Article du quoidien la Croix qui résume bien la situation française du moment :
La nouvelle mode des comédies musicales à ParisLa
capitale multiplie depuis plusieurs mois l’offre de ces spectacles,
censés attirer le public familial. Le succès n’est pourtant pas garanti
Dans les couloirs du métro, on ne compte plus les affiches annonçant une comédie musicale :
Le Roi Lion, Grease, Rabbi Jacob…
Cette abondance reflète-t-elle un regain d’intérêt du public français
pour un genre qu’il a boudé pendant plusieurs dizaines d’années ? À
quelques exceptions près (les spectacles de Francis Lopez entre 1945 et
1970, avec Georges Guétary, Luis Mariano ou Tino Rossi ;
Starmaniade Michel Berger et Luc Plamondon en 1979), depuis la fin de l’âge d’or
de l’opérette dans les années 1930, la comédie musicale n’attirait pas
les foules.
Jusqu’en 1998, où Luc Plamondon (encore lui) et Richard Cocciante remplissent le Palais des Congrès avec
Notre-Dame de Paris. Depuis, les productions se succèdent avec des succès divers. Si
Les Dix Commandements d’Élie Chouraqui et Pascal Obispo (2000) et
Roméo et Juliette de Gérard Presgurvic (2001) ont rassemblé plus de deux millions de spectateurs chacun,
Cindy (Romano Musumarra et Luc Plamondon, 2002) et
Spartacus (Élie Chouraqui et Maxime Le Forestier, 2004) restent pour leurs producteurs de cuisants échecs.
« Il ne faut pas accuser le public », estime Serge Tapierman,
directeur artistique du Théâtre Comédia : « Si on lui sert un spectacle
de qualité et une histoire qui a du sens, il sera content. » Selon lui,
le phénomène
Notre-Dame de Paris a engendré une erreur. Appâté
par une promotion appuyée sur des tubes multidiffusés à la radio, « le
public s’est rué sur ce qui n’était en réalité qu’un disque ».
« Alchimie entre la musique et labialisation des paroles » La
méthode est devenue un modèle économique : quelques titres phares, un
disque, puis ensuite seulement un spectacle, tissé sans grande
cohérence autour des chansons. Un avis partagé par Jean-Luc Choplin,
directeur du théâtre du Châtelet, pour qui « la réussite repose sur la
qualité de la musique et du livret ». Attaché à « l’alchimie entre la
musique et la labialisation des paroles », il refuse de traduire les
pièces qu’il présente dans son théâtre. Ses
Candide (en 2006) et
West Side Story (l’an dernier) étaient surtitrés.
Adaptation en français du film de Randal Kleiser sorti en 1978 avec John Travolta et Olivia Newton-John, le
Greaseproposé au Théâtre Comédia est mis en scène façon Broadway. Un
spectacle à échelle humaine, pour une salle de 1 500 à 2 000 places,
avec des artistes capables à la fois de chanter, danser et jouer la
comédie, contrairement à bon nombre de shows taillés pour des salles
beaucoup plus vastes (comme le Palais des Sports ou le Palais des
Congrès) où les interprètes cumulent rarement les talents.
Devant le succès des comédies musicales françaises, une entreprise
a flairé une chance. « Nous avons décidé de racheter des salles dans
l’esprit des théâtres de Londres et Broadway, pour développer à
résidence de belles productions musicales », explique Sandrine Mouras,
directrice générale de Stage Entertainment France. En montant
Cabaret aux Folies Bergère (350 000 spectateurs) et
Le Roi Lionà Mogador (500 000 spectateurs la première saison), cette société
détentrice des droits de nombreux musicals a trouvé une recette pour
relancer des salles en perte de vitesse et installer des spectacles
ambitieux, le temps de conquérir le public – et de les rentabiliser.
De Grease à Cléopâtre, il y en a pour tous les goûts La
société a racheté il y a trois ans le théâtre Mogador, entièrement
reconstruit, équipé de salons et salles de projections pour accueillir
d’autres événements susceptibles de contribuer au financement des
spectacles. Une stratégie payante qui permet de maintenir longtemps à
l’affiche des spectacles comme
Le Roi Lion, dont l’imposant
dispositif (que Sandrine Mouras qualifie de « machine de guerre », avec
400 costumes et 200 masques…) ne peut pas partir en tournée.
De
Grease à
Cléopâtre, il y en a pour tous les goûts.
Mais selon Philip de la Croix, directeur de la chaîne Mezzo,
l’important est que le public se laisse emporter, « je ne connais
personne qui fasse la tête en regardant une comédie musicale. Elles
font rêver ! » Résultat : elles drainent dans les salles un public
nombreux, contribuant à repeupler les théâtres. Et cette abondance,
cette émulation nourrit peu à peu la création.
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Sophie CONRARD |