Il y a vingt ans, le public découvrait les péripéties d'un trio préhistorique ébouriffant et rempli de sympathie : le mammouth laineux Manny, le paresseux Sid et le tigre à dents de sabre, Diego. Fort du succès de leur premier opus, les studios Blue Sky ont poursuivi les aventures de leurs héros en proposant quatre nouveaux films et autant de dangers à affronter : fonte des glaces, découverte des dinosaures, dérive des continents, fin du monde... Mais, en raison de la baisse d'activités liée à la pandémie de Covid-19, Disney annonce, en février 2021, la fermeture des dits-studios rachetant, dans le même temps, la franchise primitive pour proposer sur sa plateforme Disney+ une toute nouvelle aventure. Celle-ci se centre sur les intrépides Crash et Eddie, les frères opposums d'Ellie, la femme de Manny. Empressés d'obtenir leur indépendance et toujours friands de sensations fortes, les deux marsupiaux décident de chercher leur propre habitat mais vont rapidement se retrouver piégés sous la glace, dans une immense grotte souterraine habitée par des dinosaures. Une occasion pour eux de retrouver leur ami Buck Wild, une belette borgne survoltée occupée à pacifier un monde de dinosaures en proie à la vengeance d'Orson, un dinosaure qui se croit supérieur à cause de son cerveau surdimensionné.
Le prologue, rappelant les liens unissant les divers membres de la tribu et présentant un bref résumé des aventures passées, propose un aspect pédagogique séduisant, Ellie devenant une narratrice externe réinvestissant le principe des peintures rupestres pour amener le sujet central. Chronologiquement pourtant, une zone d'ombre persiste quant à la probabilité que les aventures de Crash, Eddie et Buck puissent se dérouler à la suite de L'Âge de Glace 3 : Le Temps des Dinosaures. En effet, à la fin du troisième opus, Ellie et Manny deviennent les parents de la petite Pêche. Soit les réalisateurs ont omis sciemment de la faire apparaître dans Les Aventures de Buck Wild, soit cet oubli s'avère complètement à contre-courant de la temporalité qui régit la saga. Cette dernière possibilité étant la plus plausible, le spectateur se demandant comment les parents mammouths partiraient au secours des deux opossums en abandonnant leur nouvelle progéniture... Une dissimulation fautive qui, couplé à l'absence de Scrat, le célèbre petit écureuil en perpétuel quête de son gland, anémie l'univers créé jusqu'alors.
De plus, en reléguant Manny, Ellie, Sid et Diego au second plan, la narration souffre d'une redondance et multiplie les gags à outrance, là où la présence ponctuelle de Scrat insufflait un temps-mort comique et attendu. Les deux compères Crash et Eddie, qui essaient tant bien que mal de combler cette absence, disposent pourtant d'un capital comique indéniable : placés de nombreuses fois dans des situations loufoques, leur humour et leur dégaine accentuent et favorisent le rire, quand bien même plusieurs scènes usent de bruitages un peu trop systématiques et sommaires, plaçant définitivement cette nouvelle aventure du côté enfantin. Ce côté élémentaire se rencontre aussi dans l'histoire en général, qui ne tient qu'à un fil. L'apparition d'Orson, exilé sur une île de lave, n'a rien d'extrêmement nouveau : les membres de la franchise trouve en lui un nouvel adversaire qui, épaulés par des vélociraptors hypnotisés par le feu, souhaite conquérir le monde des dinosaures tout en imposant sa vision. Mais, la technique avec laquelle cette énorme cervelle guide ses sbires apparaît comme un point de résolution incontournable.
Du côté des nouveaux arrivants, notons la présence de Z, une zorille au nez un peu trop pointu, pendant féminin de Buck, capable de renverser n'importe qui grâce à un parfum... inoubliable. Son apparition, en parallèle des interrogations de Crash et Eddie sur leur désir d'émancipation, conforte la thématique du lien familial qui sensibilisera tous les âges et ce, tout en levant le mystère sur une époque où Buck, lui-même, avait une famille. Plus ancrée dans la réalité et moins idéaliste que Buck, la jeune combattante possède moultes points de désaccords avec son ancien camarade, mais, en raison d'un format plutôt court pour une production de cet acabit, la paix sera signée en un rien de temps, à l'instar du dénouement. Des faiblesses scénaristiques qui se mélange à un univers visuel bien en deçà des attentes. Là où la franchise avait su gagner peu à peu en qualité graphique au rythme des tomes, ce dernier-né emploie une multitude de couleurs criardes, certes attirantes, mais donnant l'impression d'une scission totale entre une animation particulièrement détaillée au premier plan et des décors ternes et statiques.
Là où les précédentes productions se démarquaient par un rythme soutenu, Les Aventures de Buck Wild est fortement désavantagé par une durée qui n'autorise qu'une exploitation sommaire de sa trame et de ses protagonistes. Imbriqué assez maladroitement dans le cycle de L'Âge de Glace, cette parenthèse manquant d'épaisseur aura le mérite, sans être si « top moumoute » que ça, de nous plonger dans la nostalgie d'une saga désormais culte.