Enchanted Tales with Belle est une modeste attraction à Walt Disney World ouverte avec New Fantasyland en 2012, une sorte de Meet & Greet un peu plus évolué mais bien loin d'un E-ticket. Et pourtant, cette attraction est un véritable bijou de créativité et démontre tout le talent de WDI.
Voici une vidéo complète pour se rafraîchir la mémoire :
Dans ce post je vais m'attarder tout particulièrement sur un point crucial du parcours, l'effet spécial du Miroir Magique :
Parfaitement réalisé, avec une musique qui donne la chair de poule, cet effet est magistral... Décortiquons-le.
Nous entrons dans la Spoiler-Zone, si vous voulez garder le secret intact, arrêtez-vous ici. Si au contraire vous trouvez encore plus magique de voir la créativité déployée, c'est par là...
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J'ai réalisé un modèle 3D pour expliquer chaque étape. Au départ, le miroir se présente donc devant nous sous cette forme :
Take me back to the day Belle and Beast fell in love!
La phrase prononcée, les lumières se tamisent, la musique est lancée et du mapping est appliqué sur les contours, projeté par l'avant. Pour la vidéo dans le miroir même, c'est une projection par l'arrière.
Plus étonnant, le miroir commence à s'étirer verticalement et horizontalement... Ce qui s'étire en réalité n'est uniquement que le cadre, dont les montants possèdent des parties encastrables (ici en rouge). Pour l'écartement horizontal c'est simple : c'est uniquement le cadre, suffisamment large, qui recouvre le trou dans le mur en position initiale. On remarque que le déplacement équivaut à la largeur de celui-ci. Aussi, la poutre en bois horizontale se rétracte de la même longueur.
Pour le déplacement vertical c'est un peu plus chouette : tout le pan de mur sous le miroir est mobile, et va descendre en même temps que le miroir s'étire. D'où la présence des poutres en bois de part et d'autre et au niveau de la coupe horizontale.
Maintenant, ma partie préférée et celle qui a donné du fil à retordre aux Imagineers. Comment le miroir s'ouvre en deux alors qu'il est parfaitement lisse ? En réalité la porte est asymétrique. Au début, c'est un unique pan qui recouvre l'ensemble de la surface. Maintenant soyez attentif : dans la vidéo, on effectue un travelling horizontal suspicieux quand on arrive sur la porte du château. C'est à ce moment que les deux pans coulissent. La rainure de la porte étant constamment alignée avec celle sur la vidéo.
La porte est en place.
La porte s'ouvre. La vidéo montre une porte battante, mais il s'agit en réalité d'une porte coulissante bien évidement, comme un ascenseur. Vu qu'on ne voit pas les bords, ça fait illusion.
Donc voilà en résumé les éléments qui composent l'illusion : - Un cadre qui peut s'étendre avec des éléments emboîtables - Un pan de mur fixe - Un pan de mur mobile - Une porte coulissante asymétrique
Rajoutez une lumière tamisée pour cacher les petits défauts, du mapping et une musique, et votre illusion est parfaite.
Sur cette photo prise avec flash, on remarque bien que la pan de mur sous le miroir est différent. Ce n'est pas une erreur des imagineers, mais à l'instar du papier peint dans les stretch de Phantom Manor, une surface lisse ou rayée dans le sens du mouvement permet de mieux camoufler le déplacement. Pareil pour les montants du cadres dont la texture est parallèle à l'étirement.
Sur cette autre photo, on voit nettement toutes les parties encastrables du miroir, ainsi que celles sur la poutre horizontale :
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Mais à ce moment-ci, l'attraction ne fait que commencer ! S'en suit Madame Armoire, un animatronic bluffant de fluidité qui fut le premier animatronic Disney à avoir une bouche aussi articulée (mâchoire indépendante, lèvres avec plusieurs fonctions). On note aussi la peau flexible et les yeux retro-projetés. Malheureusement il semblerait que sa bouche ait perdu un peu d'amplitude au fil du temps (elle ne pince plus ses lèvres). Retrouvez-là en pleine forme à 5:06 sur cette vidéo :
Dans la bibliothèque nous retrouvons ensuite Lumière. La véritable star du show... après Belle, bien-sûr. Observez-le à 12:23 sur la vidéo ci-dessus. Cet animatronic est sûrement mon préféré chez Disney. Il est fluide, il est fin, son visage projeté est parfait (la luminosité émanant étant justifiée par le fait que ce soit une bougie.. contrairement aux Nains que je trouve ratés) et les petites flammes sont adorables. J'adore aussi son léger mouvement de pied, mais bien évidement là où cet animatronic est génial c'est la manière dont il est opéré au niveau du corps et des bras.
Spoiler alert, mais les Imagineers ont dû ruser... à nouveau. Son corps étant trop fin, impossible de mettre des actionneurs à l'intérieur. Il est donc opéré comme une marionnette, à l'aide de trois bâtons fondus dans le rideaux sombre derrière lui. Le brevet déposé par Disney nous dévoile toute la complexité du mécanisme.
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Ainsi s'achève notre voyage au pays de Belle et la Bête... et au pays de l'inventivité et l'ingéniosité des Imagineers surtout.
J'ai une aversion personnelle pour ce DA et les M&G en général qui m’empêche d’apprécier vraiment cette attraction. Mais les effets utilisés sont intéressants et les animatroniques superbes, mais je crois que j'aurai préféré qu'ils soient utilisés dans un dark ride (il le seront sans doute à Tokyo d'ailleurs).
Concernant les visages mappés des animatroniques, j'aimerai qu'ils expérimentent d'autres techniques qui permettraient de supprimer l'émission de lumière. Un écran lcd SANS retro-éclairage (genre écran de gameboy) "moulé" selon la forme du visage à animer, et éclairé de l’extérieur, comme n'importe quel AA. Ce serait l'idéal, mais je suis pas sûr que ce soit faisable techniquement.
Une autre solution serait d'aller beaucoup plus loin dans le mapping, en simulant une mise en lumière des visages qui match l'éclairage du décor, et qui soit synchronisé aux mouvement du personnage. De cette manière, même si le visage émet de la lumière, il présenterait aussi des ombres réalistes et cohérentes avec son environnement et ses mouvements qui rendraient son intégration plus convaincante.
Le problème de cette solution, c'est qu'elle ne supporterait que peu d'approximation, les mouvements programmés devraient être exécutés parfaitement et avec constance années après années. Sinon l'effet serait surréaliste et très bizarre, donnant l'impression qu'une lumière se déplace autour du visage. Mais comme tu le fais remarquer à propos de l'armoire, les animatroniques sont souvent bridés quand ils perdent de leur superbe, et ça serait un effet très complexe à maintenir.
En fait la solution ultime, ce serait de rendre en temps réel l'animation du visage, en synchronisant l'éclairage virtuel avec les mouvements de l'AA dans les conditions réelles d'opération. De cette manière l'illusion serait parfaite et le mapping serait synchronisé au quart de poil en toutes circonstances.
Dernière édition par stereofoam le Sam 1 Déc - 18:35, édité 1 fois
Avec plaisir. Je trouve qu'ici les animatronics se prêtent bien au Meet & Greet - ce qui est un exploit en soi, car un animatronic reste limité et donc plus on le voit longtemps, plus on risque de voir ses limites. Ça aurait été dommage de passer devant juste 30 secondes... Ici les animations sont longues, et j'apprécie aussi les animations de "pause" : quand l'animatronic ne fait rien de spécial, mais qu'il bouge quand même subtilement.
Pour l'émission de lumière des visages rétro-projetés, avec Armoire je ne sais pas comment ils ont fait mais ses yeux sont plutôt pales et réalistes.
Sinon, je crois bien que ce brevet traite du "mapping augmenté" que tu évoques, en parlant de contenu média qui s'adapte au support de projection. D'ailleurs il y a un passage sur la projection d'une ombre virtuelle :
Citation :
The content being projected is mapped to the projection surface so that little or no blow-by occurs (e.g., using projection mapping), and the screen assembly's elements (e.g., an arm element providing the arm-portion of the projection surface) are sized and shaped (both of which may be modified in 2D or 3D by the screen actuator over time) to match the projected content such that a shadow is thrown into the display space behind the screen assembly from other light in the space (e.g., as would be the case if conventional animatronics or mechanical animation without projection-based augmentation were used).
wow, en effet! ça me semble complètement abusif de breveter ce genre de choses... incroyable.
Je suis d'accord sur la qualité de l'animation des animatroniques. L'animation est un art en soi, et je crois que beaucoup de fabricants d'AA survolent cet aspect. Un animatronique impressionnant, c'est souvent un animatronique bien animé, et pas forcément un AA "fluide" comme on le lit souvent. Les règles fondamentales de l'animation traditionnelle s'appliquent aussi aux AAs. Un exemple de très mauvaise animation sur un AA qui se veut dernier cri, c'est celui de King kong à la fin de reign of Kong.
Il ne cesse de bouger dans tous les sens. Les animateurs qui ont fait ça n'ont jamais dû observer les mouvements d'un vrai gorille... ou de n'importe quel animal. Là, on dirait qu'il se dandine comme s'il avait envie de pisser. C'est vraiment du gâchis.
Bref, tout ça pour dire qu'il n'y a pas que la prouesse technologique qui compte mais aussi et surtout la maitrise artistique de l'animateur qui est primordiale pour donner vie à un AA (de la même manière qu'il ne suffit pas d'être bon dessinateur pour être un bon animateur, en animation traditionnelle. Il faut avoir le sens du posing, du timing, comprendre comment se décompose chaque mouvement, utiliser des "amortis" et des "anticipations" au bon moment... Et surtout observer la nature pour éviter les vues de l'esprit naïves)
Je pense que le brevet porte sur la méthodologie plus que sur l'idée elle-même.
Pour moi l'animatronic de Kong souffre aussi d'un mal récurrent : le manque de contextualisation. Je m'explique : Un animatronic est limité par nature, donc si tu le poses là en espérant qu'il se suffise à lui-même, ses limitations vont très vite apparaître et on va entrer rapidement dans l'uncanny valley. Il faut non seulement lui donner une pose un peu dynamique de base - c'est toujours plus intéressant qu'une espèce de t-pose, et puis des éléments sur lesquels se reposer (un objet dans la main, une jambe sur une caisse, s'appuyer sur un mur, avoir des chaines aux pieds...) Ici pourquoi Kong ne se déplace pas ? Pourquoi il reste planté là ?...
Une attraction qui a très bien compris ça est POTC, première du nom. Les animatronics ont des mouvements simples, mais chaque figure est comme une vignette, une case de bande dessiné et ça marche. Une attraction qui n'a pas tout le temps compris ça est POTC, deuxième du nom (Shanghai). Autant Davy Jones et l'homme requin marteau sont bien contextualisés (enfin le second, qu'est-ce qu'il foutait derrière les pièces dans ce coin, et... il nous attendait pour sortir ?!). Autant le premier Jack est foiré. Techniquement l'animatronic est bien fait. Mais voilà, il se tient là, debout au milieu de rien, comme un bâton... Du coup ça donne un sentiment étrange :
Complètement d'accord avec ce que tu dis sur la contextualisation. Sur reign of Kong, je pense que c'est pas vraiment le plus gros problème, à la limite dans le script du ride je trouve sa posture logique : Il vient de nous sauver en affrontant les V-rex, ils est épuisé et sort du cadre, on le retrouve un peu plus loin, agenouillé (c'est comme ça que je l'imagine), et il nous salue à sa manière. Pour moi cette scène a deux défauts majeurs : l'animation et l'éclairage très artificiel qui détonne des scènes précédentes. C'est vraiment une débauche de moyens pour finalement un impact vraiment bof. ça fait presque mauvaise impression, en fait.
Sur POTC, rien à ajouter. D'ailleurs à mes yeux il y a des dark rides avec presque que des figures statiques (Je pense au DR Monsters inc de DCA, que j'aime beaucoup ) qui dégagent plus de dynamisme que d'autres remplis d'automates, dont on est justement frappé par l'immobilité.
Et puis à l'époque de POTC, tous les gars de WED ou presque étaient d'ex-animateurs, alors qu'aujourd'hui c'est plus rare comme parcours.
Oui voilà, faut l'imaginer plus qu'on ne le voit.. Et puis il est limite reluisant alors qu'il devrait être couvert de blessures... Mais tu as raison, l'éclairage de cette scène est atroce. Comme pour les animatronics, chaque source de lumière doit être contextualisée et justifiée : Par exemple la lumière du soleil (à éviter...), la lumière de la lune, d'une source artificielle (torche, feu, projecteur...)... Là je ne sais pas ce qu'ils ont voulu faire, mais c'est raté.