas découvrir une autre vision, moins fidèle mais qui apportera un autre regard, une lecture intéressantes, d’autres qualités ». Mais voilà, ça n’a pas suffi…
Un film qui sent un peu l’anti-sceptiqueComme un certain nombre d’entre vous, j’ai été un peu… déconcerté par les premières minutes du film. Cet immense navire pris dans la tourmente d’une tempête pas assez violente pour camoufler le déluge d’effets spéciaux qui nous tombe sur les yeux à ce moment-là, j’ai trouvé que tant de démesure, d’images de synthèse formaient un début bien arrogant et sans la moindre humilité par rapport à son sujet. Je n’ai pas pu m’empêcher de me dire : « Ah, là, là, sacrés ricains ! On sent bien leur patte ! » (oui, je sais qu’Hooper est anglais, mais son film est à la sauce américaine).
Si mon impression n’a pas persisté à un tel degré tout au long du film, elle a persisté néanmoins, du fait d’une photographie évidemment magnifique, très soignée, très « poétique », mais du coup, trop travaillée, trop retouchée, qui embellissait trop la laideur et, du coup, enlevait beaucoup d’authenticité au film et à son univers. Je suis très client des films à l’esthétique soignée, j’y suis très sensible et chez Zack Snyder, j’adore ! Mais entre les histoires et l’univers de Snyder et les Misérables, y’a un monde. Tout ce déploiement d’images retouchées ne sert à rien si ça ne sert pas pertinemment l’esprit de l’histoire. Or (et on sera peut-être amenés à en débattre ensemble), selon moi, avoir trop esthétisé ce film a nettement contribué à dénaturer l’histoire, à édulcorer son contenu, à tricher avec la dureté de son propos.
C’est une « faute » commune au cinéma, particulièrement dans le cinéma américain si soucieux de cela (ce que je cautionne complètement dans 99% des cas). Le cinéma, étant un art visuel, a énormément de mal à jouer franchement avec la laideur. Et quand laideur il y a, on triche souvent avec, on la camoufle, l’atténue, la sublime ou l’édulcore autant que possible. Longtemps, en littérature, la laideur n’a pas eu sa place non plus. On estimait que certaines choses ou certains sujets n’avaient pas leur place en littérature. On peut dire qu’Emile Zola a été un des premiers à frapper très fort dans le domaine, en n’ayant pas peur d’inviter la laideur (sans artifice ou tricherie) dans la littérature, et on sait quels ennuis ça lui a valu à l’époque. Un peu avant, il y a eu aussi Baudelaire, avec des poèmes décrivant les rues crades et puantes de Paris, ou la fameuse « Charogne ». Victor Hugo avait déjà initié ce tournant vers la laideur avec, bien sûr, le célèbre personnage de Quasimodo, ou encore Gwynplain dans
L’homme qui rit et enfin, le Paris des misérables dans le roman éponyme, un Paris encore moyenâgeux, avec le pavé moite et glissant, des ruelles étroites et sombres bien avant les grands travaux d’Haussmann et leurs boulevards aérés [d’ailleurs, fait extrêmement intéressant au regard des émeutes dans le film : les grands travaux d’Haussmann visant à aérer la capitale et à percer de larges boulevards à travers la ville en supprimant les petites rues n’avaient pas qu’un but de salubrité, mais aussi un but politique tacite : l’étroitesse des rues les rendait trop facilement « blocables » par des barricades et donc favorisaient les soulèvements, les insurrections et les révolutions. Elargir les rues, c’était affaiblir le peuple en cas d’émeute, laissant la place pour que la garde nationale fasse son sale boulot de répression…].
Le côté « édulcoré » du film ne se ressent pas que dans sa photographie sur-esthétisée. Je l’ai ressenti aussi dans le traitement des personnages parfois extrêmement simplifiés dans leurs motivations ou leur personnalité. Cela est particulièrement frappant avec Eponine Thénardier, qui perd toute l’ambiguïté qu’on lui trouve dans le téléfilm qui me sert de référence (et qui est considéré par de nombreuses sources comme ce qu’on a fait de plus fidèle en adaptation). Eponine, même amoureuse de Marius, ça reste une Thénardier ; différente, mais tout de même, un peu « border line ». Là, elle devient la grande amoureuse éplorée, piégée dans la « Friendzone », invisible pour celui qu’elle aime. Ca embellit le personnage et l’appauvrit beaucoup psychologiquement. Je l’ai ressenti aussi, dans une très moindre mesure avec Fantine. C’est un personnage plutôt réussi dans le film, mais comme les origines de sa pauvreté son éludées ainsi que son errance et sa rencontre avec les Thénardier, le personnage est réduit aux derniers jours de sa vie. Dans ce film, Fantine m’a semblé très « touchante », « victime innocente ». Or, dans le téléfilm, tout en étant aussi attendrissante et à plaindre, elle a néanmoins un « charisme » différent, plus « mitigé » ; elle fait un peu pauv’fille paumée, sorte de « cas soc’ » des temps passés victime d’une naïveté telle qu’on la trouve en partie responsable de sa propre chûte.
Le fait que le film ne tienne que sur des chansons (étant elles-mêmes limitées dans un « format », une structure et une durée déterminées), cela force l’histoire à prendre d’énormes raccourcis aussi bien scénaristiques que psychologiques et moi, personnellement, ça m’a beaucoup gêné. Je voyais des pans d’histoires passer à la trappe, sans parler de magnifiques dialogues issus du roman qui, à cause des chansons (qui ne rivalisent pas avec le style d’Hugo, je le crains), n’avaient pas leur place dans le film. Alors, forcément, je dis cela d’un film de 2h30 adaptant un livre de 1500 pages. Et, les contraintes du cinéma n’étant pas celles de la télévision, le téléfilm de TF1 a, lui, eu 4 épisodes en long-métrage pour s’épanouir, soit plus de 6h40 de visionnage. Forcément, on ne peut, en toute bonne foi, comparer deux films qui ont à ce point eu des contraintes de production diamétralement opposées. Mais le fait est là, implacable ; une histoire est racontée, et cette histoire, c’est avec le téléfilm que j’ai préféré, de loin, de très loin, la voir raconter pendant 6h40 et surtout, avec le trio Depardieu-Malkovitch-Clavier, qui me semble idéal, parfait, difficile voire impossible à détrôner à mes yeux pour camper la triade héroïque de ce roman. De plus, ce téléfilm s’illustre par une demi-mesure parfaite au niveau de la réalisation. La photographie est soignée, mais juste ce qu’il faut, la réalisation est sobre sans sombrer dans la fadeur ou le dépouillement qu’on voit trop dans le cinéma français.
Viva la Revolucion !Un truc que j’ai bien aimé et trouvé assez réussi dans le film de Hooper, en revanche, c’est le côté « soulèvement du peuple » (paradoxal quand on sait qu’Enjolras et sa bande sont justement abandonnés dans leur insurrection par le peuple de Paris). C’est dû en partie à la chanson « hear the people sing », à la partie barricades qui a été bien développée, là aussi « embellie », « sublimée » par la photographie et les décors (c’est autre chose que la barricade de TF1, c’est sûr…). On sent quelque chose, un souffle. Mais là, c’est peut-être aussi mon côté révolutionnaire et un brin anarchiste qui parle. Cet aspect de l’histoire bénéficie aussi d’un traitement très « idéalisé » dû au regard étranger (anglo-saxon) porté sur notre Histoire, notre patriotisme, nos révolutions pour la liberté, celles qui ont fait la gloire, le renommée et la réputation tumultueuse de la France pendant longtemps et qui fini par faire partie intégrante de notre folklore national nous servant de vitrine aux yeux du monde. Cette « imagerie » complètement fantasmée et stéréotypée explose dans la scène finale avec cette barricade complètement démesurée (là, pour le coup, on délire complètement ; mais le délire est beau, bien sûr). Aurore immaculée sur Paris, barricade monumentale, personnages et figurants réunis, drapeaux tricolores qui s’agitent dans l’aube et chant fraternel, le lyrisme politique nous éclabousse et je me suis surpris à regretter qu’il n’existe pas un film de poids sur la Révolution Française (thème qui me passionne).
En guise de conclusionJe suis le premier que ça étonne et à ne pas m’en remettre, mais je me retrouve donc à préférer un téléfilm de TF1 à une adaptation à l’anglo-saxonne avec des acteurs que j’affectionne pour la plupart. La faute, principalement, au côté comédie musical en continu dont l’omniprésence aurait pu m’être indifférente si seulement les musiques et les chansons m’avaient transporté et flatté davantage les oreilles. J’ai perdu l’ultime branche à laquelle j’aurais pu me raccrocher en n’adhérant pas du tout à la distribution des rôles, d’autant plus que j’étais hanté par le souvenir de la belle, sobre et exhaustive adaptation de Josée Dayan. Elle avait sans doute compris que l’histoire recelait déjà assez d’émotions fortes, de mélancolie et de grandiloquence en elle-même sans qu’il soit besoin d’en rajouter trois tonnes au risque d’alourdir la charge voire de faire plier la barque. Hooper n’a pas eu cette sobriété ou cette retenue, cette pudeur. Sur les misérables, il fait un peu dans le misérabilisme avec une mise en scène trop emphatique à mon goût, axée sur les plans serrés, fixes ou les caméras à l’épaule, oubliant de nous montrer davantage le Paris de la misère. Il a souvent filmé la comédie musicale comme s’il la filmait sur scène, dans les décors dépouillés d’un théâtre.
Les personnages s’en trouvent autant édulcorés que les décors, embellis et le choix le plus inconcevable se porte sur le couple Thénardier qui, en plus d’apparaître peu, ne s’illustre que dans des scènes pseudo-comiques que renforce leur allure clownesque. J’ai lu beaucoup de réactions reconnaissantes vis-à-vis de ce traitement du couple, quant à sa vocation comique visant à alléger le film. J’avoue que ça me laisse perplexe ; si je reconnais bien là un réflex très américain de vouloir alléger l’atmosphère avec de l’humour (pas toujours très fin), de ne pas assumer jusqu’au bout la tonalité tragique d’une histoire, je m’étonne davantage qu’autant de monde adhère. Il n’y a, que je sache, pas d’humour dans les misérables (sinon indirect, à travers peut-être la verve du petit Gavroche), et donc, cela me semble complètement décalé et de mauvais goût de transformer en pitres les personnages qui, en fin de compte, sont les vraies crapules de l’histoire, incarnent pour Hugo le côté obscur de la pauvreté, celui des rapaces, des profiteurs, qui finissent par développer une « intelligence » de charognard qu’ils mettent au service du vol et des traquenards, pris dans une machine infernale de survie qui finit par pervertir ceux qui sont pris dedans et les pousse au mal. Ces personnages sont tout sauf drôles, ce sont les plus grinçants, les enfoirés qu’on a envie de voir crever à longueur de film mais que, malheureusement, on ne voit jamais obtenir le sort qu’ils méritent. Avoir sacrifié ça pour « ménager » les émotions du spectateur et mettre de l’humour là où il n’a pas à être, je n’adhère pas du tout. De plus, le personnage d’Helena Bonham Carter crée une désagréable réminiscence avec son personnage de Mrs Lovett dans
Sweeney Todd. Ces personnages semblaient sortis d’un livre de Roald Dahl adapté par Burton au ciné et ça jurait énormément dans le reste du film. Je n’ai pas l’oreille musicale du tout, donc je n’ai pu identifier aucune mauvaise note dans le film, en revanche, ce couple grotesque et bouffon en était une particulièrement grossière et flagrante à mes yeux (et non mes oreilles !).
En tout cas, si les plus fans d’entre vous sont dans l’humour et sont désireux de se plonger davantage dans l’histoire, je vous conseille, bien sûr, de lire le livre (ce que je vais tâcher de faire) mais aussi de vous procurer le téléfilm qui, avec ses 6h40, saura vous apporter les éventuels détails de l’intrigue que vous vouliez connaître ou découvrir, le tout servi avec une réalisation très digne et une belle distribution !