Un grand merci à toi, ma chère Lauren, pour cette réponse prompte et si développée, comme d'habitude!
C'est un plaisir
de lire ton avis, car tu mets un soin tout particulier à le formuler, et donc, rassure-toi, je parviens très clairement à comprendre ce que tu veux dire!
Tout d'abord, ce n'est pas
de ta faute ou
de celle
de Nana13 si j'ai modifié le texte d'une façon qui semble légitimement discutable à Martin! C'est ma faute! Je n'étais pas obligé
de vous écouter, et d'ailleurs, j'ai beaucoup hésité à le faire. Au départ, j'étais sceptique devant votre suggestion, puis j'ai quand même pris
la peine d'y réfléchir, cette question (parmi d'autres), m'a pas mal tourmenté. Au final, je me suis dit que que ce n'était pas parce que j'avais une vision plus romantique
de l'attraction que l'aspect "effrayant", qui est une réalité pour un certain nombre
de fan, n'avait pas le droit au moins à un "droit
de représentation". Je ne voulais pas que ce soit l'aspect qui domine, car je pense que ça irait vraiment trop contre l'ambiance
de l'attraction qui n'est pas un vulgaire "train fantôme"
de fête foraine avec un mec qui nous court après avec une fausse tronçonneuse. Néanmoins, ça reste une maison hantée, c'est sûr, et même si le romantisme doit dominer, ça méritait peut-être que je fasse un petit effort là-dessus, afin
de rendre compte
de ces sensations que je n'ai aps forcément eus, mais que d'autres ont et aiment avoir. Alors, c'est sûr que vouloir à ce point satisfaire les attentes
de tout le monde, c'est déjà un choix en soi. Après tout, c'est moi qui écris ; je pourrais très bien ignorer
la vision des autres et m'en tenir seulement à ma vision des choses. Dans ce cas, il n'y aurait pas eu ces ajouts. Je n'y aurais simplement pas pensé. Finalement, je trouve moi aussi que l'aspect Kafkaïen apporté au manoir est intéressant. Après, pour les détails précis comme le couloir tordu ou "Blink", je pense que je vais les supprimer dans une prochaine version. Ca devrait rendre un juste milieu au chose. Encore une modif que je regrette vraiment
de ne pas avoir apporté avant d'envoyer le texte à Imagineering. Décidemment, je paie cher pour mon impatience.
Bref, tout ça pour dire que ce n'est pas
de ta faute! Tu as donné ton avis, ce n'était qu'un avis. J'ai choisi d'en tenir compte, avec des raisons qui sont les miennes, parce que je n'ai pas suivi bêtement cette suggestion, j'y ai bien réfléchi et j'ai fait
de mon mieux pour que ça s'intègre bien au texte.
En tout cas, du coup, je l'annonce officiellement : Le couloir tordu et "Blink" vont valser. Désolé pour les Whovians qui sont dans
la salle (
Aloha2262, je t'écrirai une Fan Fiction sur mesure avec le Dr Who qui se retrouve piégé dans Phantom Manor avec Amy Pond et Rory!
). Je pense que ce sera mieux ainsi.
De même, Lauren, tu n'as pas à être désolée pour les fautes. Tu en as déjà repéré pas mal et ça a déjà beaucoup limité les dégâts. A moins que le texte soit corrigé par Bernard Pivot ou le fantôme
de Maître Capelo, je doute qu'il soit possible qu'une seule personne soit capable
de repérer toutes les fautes que comporte le texte à elle toute seule. Ca doit être un travail d'équipe où différents regards se confrontent. Donc, tu as largement fait ta part, et tu as eu l'immense mérite d'être
la plus rapide et
la première, ce qui a permis d'agir vite pour faire une première correction.
De plus, je t'avais bien dit que cela ne devait pas être sous pression, que tu pouvais simplement relever les fautes qui te sautaient aux yeux mais ne surtout pas gâcher ta lecture en cherchant partout. Donc, vraiment, un grand merci à toi!
Pour les chauve-souris, c'est sûr que c'est très stéréotypé et pas vraiment original, mais bon, là, ça me semble pour le coup raccord avec l'attraction qui est entièrement bâtie sur des stéréotypes du gothisme, du conte fantastique à
la E. A. Poe, et tout ça! J'aime beaucoup le parallèle que tu fais avec le superbe
Big Fish! C'est sûr que vu comme ça!
En tout cas, je pense que tant que je supprime "Blink", ce passage devrait passer. Ou alors, il faudrait simplement mentionner les yeux dans
la tapisserie qui dévisagent Deynis et passer à
la suite... Je ne sais pas. Non, je crois que je vais garder les chauve-souris... Bref, je vous épargne mes "psychomachies" incessantes, pour parler un peu
de pédanterie!
Tu as décidemment été très marquée par
la vaine expédition
de Deynis dans le désert pour rencontrer Jack Ferges. Je t'ai déjà expliqué mes raisons par MP. Si quelqu'un d'autre me pose
la question, je me permettrai
de reproduire l'explication que je t'avais donnée. Pour l'instant, cela n'a fait réagir personne d'autre. Ce genre
de passages "vains", il est vrai, n'est pas très courant en littérature et encore moins en cinéma (où
la durée est un critère déterminant, où l'on a pas le temps
de digresser, où chaque scène doit avoir une vraie fin, surtout dans le cinéma américain extrêmement codé à ce sujet), en revanche, c'est plus courant dans les jeux-vidéo où les développeurs adorent nous promener sur les maps avec des quêtes annexes qui nécessitent des allers et retours incessants et des moments où un truc n'aboutit à rien. Je suppose que c'est ça qui m'a influencé, en plus des explications que je t'aie données par MP.
Je comprends tout à fait ce que tu expliques à propos du mobililier, du bâtiment en lui-même et
de ta passion pour les monuments. Je trouve ça génial et très "romantique" au sens noble et littéraire du terme, pas au sens "kikoulol" du terme (terrible qu'on soit obligé
de préciser, dans cette triste époque!). Pour moi, cela rejoint un peu ta doléance au sujet du manoir qui doit prendre vie. J'étais d'accord avec cette suggestion et j'en ai tenu compte, j'ai tâché
de développer davantage cet intérieur qu'en effet on imagine somptueux, luxueux, chargé d'un passé très intense et néanmoins disparu. C'est ainsi que j'ai ajouté au texte les paragraphes suivant :
Etendu par terre, le souffle haletant, Deynis reprenait ses esprits et humidifiait enfin ses yeux tout en essuyant les petites trainées de sang qui coulaient du haut de son crâne et le long de sa tempe. La voix de la fiancée s’était intensifiée, toujours plus poignante, presque douloureuse à entendre et pourtant si belle. Sans plus attendre, il se releva et continua son éprouvante visite. Son expérience avec le couloir sans fin et les chauves-souris l’avaient rendu alerte au moindre bruit, méfiant devant la moindre chose qu’il observait. Sur ses gardes mais complètement désorienté, il s’en remit à la seule voix de Mélanie pour trouver son chemin dans ce vaste manoir labyrinthique. Elle le mena dans bien des pièces plus mystérieuses et dérangeantes les unes que les autres, mais aucun de ces prodiges qui l’eurent saisi d’effroi il y a encore quelques heures ne pouvaient maintenant le détourner de son but.
L’ancienne demeure des Ravenswood était aussi luxueuse qu’effrayante. Le mobilier et la décoration n’avaient rien perdu de leur splendeur, figés depuis 1860 comme sur une photographie, ils témoignaient d’un faste immodéré et d’un goût délicat. Les bois les plus nobles, les motifs les plus sophistiqués ornant les tapisseries et les tapis, l’omniprésence de l’or qui avait fait la fortune des propriétaires, tout ce qui attirait le regard semblait une ode à la richesse et à l’opulence la plus décomplexée. Aujourd’hui, tout ce faste se trouvait englouti dans la poussière, les toiles d’araignées et la pénombre, comme l’épave d’un navire gisant dans les ténèbres abyssales d’un immense océan et lentement dévoré par quelques créatures sous-marines y ayant élu domicile.
Manoir hanté ou vaisseau fantôme, c’était comme un vaste cimetière dont les défunts occupants erraient aveuglément et hurlaient leur douleur. Les phénomènes les plus étranges s’y multipliaient et une profonde tristesse pesait sur l’atmosphère comme l’air écrasant qui précède un violent orage . Les murs résonnaient d’éclats de rire démoniaques ou de cris ; à la mélancolie ambiante se mêlait une redoutable colère. La haine du Maître des lieux semblait s’abattre d’une main vengeresse sur chaque âme, chaque objet, chaque pan de mur et les retournait contre le visiteur imprudent. C’était comme si le manoir et le Phantom ne faisaient qu’un. Les grincements du bois torturé étaient comme la respiration d’un gigantesque monstre en charpente dont Deynis avait pénétré la gueule et dont il explorait les interminables entrailles. Plusieurs fois il sentit la voix de la fiancée s’éloigner ; plusieurs fois il revint sur ses pas, ouvrit et ferma maintes et maintes portes, perdant davantage tous ses repères à mesure qu’il s’enfonçait dans ce dédale mortel avec pour seul fil d’Ariane le chant mélancolique de Mélanie, ne craignant rien plus que le Minotaure qui s’y cachait. Alors, peut-être aurais-je pu (ou dû) développer davantage, aller plus loin ans les descriptions. Je ne sais pas. Il faut voir si on me fait
la remarque ultérieurement. En tout cas, il y a plusieurs raisons pour lesquelles je n'ai pas décrit davantage les lieux, le détail
de la décoration :
- Cela pouvait ralentir le rythme
de la visite, tout
de même placée sous le signe
de l'urgence, je le rappelle, car techniquement, Deynis est censé retrouver d'urgence le professeur en se rendant au bal.
- Il y avait un gros risque
de répétition. En effet, une fois qu'on a dit que le mobilier était somptueux, que c'était une maison luxueux, que les meubles étaient en bois d'acajou, que l'or était omniprésent, qu'il y avait des tapis ravissants, etc. On peut très vite tourner en rond. Mais peut-être que je manque simplement d'imagination ou
de vocabulaire dans le domaine.
- Cela mettait une fois
de plus en périle mon attachement à l'idée
de ne pas trop extrapoler. J'ai failli écrire une description d'une grande bibliothèque (façon
La Belle et la Bête) ou alors les chambres à coucher. Mais comme on ne voit pas ces pièces, j'avais peut qu'à force, justement, les lecteurs qui comme Martin, comme moi, comme nous tous en fait, connaissent bien l'attraction, n'aient plus l'impression
de s'y promener car on ne reconnaîtrait plus aucun décor, on se sentirait ailleurs.
Voilà. J'espère que ça t'aide à comprendre pourquoi je n'ai pas été plus bavard à ce sujet.
Enfin, pour finir, à propos
de la fin du texte où il te semble deviner une certaine lassitude, une fatigue. Comme je le disais plus haut, y'aurait rien
de pire que le fait que mes sentiments, mon état d'esprit ou mon humeur aient transparu dans mon texte à un moment ou un autre, surtout si c'est négatif. C'est difficile pour moi
de savoir objectivement si tu as raison ou tort. C'est du ressenti pur. Si je suis aussi attentif, scrupuleux et sérieux que je pense l'être, normalement, à aucun moment, dans le texte, ne transparait
la fatigue ou les tourments qui ont pu être les miens (c'est vrai) à certains moments durant l'écriture
de ce texte.
Donc, si on élimine l'idée que cette fin
de texte puisse trahir
de la fatigue ou
de la hâte à conclure, je te propose les explications suivantes :
- Tu compares cette fin
de texte que tu trouves expéditive au début très développé
de Sir John Armitage. C'est sûr que le contraste est très grand, et le parallèle se crée fatalement puisque je fais commencer les deux texte par
la même phrase. Justement,
la clé se trouve là en partie. En commençant son texte par cette phrase, Deynis rend hommage à son maître, signale qu'il se place dans
la continuité
de ses travaux. Néanmoins, Armitage a déjà tout dit ou presque dans
la première partie. Deynis n'a plus que des miettes ; celles qu'il a pu ramassées dans le manoir. Mais ces miettes sont cruciales! C'est
la vérité. Le texte va droit au but. Il doit mettre un point final au premier et non rivaliser
de lyrisme ou d'érudition avec lui.
- Dans
la continuité
de cette explication, c'est tout bête, mais j'ai veillé tout particulièrement à créer un faussé volontaire entre le style d'écriture
de Deynis et celui d'Armitage. J'aurais très pu écrire
la fin dans le style d'Armitage. Mais cela aurait été incohérent, car il est mort, et c'est Deynis qui écrit, et même s'il était très proche
de son maître, c'est quelqu'un
de différent. L'idée, c'était donc
de changer
de style mais aussi
de le rendre moins majestueux, moins mature, moins affirmé, tout simplement parce que Deynis est un très jeune professeur, tout juste diplômé, alors qu'Armitage était un professeur émérite, un homme d'âge mur, expérimenté, très cultivé. C'est peut-être ce gouffre que tu as ressenti, et dans ce cas, il est volontaire, normal et cohérent.
Voilà en gros ce que je peux répondre!