Vous avez l'air impatient, je vous file la premiere partie en cadeau
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Note : cette interview a eu lieu 6 mois avant la démission de TD.-Nous sommes donc de retour avec le nouveau vice-président du design créatif, et designer exécutif pour Walt Disney Imagineering, Tim Delaney ! Re-Bienvenue !
-Tout le plaisir est pour moi !
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Je pense que nous allons parler de l’histoire derrière Disneyland Paris, et je dois vous dire que ça a été le moment le plus passionant, pas seulement pour moi, mais pour la compagnie entière. Je pense que ça remonte à 1986, mais nous avions du retarder le développement d’un an, à cause des négociations en cours. Mais depuis 1984, quand Michael (Eisner), Frank (Wells) et Jeffrey ( Katzenberg) ont changé toute l’administration à la WDC… C’est là que tout a commencé, ils ont relancé la WDC. Et je peux vous dire qu’au moment où nous étions prêt à lancer Disneyland Paris, on sentait que l’entreprise avait la puissance d’une fusée. Je veux dire que tout ce qu’on faisait était dirigé par la créativité, et il y avait de l’énergie derrière tout ce qu’on faisait. La WDC endormie avait changé drastiquement, et on pouvait entendre « Hé ! Construisons un nouveau parc à Paris ! ». J’étais dans le bureau de Tony Baxter le jour suivant, et j’ai signé immédiatement.
Vous savez, j’ai toujours été un artiste, et au cours de mes nombreux voyages, j’ai passé beaucoup de temps à Paris, et l’idée d’y retourner pour créér un parc et vivre là bas était une opportunité immense que je ne voulais pas rater.
Il y avait de plus l’implication de la haute hiérarchie, particulièrement Michael Eisner, Frank Wells et Jeffrey Katzenberg… On les voyait tout le temps ! Ils étaient toujours à Imagineering, derrière nous en permanence… Je dirais que ces années furent notre age d’or, à partir de 84/85.
Donc, j’ai sauté sur l’opportunité de travailler à Paris. Je pensais que ça serait génial, et ça a été fabuleux. Tony Baxter était le créateur exécutif en charge, et vous le savez, Tony est plongé à 100% dans Disney… Et les producteurs, même si ils ont parfois changé étaient vous le savez, Eddie Sotto sur Main Street, Tom Morris à Fantasyland, Chris Tietz à Adventureland et Jeff Burke pour Frontierland, car nous avions décidé de faire un grand Frontierland.
Donc j’étais plutôt à l’aise à Discoveryland car j’étais entouré par Eddie Sotto et Tom Morris, et par conséquent on ne pouvait pas trop dériver. C’était génial, on a tout d’abord commencé nos voyages de recherche. On a appris beaucoup, notamment que partout où on allait, le « marlboro man » était une icône. Par conséquent, toute l’expérience « far-west » allait être un gros succès. Donc on savait ce qu’il fallait faire pour Frontierland.
Du point de vue Fantasyland, vous le savez bien, toutes les histoires originelles de Walt Disney viennent de l’Europe : la Belle au bois dormant, Blanche-Neige… La base vient d’ici. On savait donc aussi que Fantasyland allait être solide.
La fascination pour l’aventure, les ports exotiques et les choses du genre comme les pirates nous ont aussi garanti qu’AdventureLand serait un succès.
On s’est donc penchés sur le concept TomorrowLand qui vous le savez, sur chacun de nos parcs, change constamment. L’attitude envers le futur change constamment, parfois elle est écologique, parfois c’est de la Science-Fiction spatiale. C’est le composant dynamique du parc qui change perpetuellement. On s’est demandé ce qu’on voulait en faire. D’un coté nous voulions parler du futur, mais de l’autre on voulait créér quelque chose d’intemporel. Le problème qu’on avait avec les Tomorrowland est qu’ils ont tendance à être dépassés très rapidement. Donc, on a pas mal réfléchi et nous sommes revenus avec une nouvelle approche : créér un nouveau Land dedié aux visionnaires européens. Chacun d’eux avait une image du futur, que ça soit HG Wells et son voyage dans le temps, Jules Verne qui allait sous les océans et dans l’espace, Leonard de Vinci et ses modèles mécaniques…
D’autres personnes avaient aussi leur vision du futur, comme George Lucas. La vraie clé de tout ceci est que quand on analyse les Lands de Disney, ce sont généralement des « collections ». Alors nous nous sommes dit : faisons notre collection du futurs. Tout ça nous a donné une opportunité de développer des histoires très fortes, et d’y ajouter beaucoup d’éléments.
Mais je voulais faire plus que ça, je voulais faire une place « old fashionned », donc nous avons eu beaucoup de débats sur le style. J’ai dessiné l’Orbitron original, qui est à mon avis un projet parfait car c’est une icône au milieu du Land qui représente quelque chose. C’est aussi une « sculpture » en mouvement. Dans Tomorrowland, les attractions sont dans des batiments et il n’y a pas beaucoup d’animation, donc je voulais créér quelque chose qui bouge. Et en plus c’est une attraction ! Mais je ne voulais pas être coincé dans ce style « vieillot », donc nous avons orné chaque planète de néons, et l’idée était de créér cette énergie électrique, que Jules Verne et HG Wells avaient plus ou moins envisagé.
Donc nous avons commencé à créér ce genre de motifs, et c’était risqué ! Les gens ont commencé à jaser « Peut-être que Discoveryland ne sera pas prêt pour l’ouverture… », même si on savait qu’on le serait !
On avait aussi d’autres challenges à DiscoveryLand. Le suivant était que nous étions la zone qui avait été désignée pour accueillir le spectacle français imposé contractuellement. On nous avait suggéré un spectacle en Circle-Vision. On a répondu ok pour un 360°, mais ce genre de spectacles n’a généralement pas les épaules pour tenir après la 1ère année, donc on a voulu faire quelque chose de différent. Nous avons donc créér un « Time-Machine Show », avec un Audio-Animatronic au milieu de ce show, c’était TimeKeeper, qui allait être celui qui nous emmenait à travers le temps. On s’est dit « ok, ça va être bien, mais là il faut commencer à tout assembler ». Dans les autres attractions que l’on avait, on trouvait un complexe de divertissement avec restaurant, que l’on a conçu comme un gros hangar de Jules Verne, avec un énorme dirigeable. C’est maintenant une des plus grosses icones qu’on peut observer dans Discoveryland. Ensuite on a rajouté Star Tours, qui nous a permis d’avoir une vision du future de George Lucas. On a mis Captain EO… qui nous proposait la vision de Captain EO (rires)… D’ailleurs c’est intéressant, je crois qu’ils veulent ramener Captain EO à Disneyland dans le futur. Et enfin on a rajouté Autopia, mais un Autopia… Euh encore une fois, chacune des attractions, le Visionarium, Videopolis, Autopia, Star Tours, une signature architecturelle qui représente les grands moments de ce sujet particulier. Ce qui veut dire que le visionarium a une structure d’observatoire, un peu du style Art-Deco, comme un laboratoire. Videopolis a une structure de hangar, avec beaucoup de structure métallique, et la magnifique Hyperion qui en sort. Star Tours a le X-Wing et Autopia a le style des autoroutes magiques de Disney, avec des gros panneaux, et un gros look high-tech. Et bien sur il y a l’Orbitron au milieu ! C’était du Steampunk avant même que le Steampunk n’existe. Et ça a marché.
Le seul composant qui n’était pas là le jour de l’ouverture alors qu’il est dans tous nos autres parcs, c’est bien évidemment Space Mountain. Et Space Mountain allait se trouver au beau milieu de notre Land. On a donc du être malins et cacher cette zone, de manière à ce qu’on croit que le Land était complet. Et ça a été notre plus gros défi.
-SPP : Comment est-ce que vous avez fait concrètement pour cacher ce gros morceau de terrain ?
TD : (Rires) Et bien ce qu’on a fait, comme partout ailleurs dans le parc, c’est qu’on a rajouté du relief ! Et on a retréci les chemins et on a rajouté euh… Vous voyez l’arrière de Videopolis, là où on connecte Star Tours et Captain EO, on a rajouté des bosses et des arbres. Il y a aussi ce motif à travers le land, avec les éclairages, le pylones etc,… on en a mis au dessus des butes. Par conséquent, où que vous soyiez, le Land avait toujours l’air d’être entier. Il y avait juste une bosse et des arbres, et un paysage magnifique. Donc, 2 ans plus tard, quand Space Mountain a commencé à sortir du sol, les gens se demandaient « d’où sort toute cette place ?! »
Mais une des clés pour établir le thème principal de DiscoveryLand a aussi été l’entrée. Et c’est comme ça que j’ai dessiné l’entrée qui non seulement raconte l’histoire de ce que DiscoveryLand était le jour d’ouverture, mais aussi le futur quand Space Mountain serait là. L’entrée principale est bordée par de l’eau, des cascades, et des formations rocheuses assez uniques. On invente souvent du vocabulaire lorsqu’on créé un parc. Là c’était du « Landscaping ». Comme vous pouvez l’imaginer, les rochers d’Adventureland ont des contours assez bruts. A Frontierland, ils ont un look « western ». Pour Discoveryland, je voulais créér quelque chose de « discipliné », nous avons donc fait une forme très cristalline. Et ils allaient aussi être la base de l’endroit où Space Mountain allait être construit. Une fois disposé en cercle, c’est comme si on avait déposé la montagne à l’intérieur d’un cratère. C’est l’approche que nous avons choisi. On avait aussi des effets de feu sur l’eau. Quand on arrivait, il y avait les flammes à la surface. A l’époque, c’était très compliqué d’expliquer ça aux exécutifs. Ils nous disaient « C’est quoi tout ça ? », et on répondait « Et bien… c’est pas pour maintenant, mais c’est pour quand on fera Space Mountain ». Ce à quoi ils nous rétorquaient « Ok, j’espère que ça prendra du sens… »
La suite au prochain numéro !