Cassiopeia, là, je te rejoins! Et c'est pourquoi je disais que, bizarrement, le succès ne rend pas forcément service à un réalisateur. Il devient une "marque" et l'attente devient énorme. Ce qui m'a préservé d'une déception à l'ampleur de la tienne pour le film, c'est que je suis arrivé très sceptique, et je l'étais depuis des mois, donc le film m'a plutôt rassuré (je m'attendais à un truc horrible) tout en ne me convainquant pas vraiment.
J’ai vu le film il y a un peu plus d’une semaine maintenant. J’ai une critique qui est prête depuis 5 jours. Elle est très longue, avec l’équivalent [l’équivalent de 10 pages de traitement de texte] et rejoint ainsi le club de mes « grosses critiques » sur ce forum comme
Sucker Punch et
Scream 4). J’ai donc énormément hésité avant de la poster. Finalement, je me décide ; ceux qui trouveront cela trop longs n’ont simplement qu’à pas lire ! Et pour ceux que ça intéresse, la voici !
N.B. Les spoilers sont évidemment indiqués et masqués ; néanmoins, pour parler du film, il m'a forcément fallu aborder en profondeur plusieurs aspects qui ne sont qu'évoqués discrètement dans les bande-annonce. Donc, tout en ne constituant pas vraiment des spoilers, ils révèlent certaines directions qu'a pris le film. Si vous êtes de ceux qui aiment ne rien savoir d'un film avant de le voir, ne lisez pas cette critique!
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NOLAN & MOIJe vais commencer sans même parler du film en lui-même. Ceux qui sont intéressés par la critique mais que ça gonfle peuvent passer direct au paragraphe suivant. Mais je considère vraiment que mon rapport de base à la saga peut éclairer mon avis, mes positions, les blocages. Je m'y attarde donc un peu.
En 2005, quand est sorti
Begins, je ne suis pas allé le voir. La BA ne m'avait pas du tout convaincu. Déjà, j'étais trop attaché aux épisodes de Burton et cela me rendait très méfiant à l'égard d'autres adaptations. Mais là, en plus, la BA, le casting, ne m'avaient pas convaincu.
Je l'ai vu, finalement, à la sortir DVD, et je n'ai pas aimé.
Pour une raison simple, bête, sans doute idiote, qui me place parmi les spectateurs "lambda", premiers degrés, néophytes et étroits d'esprit : j'avais détesté le traitement ultra réaliste, j'avais même dit "James Bondien" de Batman. La Batmobile, espèce d'engin militaire semblant tout droit sorti du nanar musclé
Tango et Cash m'avait outré. Le personnage féminin censé être le grand amour de Batman m'avait laissé complètement froid, à cause sans doute de mon aversion pour Katie Holmes. Etant ignare en matière de Comic Book, je ne connaissais Rhas'Al Gul et j'avais été vraiment insensible à ce méchant ; l'épouvantail, j'étais déjà plus excité, mais le traitement réaliste général a déteint sur le personnage, se résumant juste à psy qui met un sac en toile de jute sur sa tête. Même la musique de Zimmer ne m'avait pas marqué et semblé bien fade. C'est dire! Non, vraiment, le courant n'est pas passé entre Nolan et moi. Je ne comprenais pas l'intérêt de ce film, partant pourtant de la bonne idée de montrer les débuts de Batman mais qui semblait l'oeuvre d'un réalisateur chargé de raconter l'histoire d'un super-héros tout en acceptant pas les règles du jeu car frustré de ne pas pouvoir tourner un James Bond. Le début, dans je ne sais quel trou du cul du monde, avec un apprentissage à la mode asiatique, un Bruce Wayne ressemblant à un clochard...
Horrible souvenir de visionnage.
J'ai revu le film, plus tard... Sachant mieux à quoi m'attendre, j'ai mieux apprécié, j'y ai trouvé un peu plus d'intérêt malgré une frilosité persistante. La sortie de TDK était proche (2008) ; la présence du Joker, à elle seule, me motivait pour aller voir ce que ça donne, si un 2e épisode ne pouvait pas un peu relever cette sauce qui ne prenait pas du tout (ou trop peu) avec moi.
Le miracle eut lieu. Pourtant, il y avait toujours cette patte Nolan, et même en 10 fois plus accentué ; réalisme à toute épreuve, finesse du traitement psychologique poussé à son extrême pour une oeuvre cinématographique où c'est tellement plus difficile qu'en littérature. Je ne vais pas énumérer toutes les qualités de film. Bien sûr, je restais assez mitigé sur cet aspect toujours trop "terre à terre", ce manque poésie de Nolan ; mais voilà, à cette poésie qu'avait Burton et qui faisait défaut à ses films, Nolan, lui, avait son "trucs", son truc à lui pour "faire passer" ce réalisme très rebutant pour des gros rêveurs comme moi : le psychologique. C'est ça la "magie" Nolan malgré l'absence totale de magie dans son univers. Et
The Dark Knight en était la démonstration magistrale. De plus, le Joker apportait (enfin) cette dose de fantaisie, de folie, qui manquait au premier film et qui a aussi permis de me rendre ce film fascinant malgré son incurable prosaïsme. Ajouté à tout cela, le renforcement très net et passionnant d'une dimension politique dans l'oeuvre, une réflexion sur la "gestion de la cité" au sens le plus propre du terme, avec toute la résonnance humaine que cela implique.
Même Zimmer m'a soudain semblé en immense forme, confirmant selon moi qu'on était passé à la vitesse supérieure. J'ai revu ce jugement récemment, en me replongeant dans le score (complet) de
Begins et j'ai constaté avec stupeur que, contrairement à mes fades souvenirs, il n'avait rien d'ennuyeux ou de plat, mais même que tous ces thèmes sublimes dont j'avais glorifié
The Dark Knight étaient en fait tous là depuis le départ. Mauvaise nouvelle pour l'originalité du score de TDK (dont les seuls thèmes nouveaux étaient donc celui du Joker ET celui de Harvey), mais excellente pour
Begins. Je ne sais pas pourquoi ce malentendu ; peut-être le mixage du son était-il différent, ce qui a rendu la musique plus "discrète", difficile à percevoir...
Me voilà donc devenu fan de Nolan.
Dans la foulée, j'ai vu
Memento &
Le Prestige), en lequel je reconnais alors un génie de la construction complexe de scénario, de la psychologie, des dialogues "performatifs" à la chaînes, où l'histoire avance sous nos yeux ébahis à coup de répliques brèves qui font mouche ou de tirades qui frôlent le lyrisme, le tout entrecoupé de scènes d'action spectaculaires et jubilatoires (bon, surtout pour Batman, pour le dernier aspect). D’ailleurs, tout de même, à propos de ces scènes ; je les aime beaucoup, pour la plupart, néanmoins, un des grands défauts que je trouve à Nolan, c’est justement la mise en scène de ses scènes d’action, pour certaines. Elles ont parfois un aspect trop cacophonique, confus, désordonné, abrutissant, bêtement pétaradant ; c’est difficile à décrire ; je ressens devant elles un ennui (oui, un ennui, et je me suis perdu aussi, complètement hors du truc) et une fastidiosité que j’ai tout le temps connu avec les James Bond. D’où le fait que je n’aime pas du tout la bataille finale d’
Inception dans la neige, et que je n’ai pas aimé les scènes d’action de TDKR, mais là, je m’avance…
THE DARK KNIGHT RISES (TDKR pour les flemmards intimes)Plus de peur que de malForcément, j'attendais TDKR avec impatience... jusqu'à ce qu'on en entende parler pour de bon. Les "mauvaises nouvelles" se sont enchainées pour moi. Ce Forum en a été en partie témoins, y ayant posté mes doutes à plusieurs reprises devant, d'abord, ce titre que je trouvais de mauvais goût car très redondant, le casting qui lorgnait trop sur
Inception et la présence affligeante de Marion Cotillard, le choix du méchant, Bane (je savais qu'il n'était pas vraiment tel que Schumacher l'avait dépeint, mais malgré les efforts zélés et presque fanatiques des fans du comics que j'ai croisés, je n'ai jamais réussi à accrocher à ce méchant!). Ensuite, il y a eu les premières images et bandes annonces ; là, ça devenait de pire en pire ; une Catwoman... qui ne ressemblait à rien, et surtout pas à Catwoman, une scène dégoulinante de patriotisme avec l’hymne nationale américaine chantée dans un stade, etc.
Je ne voyais pas comment tous ces trucs là pouvaient mener à un bon film ou, pour nuancer, à un film qui me plaise. J’étais même carrément démotivé, le film ne me faisait pas envie, il m’ennuyait d’avance, il n’arrivait même pas à m’intriguer. Mais quelques premières critiques très en avance sont tombées et j’ai eu un regain d’intérêt. Je n’étais pas encore convaincu, mais j’étais bien motivé, curieux de voir de quoi il retournait.
Bon, maintenant que je me suis bien épuisé (et vous au passage…) sur cet interminable préambule, je vais m’attaquer à la critique du film lui-même...
Plus de peur que de mal…
Tous ces éléments qui, glanés sur le net, semblaient prendre la forme d’un horrible nanar ne pouvant qu’être l’œuvre d’un Nolan alcoolique quitté par sa femme pour une lesbienne et ruiné par son divorce au point de n’avoir pas les moyens de s’offrir un casting hors de ses potes prêts à jouer gratuitement pour lui, tous ces éléments donc, ont finalement trouvé leur place dans une histoire ne tient en rien du nanar, bien qu’une quarantaine de personnes soient prêtes à vous soutenir le contraire dans les critiques 0 étoiles d’
Allo-Ciné.
Si tu dois comparer un Nolan... alors ne le compare qu'à un autre NolanC’est là que ça se complique pour moi.
Parce qu’à partir de maintenant, je peux déployer, si j’en ai l’envie et la motivation, tous les arguments flagrant qui sont à ma disposition pour vous démontrer par A + B (bien qu’une telle objectivité soit prétentieuse et contestable) que TDKR est un bon film, un bon Nolan et même un bon Batman, dans une moindre mesure (mais là, c’est mon avis, déjà). Je peux vous parler de la photographie, de scénario, des dialogues, du jeu des acteurs, de la mise en scène, etc., en des termes « objectifs » autant que possible, et il en ressortira que c’est un film plutôt irréprochable d’un point de vue technique, très abouti, intelligent.
Qu’on l’aime ou pas, qu’on adore ou qu’on déteste son « style » (car, ça reste particulier), on ne peut que reconnaître l’intelligence, le talent exceptionnel de ce mec. Issu d’une nouvelle génération de réalisateur, il ridiculise complètement, à lui tout seul, tous nos « papas » adorés mais vieillissants qui nous avaient faits tant rêvés depuis les années 80/90 mais qui semblent atteints par une sénilité étrange ou simplement ne pas réussir à « capter » l’esprit de cette époque, garder leur identité et leur talent face aux nouvelles technologies, à l’évolution des mentalités. Nolan est une valeur sûr, et il est loin d’être le roi borgne du royaume de ces réalisateurs devenu aveugle ; il est bien le roi ou un des rois de la nouvelle génération en général. Il met le niveau tellement haut que, quand il s’agit de le juger (si on est convaincu de la qualité de son travail), on est bien embarrassé. Car si on commence à la comparer d’autres, pour la plupart l’écart est tellement vertigineux que c’en devient incomparable ou de mauvaise foi d’oser établir des liens. Je manque sans doute trop de culture cinématographique, malgré ma passion pour cet art, pour avoir un discours pertinent et légitime, mais depuis le trou de ma petite lorgnette d’ignorant, Nolan est, en qui me concerne, le seul réalisateur actuel à me faire cet effet ; cet effet de ne pouvoir le juger que par rapport à lui-même. Si je commence à le comparer à d’autres réalisateurs, ma démonstration me semble caduque, déséquilibrée. Il faut lui inventer un barème spécial. Car si je considère l’ensemble de la production actuelle, je mets forcément 19/20 à TDKR. Mais – bien que je ne mette jamais de note à un film – si je devais mettre une note à TDK, ce serait probablement 18 ou 19. Et comme je voudrais marquer que, pour ma part, TDKR est en dessous, la logique voudrait que je lui mette… bon, allez, juste pour la démonstration, à ne pas prendre argent comptant, 16. Mais là, ça devient injuste ou n’importe quoi, car si je mets 16 à un film comme TDKR, alors dans ce cas des films comme
Chronicle, que j’ai beaucoup aimé ou bien
Twixt, que j’ai adoré, vont se retrouver avec un 14 qui est pour moi nettement insuffisant pour eux.
Ainsi, on, ou du moins JE me suis retrouvé obligé de juger Nolan… par rapport à Nolan, comme étant hors catégorie. Le fait que le bonhomme soit AUTEUR, REALISATEUR, PRODUCTEUR, trinité qui m’est sacré et qui consacre pour moi les GRANDS, cela ajoute à son prestige ! (Prestige, Nolan ; Nolan, prestige ! Ah, ah, ah !.... Ahem… Bref…).
C’est ça le problème avec les grands réalisateurs et les grands en général. Ils mettent la barre trop haute, et cela trop tôt, trop vite. Ca crée une pression difficile pour eux sur la suite de leur carrière et, quant à nous, spectateurs, cela nous rend toujours plus exigeant. Eh, oui, c’est injuste ! Si Spielberg, à l’heure actuelle, nous sortait un film comme TDKR, on serait des milliers à sortir dans la rue, à poil, avec des chars et de la techno pour célébrer sa résurrection ! On crierait au chef-d’œuvre. Mais Nolan, on sait de quoi il est capable ; pour enfoncer le clou de son talent, il nous a balancé, mine de rien, entre deux Batman, la bombe
Inception. Et du coup, on le juge par rapport à ça ! Ca pousse les exigences loin, peut-être trop loin, on devient peut-être injustes, pinailleurs, suffisants, condamné à analyser ce film avec un grossissement x100 parce qu’avec le grossissement standard de la production actuel, il semble irréprochable. Mais voilà, au sein d’une carrière déjà si brillante, on peut déjà comparer, on tombe inévitablement dans cette comparaison où le barème est d’autant plus stricte et impitoyable que l’œuvre de référence a été grandiose et aboutie. Ainsi, selon les sensibilités, les préférences, TDKR ne peut qu’être jugé à l’aune de TDK ou même
Inception, mais par pertinence, c’est bien TDK, qui a au moins Batman en commun avec lui, qui sert de diapason pour cette chasse aux fausses notes.
Je ne dis pas que, sous prétexte que Nolan est génial, je vais aller lui chercher d’autant plus de poux. Je n’en ai d’ailleurs cherché ni à
Dark Knight, ni à
Inception, ou alors si peu (les reproches habituels, seulement, liés à ma propre sensibilité, développés plus haut) ; tout simplement parce que, écoutant avant tout et toujours, mes émotions avant ma petite caboche, j’ai tout de suite su que j’avais adoré, et donc ça dépassait toute analyse sur le coup. Pas besoin de disséquer pour chercher une anomalie qui ne m’apparaissait pas. Donc, si je cherche des poux à
The Dark Knight Rises, c’est parce que, justement, je n’arrive pas encore tout à fait à saisir de façon certaine pourquoi je n’ai pas eu cette révélation que j’avais connu avec les films précédents. Pourquoi je suis si réservé, pourquoi je ne suis pas transcendé, qu’est-ce qui bloque devant cette œuvre qui semble pourtant parfaitement maîtrisée ?
Et bien, malheureusement, je suis encore bien incapable de le dire.
Je ne peux pas vraiment argumenter, discourir là-dessus. Je n’ai que mes sentiments, mes émotions pour parler et constater, simplement, que je ne suis pas emballé. Au moins, je ne suis ni affligé, ni déçu, ni scandalisé, ni quoi que ce soit de si redoutable. Non. Je n’oserais même pas dire « neutre », indifférent… Non, simplement pas emballé, pas transcendé, et ma seule certitude, c’est cela ; aucune sur les raisons de ce sentiment, bien que j’aie, à ce stade précoce de mes réflexions sur ce film, quelques éléments de réponse…
Toujours plus loin de Batman… Ca, c’est LA critique qui peut vraiment faire débat ; et je suis d’autant moins légitime pour la faire, qu’encore une fois, je ne maîtrise pas du tout les comics, donc comment puis-je dire ce qui est « Batman » et ce qui ne l’est pas ? Comme je le disais plus haut, ce qui m’a rebuté au départ avec Nolan et qui continue de me gêner, malgré mon engouement pour TDK mais tout particulièrement là, avec TDKR, c’est son traitement extrêmement « pudique » de l’aspect super-héros. C’est ce qui fait aussi sa qualité, bien sûr, j’en ai conscience mais… je ne me remets toujours pas de cette Batmobile (si on peut appeler ça ainsi…), de cette moto, et là, du « Bat », d’une laideur sans pareille, d’ailleurs. Mais cet effacement déteint aussi sur les costumes et le traitement de l’histoire. Je pense bien sûr à Catwoman, qu’il a bien fait de ne pas nommer une seule fois Catwoman car, en effet, elle n’en a rien sinon le vrai prénom. Je ne peux pas vraiment lui en vouloir ; il a habilement contourné le danger de la comparaison à la Catwoman de Burton et il a été cohérent avec son approche réaliste et sobre. Mais bon, vous savez où va ma préférence ! Car, pourtant, il a réussi, avec son traitement si particulier, à me faire préférer son Joker à celui de Burton ! Mais là, ce ne sera pas le cas avec sa Catwoman, c’est claire ! Personnage d’une incroyable fadeur auquel je n’ai pas réussi à trouver un véritable intérêt dans ce film sinon mettre une dose de féminité et ajouter superficiellement des alliés à Batman.
Toujours plus loin de Batman, c’est aussi une question d’atmosphère, d’esthétique, de scénario…
Batman est, par définition, un héros nocturne. TDKR a l’originalité de se passer essentiellement de jour ; le photographie tranche. Quand on ferme les yeux et qu’on pense à
Matrix, on voit du vert. Quand on pense à
Minority Report, on voit du bleu. Quand on pense à
The Dark Knight, on pense au noir de Batman, au bleu foncé d’un ciel tombant dans la nuit ou au violet du costume du Joker.
Mais, quand on pense à TDKR (en tout cas, moi), on/je pense à ce gris qu’évoque tout particulièrement
Soldat Ryan. Un gris blanchâtre, traversé d’une légère fumée noire dégagée par la carcasse en feu de quelques véhicules incendiés. Une esthétique de film de guerre. Et justement, c’est en partie un film de guerre, en bonne partie ; avec ses terroristes, ses fusillades, ses explosions de pont et autres sites stratégiques, ses tanks, ses attaques coordonnées, son réseau de résistance sous-terrain, sa bombe nucléaire et même, une bataille homérique devant un bâtiment, à mains nues, entre deux armées. Pendant ce temps, Batman n’est pas là
- Spoiler:
puisque Bruce croupit au fond d’un trou, sachant qu’il n’était déjà pas là au tut début, puis en mode déprime, jusqu’à son bref retour avant d’être arrêté par Bane. Enfin, il revient, juste à temps pour le big fight final sous la forme d’une de ces scènes que je n’aime trop chez Nolan, où je trouve l’action confuse et fastidieuse
.
C’est évidemment très basique et peu futé de contester l’aspect « Batman » d’un film juste en jugeant son temps d’écran en costume. C’est même débile, ce que je ne cherche pas à paraître. Je suis le premier à reconnaître la fragilité d’un tel argument, et évidemment, il ne se suffit pas à lui-même. Mais pour moi, il s’ajoute à ce que j’ai déjà nommé plus haut (les véhicules, Selina Kyle) et aussi au traitement général de l’histoire, dont le centre est une révolution et une guerre civile qui dépasse complètement l’existence, la présence de Batman. On est en plein dans un film politique où Batman me semble jouer le second rôle. Bien sûr, c’est pour mieux revenir en force, sublimer l’histoire par son retour fracassant, mais n’empêche que…
Nolan a poussé le bouchon encore plus loin qu’avant en terme de réalisme, de sobriété, d’effacement pudique du côté super-héros, et à la fin, je me demandais s’il n’essayait pas de fuir un peu Batman pour mieux se concentrer sur des sujets qui lui tiennent vraiment à cœur, qui le travaillent, bref, faire du Nolan, bref, un truc génial, mais qui s’éloigne un peu de Batman.
A tale of Gotham City : un film politiqueC'est sans doute le gros morceau de ma critique ; et pourtant, je reconnais que ce n'est pas l'aspect principal à retenir, car ce serait trop passer à côté du reste. Le truc, c'est que le reste n'a pas un tel potentiel à la réflexion et au débat...
Dans cette quête de réalisme, de résonnances avec l’actualité la plus brûlante, en fouillant les angoisses chaudes de l’imaginaire collectif de la civilisation occidentale, Nolan a joué très risqué je trouve, et en ce qui me concerne, il s’est un peu compromis à mes yeux.
On sait bien que, tranchant toujours avec les visions antérieures, il a ancré son histoire dans un contexte complètement familier, réaliste (Gotham n’a de Gotham que le nom ; le reste à New-York), et ça lui a plutôt réussi, c’était intéressant. Mais là, il s’attaque carrément à des « peurs » collectives, des sujets de société comme le terrorisme et le monde de la finance. Ce qui n’était jusqu’alors que « politique » au sens étymologique de gestion de la « polis » de la « cité » ; mais là, on part dans le sens large (et plus risqué) de politique au sens plus admis, général.
Je mesure d’autant plus l’échec de ce filme sur cet aspect (et pour mon cas personnel, je crois que je suis assez seul dans ce délire) que, pour parler maladroitement et caricaturer, j’adore les révolutions ! J’ai des élans de révoltes, j’ai des idéaux, je me passionne pour la Révolution française, j’aime voir un peuple reprendre le contrôle de son pays ou de sa cité ; or, c’est complètement ce que Bane propose, texto, aux habitants de Gotham. Donc, y’avait de quoi m’exalter, me faire rentrer dans cette lutte ou du moins, me régaler en l’observant. Mais… je ne sais pas… je crois que Nolan ne nous laisse aucune chance de choisir un camp ou l’autre, il n’a pas assez joué sur l’ambiguïté, l’indécision, le pouvoir de séduction que peut avoir le monde proposé par Bane, et cela simplement parce que Bane arrive directement en terroriste violent, effrayant et qu’il prend pour allié des prisonniers qui veulent seulement se faire les nerfs sur les puissants. Résultat, forcément, avec tout ça, on est embrigadé malgré nous, et par la force des choses, en toute logique, dans un camp. Peut-être que mes propos ne font que montrer que je n’ai rien compris ou me focalise sur un angle qui n’était pas du tout en question, je ne sais pas… mais du coup, cet aspect que je trouvais intéressant de prime abord m’a soit mis mal à l’aise, soit simplement laissé indifférent. On se retrouve dans une grande bataille entre deux armées ; et ne pouvant avoir la moindre sympathie pour ce qui n’est qu’une bande de brutes sanguinaires et irréfléchie utilisant la peur, on ne peut que suivre, à défaut (en ce qui me concerne), la police qui se bat pour préserver le monde d’inégalités, de finance, de domination, de mensonge et de corruption que dénonçait pourtant très judicieusement Bane.
Peut-être que je tombe dans le piège stupide du gars qui cherche la morale à tout prix et qu’il n’y en a aucune. Ou alors, que cette morale est simplement que tout le monde est con ; les riches abusent de leurs privilèges et les pauvres, quand on leur en donne, ne sont pas mieux car ne les utilisent que pour se venger ou de mauvaises raisons. Donc, à défaut, laissons le monde tel qu’il est, c’est quand même mieux. Peut-être… mais, moi, sans doute premier degré, il m’a simplement semblé voir une ville se battre pour rétablir d’urgence l’ancienne domination face à une démonstration absurde, un faux choix, car qui choisirait le monde de Bane ? J’ai cru voir des américains jaloux (au sens de possessifs, avare, obsédés par) de leur système économique le défendre par les armes et jusqu’à la mort devant un modèle pseudo-communiste réussite d’on ne sait où près de 20 ans après la fin effective de la Guerre Froide.
Je suis bien obligé d’admettre que, même en l’écrivant, j’ai l’impression d’aller trop loin et de faire mon mec sur le qui-vive qui voit des messages politiques et patriotiques où il n’y en a pas. Mais en même temps, c’est pas moi qui, dans un film où on n’a pas à insister sur ces éléments, fait des plans sur un drapeau américain déchiré, martyre, ou qui met en scène avec une surdose de pathos un début de match de football avec une hymne nationale chantée par l’innocence même, un petit garçon tout mignon, une foule transie qui l’écoute main sur le cœur en fredonnant les paroles avant le terrible attentat de Bane faisant exploser le terrain avant son discours terroriste.
On sait que Gotham, chez Nolan, c’est New-York, et qu’on est aux USA, mais que je sache, au-delà de ça, on n’assiste pas davantage sur cette position géographique, et cela simplement parce que Gotham, même chez Nolan où cet aspect est très malmené, doit garder un aspect « ville neutre », ville utopique/dystopique, ville fictive et universelle. Mais là, je pousse peut-être la naïveté un peu loin, car évidemment, on ne devine que trop bien la métropole américaine.
En tout cas, tout comme avec le teaser à l’époque, j’ai détesté cette scène du stade pour ces raisons-là. On a l’impression que, par le biais du patriotisme et le pathos qui l’accompagne, le monde de la finance et le système américain essaie de se justifier en caricaturant toute forme de contestation au capitalisme (révolte qui commence à émerger dans les rues de New-York…). Les pauvres riches se font voler leur collier, se font battre, tuer, et puis juger de façon complètement arbitraire.
A ce sujet, j’avais lu, peu avant de voir le film, que Nolan s’était fortement inspiré de
A Tale of Two Cities. Un classique de la littérature anglais de Charles Dickens. Peu connu chez nous, ce livre traite pourtant d’un sujet qui nous concerne bien : le Révolution Française. Les « two cities » sont Paris & Londres ; l’une étant le théâtre du cauchemar de la Terreur, l’autre étant la terre d’accueil des aristocrates forcés de s’exiler pour survivre (et dont les enfants, comme Châteaubriand, inventeront le Romantisme étroitement lié à la nostalgie royaliste et chrétienne, mais là, on tombe dans la littérature et des questions qui me tiennent à cœur et que j’ai eu l’occasion de traiter en détail dans mon Mémoire de Master…).
Au départ, je n’ai pas compris ce que ce livre venait faire là. Maintenant, je pige. Nolan cherchait de l’inspiration pour raconter sa Révolution et ses inévitables débordements, ses abus, ses violences. Je n’ai pas lu l’œuvre de Dickens, je ne peux donc dire quel est le point de vue du récit. Mais en tout cas, je ne suis pas sûr qu’un Américain (avec tout le « racisme » et les « clichés » que je peux avoir sur ce peuple que, pourtant, je vénère depuis mon enfance et dont j’apprécie énormément l’Histoire et la culture) puisse avoir un regard bienveillant ou un tant soit peu positif sur la Révolution française. Mais là, je vais sans doute trop loin. Car leur révolution, ils l’ont eu, contre l’Angleterre, et bien 2 décennies avant nous. Mais je pense que le fameux roi auquel on a coupé la tête (qui s’est empressée de repousser), c’est la finance, l’argent.
On se retrouve donc devant le Révolution de Bane comme devant la Terreur issue de la Révolution Française ou la répression instaurée par les Bolchevicks après la Révolution Russe et l’avènement au pouvoir des Soviets. On est d’abord séduit, transporté, curieux devant ce soulèvement humain, cette révolte, les idéaux défendus ; mais on est aussitôt rattrapés par la dure réalité, on ne peut que s’indigner des excès, de la répression, de la justice arbitraire (bien incarnée par le tribunal de Crane et qui fait complètement référence aux procès en 2 secondes des nobles sous la Révolution, où la guillotine coupait des têtes à la chaine avec pour seul motif et chef d’accusation les origines de la personne). Le saccage des beaux appartements de Gotham rappelle la Révolution Russe, la persécution des biens, la vengeance contre les riches.
Je trouve que c’était hyper intéressant à traiter, mais on tombe dans la caricature ; la caricature d’un peuple influençable, lâche ou alors mué seulement par des instincts primaires de vengeance et de cupidité d’un côté ; la caricature du retour à l’ordre social de l’autre, avec le soulèvement d’une armée de policiers qui part à la reconquête de sa ville pour remettre en place l’ancien système (comme la Restauration l’a fait après la Révolution en France) parce que, évidemment, laisser le pouvoir au peuple, c’est une hérésie ; il vaut mieux, en guise de « moindre mal », remettre d’urgence l’élite au pouvoir, tout ça à grand renfort de flicaille.
On ne peut le nier, l’Histoire donne raison à Nolan et il s’est sans doute contenté instinctivement de la suivre ; on ne peut que constater que le « peuple » a été assez crédule, naïf à certains moments clés de notre Histoire pour, par exemple, mettre Hitler au pouvoir, soutenir les persécutions religieuses (guerres de religions en France au XVIe siècle), encourager et alimenter des régimes totalitaires comme celui de l’U.R.S.S. Donc, en un sens, tout cela est tristement réaliste. De plus, à la décharge du « peuple » de Gotham, il faut bien admettre que Bane les prend en otage plus qu’il ne les convainc ; en fait, il ne convainc personne, ou si peu ; il « impose », menace.
Ainsi donc, le problème ne serait pas tant dans la réaction du « peuple » que dans le fait, maladroit je trouve, d’avoir associé une figure de méchant vraiment machiavélique et cruel AVEC la volonté louable, noble, révolutionnaire de « reprendre le contrôle » de sa ville, de sa vie de citoyen, de mieux partager les richesses et d’attaquer de front la tyrannie de la finance. Amalgamer ce que, pour ma part, je considère comme un truc positif (révolution du peuple, qui aurait presque pu évoquer les indignés, en particulier ceux de Wall Street…) avec le négatif, le méchant de l’histoire, ça laisse songeur. Mais encore une fois, je ne suis pas surpris ; je ne vois pas comment un américain, les américains, qui sont si jalousement attachés au capitalisme, qui vouent un culte sans complexe à la notion de propriété et qui ne savent même pas faire une nuance entre le communisme et le socialisme peuvent regarder ne serait-ce que d’un œil indulgent une révolution populaire, le fait qu’un peuple se mette à se révolter contre les puissants, les élites qui monopolisent les privilèges, les inégalités et l’absence de solidarité (quand on pense qu’Obama s’est fait insulter, trainer dans la boue pour avoir voulu… instaurer une sécurité sociale…). Mais évidemment, Bane offre une caricature de révolution ; sous la menace, contrainte déjà (on ne sent pas le moindre « potentiel » de révolte à l’origine dans Gotham ; il aurait été intéressant de montrer qu’à l’origine, la ville grondait déjà, et que Bane n’est que l’allumette qui met le feu à l’essence !) ; mais en plus, cette révolution se propose d’instaurer un truc qui ressembler fortement au régime communiste ; je me suis surpris à soupirer sous l’incapacité des américains à passer l’éponge sur ce régime politique qui semble avoir choqué l’imaginaire collectif de leur nation de façon beaucoup plus violente que la Nazisme qui fut sans doute une affaire plus Européenne. En tout cas, voir implicitement ce « démon communiste » refaire surface, être traité comme la peur suprême, le comble du Mal, cela semble trahir une « fixation » de ce pays sur des peurs non pas irrationnelles, mais entretenues, alimentées sans cesse. Terrorisme ET communisme ; voilà les deux peurs majeurs de l’Amérique qui se trouvent résumées dans ce film.
Là, on pourrait m’opposer, et Nolan le premier, que je politise une œuvre d’art, un divertissement. Ok, c’est vrai, et je déteste cette pose chez les autres donc si d’autant moins heureux de la prendre. Si Nolan était navré de voir son film ainsi analysé, politisé, débattu, il devrait hélas s’en prendre à lui d’avoir joué avec le feu, d’avoir mêlé Batman à des sujets si sensibles et de les avoir traités ainsi. Batman et la politique au sens étymologique, ok. Batman et la politique au sens général et le patriotisme américain, NON !
Je sais que les super-héros ont longtemps été pour les USA un vrai symbole d’identité fédérateur. Ces héros ont souvent été mêlés à la politique, que je sache. Ce sont des portes drapeaux, des garants de l’identité nationale américaine, tout un patrimoine culturel et des repères moraux pour l’imaginaire collectif (le parallèle est connu et souvent fait entre les Batman, Superman, Spiderman des américains ET les Achilles, les Hector, les Ulysse, les Hercule des Grecs de l’Antiquité !).
J’ai lu récemment que je ne sais plus dans quel volume des comics, Batman et Superman étaient carrément impliqués dans la Guerre Froide contre les Communistes. Le volume est des années 80. C’est d’époque ; ça ne devait choquer personne à l’époque tant que ça semblait évident que les supers-héros américains prennent parti, mais moi, ça me choque aujourd’hui, et je crois que ce serait très déplacé.
Ca me rappelle forcément
Watchmen, où Dr Manhattan est utilisé par les USA comme arme de déstruction massive, comme menace contre le bloc de l’Est et participe même à la guerre du Vietnam avec le Comedian. Ca m’a vraiment choqué ; mais en même temps, je me suis dit que le comics datait aussi et qu’en plus, c’était une uchronie basée sur la Guerre Froide et qu’il pouvait (devait) y avoir une forme de critique derrière.
Evidemment, Nolan n’en est pas à ce point ! Mais il a joué avec le feu, selon moi.
Sinon, je n'ai pas été très convaincu par Bane ; c'est en bonne partie lié à ce que je viens d'expliquer. Il est très intimidant. Il est terrible à écouter, en VO. Tom Hardy est méconnaissable (à part les yeux, le regard). Le personnage est intéressant, mais bon... je ne vais pas tomber dans la comparaison avec le Joker, ce serait injuste, c'est deux méchant très différents, mais forcément, après le Joker... En tout cas, son honneur est sauf, ça devrait définitivement faire oublier Schumacher, mais pour ma part, je maintiens qu'il y avait plus intéressant et charismatique que Bane à traiter...
- Spoiler:
Je vais éviter de m’exprimer sur Miranda Tate/Talya ; je pense que, fondamentalement, c’est un personnage que je n’aime pas, qui ne m’intéresse pas, et encore moins dans le cadre de ce film ; mais mon antipathie de toujours pour Marion Cotillard ne facilite pas les choses et ne me rend pas du tout objectif. Je salue l’effort de Nolan (vraiment) d’avoir voulu rendre l’histoire de Bane un peu poétique et même romantique (fallait le faire) ; pour ma part, je n’ai pas du tout été touché, et je me serais bien passé de cela, même si évidemment, ce « conte » tournant autour de la prison reste vraiment remarquable et porte une partie du film.
- EDIT – Depuis que j’ai rédigé cette critique, je me suis un peu renseigné sur le film, j’ai fureté sur le net et j’ai trouvé avec étonnement un sacré nombre d’articles qui traitent de cet aspect « très/trop » politique que je craignais tant d’être un « mirage » de ma part. Le fait que cela ait été remarqué et traité par d’autres ne me conforte aucunement dans l’idée que cette lecture du film est une bonne lecture et encore moins la meilleure, mais a le mérite de prouver que cet aspect n’est pas le fruit de mon imagination ou d’un esprit qui cherche trop la bébette (d’autant plus que, si j’adore débattre longuement d’un film, j’aime le faire sur des aspects tangibles, réels, bien liés au film et non pas m’envoler sur la surinterprétation). Ainsi, pour ceux que ça intéresse/intrigue/énerve/laisse perplexe, je reproduis ici quelques liens vers des articles non pas « détonants » mais plutôt intéressants qui ont bien pour but de soulever des questions, de nous interroger, de réveiller notre esprit critique, mais moins de donner des réponses absolues (que de toutes façon, personne n’a et ne peut avoir !)
L’article selon moi le plus intéressant sur le sujet, qui soulève bien toute l’ambiguïté du propos politique du film
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/600982-the-dark-knight-rises-l-univers-de-batman-est-il-faconne-par-le-neoconservatisme.html
Là, on entre dans le grotesque, avec l’instrumentalisation du film dans le cadre des élections présidentielles américaines ; là, ça va trop loin
http://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/The-Dark-Knight-Rises-s-invite-dans-la-campagne-americaine-3441410
Un article qui parle de cette même instrumentalisation, mais qui essaie un peu plus de faire la part des choses, de faire le tour du problème, bien qu’on reste, selon moi, complètement en dehors du propos du film
http://www.20minutes.fr/cinema/979107-the-dark-knight-rises-batman-est-il-heros-droite-americaine
Enfin, pièce maîtresse, l’avis de Nolan lui-même sur les polémiques politiques autour de son film (interview en anglais) ; sans surprise, le réalisateur dément tout propos partisan, politique au sens large dans son film, revendiquant l’aspect « universel », divertissant. On pourrait se dire qu’il ment, qu’il n’assume pas le propos de son film ; ça reste une possibilité, mais selon moi elle est très mince. Je pense que Nolan est sincère. En revanche, ce n’est pas un con (oh, loin de là !), et les génies comme lui, ça pense à tout, ça ne fait rien au hasard. Cela lui laisse donc une certaine part de responsabilité dans son traitement politique quelque peu casse-gueule et maladroit, mais en revanche, je pense qu’il n’avait pas de « mauvaises intentions ». Ce que je critique plus haut, ce n’est pas ce qu’il voulu dire (je pense que ce qu’il explique dans son interview fait le point là-dessus) mais ce qu’il a dit malgré lui par son traitement de l’histoire
http://www.rollingstone.com/movies/news/christopher-nolan-dark-knight-rises-isn-t-political-20120720
La BO du siècle ?Pour finir sur les « contre », je vais ajouter… la musique de Zimmer.
C’est une double surprise. Une surprise pour moi-même (quoiqu’il soit capable de me décevoir, la BO de
Sherlock Holmes en est le meilleur exemple pour moi, même si je sais qu’elle est plutôt appréciée), mais ça pourrait être une surprise pour l’ensemble des spectateurs. En effet, j’ai lu des dizaines et des dizaines de critique (cherchant chez les autres ce que je n’arrivais pas à formuler chez moi), et je n’ai jamais, mais alors jamais, vu une OST se faire complimenter avec autant d’enthousiasme et aussi systématiquement. Le nombre de personne ayant omis ce détail est anecdotique. Je ne peux que m’en réjouir, en grand passionné et défenseur de la musique de film ; voir un tel engouement, ça montre que la musique de film commence à être remarquée, appréciée, vécue comme un élément clé d’un film et même écoutée en dehors du contexte du visionnage. Evidemment, on peut nuancer ma joie par le fait qu’il s’agit de Zimmer, un compositeur qui a largement égalé la notoriété de John Williams et donc que tout le monde ou presque tout le monde connaît, même ceux qui s’en foutent de la musique de film, et il est de bon ton d’aimer ce compositeur, du moins dès qu’on sort du milieu parfois pédant des spécialistes qui n’aiment pas toujours partager leurs goûts avec le « commun des mortels ». Mais tout de même ! Même Zimmer n’a jamais connu, il me semble, une telle standing ovation virtuelle. Ca devrait me réjouir (et c’est le cas en partie), mais ça me laisse plutôt amer…
Amer, car, pour le dire en passant, j’ai trouvé ce score vraiment moyen. Et donc, voir que, pour une fois qu’un compositeur se fait autant acclamer, c’est pour ce score en particulier, ça veut hypothétiquement dire deux trucs : soit je suis complètement passé à côté de la beauté objective de ce score ; soit il y a hallucination auditive collective.
Pour justifier mon propos, je vais en même temps donner mon avis sur le CD. Il n’y a que deux thèmes vraiment nouveaux dans ce score : celui de Bane ; celui de Selena Kyle. Tout le reste est « simplement » déclinaisons et variations sur les thèmes et les sonorités déjà existantes. C’était déjà le cas pour TDK, avec pour « seules » nouveautés les thèmes du Joker et de Harvey. Logique, au fond. En tout cas, pas forcément blâmable.
Pour « juger » un score de saga, comme cela, en gros, on peut considérer ces critères (analysés seulement
a posteriori, après écoute ; d’abord, on savoure, on s’imprègne, on laisse les émotions parler, la musique nous envoûter, nous surprendre, enflammer notre imagination (ou pas), mais après, on peut « structurer » nos impressions autours des critères suivants) :
- Qualité des nouveaux thèmes (si nouveaux thèmes il y a)
- Présence des anciens thèmes
- Qualité des déclinaisons/reprise des anciens thèmes
Pour ce score, donc, les nouveaux se résument à 2, comme pour TDK. Il n’y avait pas besoin de forcément plus. Le plus déterminant avec les sagas, c’est la musique du premier qui, d’autant plus si elle est réussie du premier coup, détermine fortement les bases pour la suite. Réutiliser les thèmes (sauf si c’est à l’excès, et mal fait) n’a rien d’une gageure ; au contraire, je trouve cela extrêmement important et bien, car cela « unifie » les épisodes, cela donne cohérence musicale générale et, simplement, c’est du fan service. Quand on est dans le côté obscur, en tant que fan, on attend le thème de Dark Vador, si on ne l’a pas, on est frustré. De même, dans la saga TDK, dans une scène d’action ou de poursuite, ceux qui apprécient la musique (et apparemment ils sont plus nombreux que je n’aurais osé l’imaginer) seront très sensible aux « petites attentions » du compositeur s’il met un thème en particulier, un des thèmes favoris, un de ceux qui a marqué l’aventure, et rappelle autant de bons souvenirs qu’il en crée ! En l’absence partielle ou totale (improbable) de ces thèmes, les nouveaux sont là pour créer de nouvelles émotions et accompagner les nouveaux personnages et les nouvelles situations le mieux possible.
En ce qui me concerne, très personnellement, ce score 1) offre deux nouveaux thèmes que je trouve très moyens 2) Ne nous « console » même pas avec de belles reprises/variations/déclinaisons des thèmes phares, bien trop absents et discrets, là très ponctuellement et souvent interrompus 3) Entre tout ça, il n’y a que des pistes de « fond », qui font un peu tapisserie
En ce qui concerne ma sévérité éventuelle avec Zimmer, se reporter à ce que je disais plus haut sur la sévérité à l’égard de Nolan !
Je ne dis pas que c’est un score minable, inaudible, scandaleux, etc. Sûrement pas ! C’est largement au-dessus de bien des scores ! Mais c’est décevant, pour ma part. J’apprécie le côté intimiste et glamour du thème de Selena, original de la part de Zimmer et qui correspond bien au personnage ; bien que très réticent au début, j’aime bien le côté intimidant et flippant du « cri incantatoire » de l’armée de Bane, ça donne une sacrée ambiance au tout, ça donne une signature sonore à cet épisode qui en résume bien toute la noirceur… mais franchement, sans plus. Parfois, avec les musiques, on change d’avis, donc, faut voir avec le temps. Bizarrement, ce que je reprocherais pas rapport au thème de Bane, c’est moins le thème lui-même que sa « sous-utilisation ». Ca donne des trucs géniaux quand il se mêle à la musique, mais cela arrive trop rarement et peu de temps. Dommage. Quant aux anciens thèmes, je comprends qu’ils ne soient pas sur le CD, car on peut les trouver sur les précédents, mais ils ne sont pas davantage dans le film, enfin, pas plus en tout cas, juste vite fait pour dire coucou et surtout pas déclinés d’une façon assez intéressante.
Voilà pourquoi je tombe des nues en lisant tant d’éloges sur cette BO. Ce qui me déconcerte, c’est que je vois toute cette « masse » (sans sens péjoratif), tout ce monde qui, habituellement s’en tape complètement des BO et ne les remarque même pas, et qui, soudain, a une révélation, en adore une, mais porte son dévolu sur celle qui, justement, des trois épisodes, me semble la plus pauvre.
Donc, je cherche à comprendre. Encore une fois, c’est peut-être moi qui déconne, qui ne comprends rien. Ou alors, c’est l’effet Zimmer.
Ou alors, et c’est l’hypothèse que je favorise, c’est lié à un aspect technique. En effet, j’ai remarqué un truc dans les films de Nolan que le fan de musique de film et de Zimmer apprécie tout particulièrement : le mixage du son (je ne sais pas qui s’en occupe, mais je le remercie) met extrêmement en valeur la musique du compositeur, bien plus que dans les ¾ des films. Je n’ai vu cela que dans
Star Wars ou
Le Seigneur des Anneaux un mixage aussi généreux avec la musique ! C’est remarquable ! Ainsi, le fait que la musique soit très mise en valeur (et donc, au cinéma, ça rend encore mieux !), ça fait que les gens la remarquent forcément ; et comme c’est Zimmer et que c’est toujours super (ou presque), même quand c’est moins bien, et bien ça fait mouche ! Des BO, ils pourraient en apprécier plein d’autres, dans ce cas, si elles étaient mieux mis en valeur dans le montage, moins en retrait, moins ensevelies sous les bruitages et les dialogues. Ce n’est pas que la musique des autres films est moins bonne ; c’est qu’on l’entend moins, et que la plupart des gens ne s’intéressant pas à la musique de film, n’iront pas l’écouter après.
Maintenant, je ne sais plus si la musique de TDK ou
Begins avait été aussi complimentée. Si c’est le cas, ok, c’est logique, mais si ce n’est pas le cas, dans ce cas, j’hallucine. Car étant tous des films de Nolan, ils ont le même mixage de son (à ce que j’ai remarqué, ainsi qu’
Inception), et donc la musique est aussi mise en avant dans l’un ou l’autre. Alors, une fois encore : pourquoi une telle consécration pour TDKR ?
Voilà mes plus grosses réserves formulables sur le film.
Et les bons aspects dans tout ça?J’ai envie de dire « tout le reste », ce qui est à peu près le cas.
Ca va être une partie assez ingrate, car ce film mérite qu’on dise du bien de lui, et pourtant, c’est sur cette partie que je vais lâcher ; en partie, j’avoue, parce que voilà 4h que je rédige cette critique qui devait être brève et n’en finit plus, que je suis crevé, qu’il est tard et que j’ai poignets explosés.
Mais ce n’est pas si grave ; car ce film fait un triomphe. Mes critiques "négatives", elles me sont assez personnelles, bien que certains les rejoignent, elles étaient plus propres à mon cas ; les compliments, je vous invite limite à lire ce qui se trouve sur le net en matière d’éloges ! Je vais tout de même insister sur 2 ou 3 trucs qui m’ont particulièrement plu, parmi les nombreux points forts du film :
- La psychologie, toujours. Ce qu’on perd en Batman dans cet épisode, on le gagne en Bruce Wayne. Et ce qu’on gagne en Bruce Wayne, on le gagne en même temps en psychologie. Et là, Nolan nous a servi avec une partie vraiment saisissante, hautement symbolique, très forte émotionnellement et lourde de sens
- Spoiler:
dans la prison, dans le puits. Les paroles du « sage », les chants d’encouragement des prisonniers, l’entrainement de Bruce, sa détermination, ce qu’il apprend avec son compagnon de cellule, son ascension ; très dépaysant ; encore une fois, pas très Batman, mais en même temps, du grand Batman (toujours cette ambiguïté) parce que, justement, cette profonde réflexion sur l’héroïsme et la volonté de vivre. C’est quelque chose !
-
- Spoiler:
La poursuite qui suit le braquage de la Bourse et qui voit le retour fracassant de Batman est génialement filmée, prenante, très bien accompagnée musicalement (voilà, tu vois, allez, sèche tes larmes, Hans ! Désolé d’avoir été méchant !) et assez jubilatoire. On sent la sensation de vitesse, la tension. C’est du grand Nolan d’action.
- Alfred ; un personnage que Nolan a déjà rendu culte, indispensable, génial et touchant dans les précédents épisodes ; mais si on pense déjà cela en allant voir TDKR, on n’a encore rien vu. Hélas, pour des raisons liées à la trame du film, Alfred est discret, mais dans les 3 scènes principales qu’il a, il est merveilleux. Il m’a crevé le cœur. Il m’a fait pleurer. Avant d’être l’excellent jeu et la prestance incontestable de Michael Caine, c’est le fruit d’un rôle écrit à la perfection par Nolan, qui a vraiment donné ses lettres de noblesse au personnage. Là, pour le coup, aucune comparaison avec Burton n’est envisageable. Il n’y a qu’un Alfred, celui de Nolan. Pas un simple majordome, un père. Un personnage grandiose et poignant.
- L’épilogue. Ceux qui ont vu comprendront. Ceux qui n’ont pas vu verront. Le film aurait pu être différent, mais cette fin… je crois qu’il n’y avait qu’une magistrale, et Nolan l’a trouvé. Rien de fracassant, rien de spectaculaire, tout dans l’émotion, la nostalgie, l’exaltation. Sortir de 3 épisodes avec ça, quoi qu’on puisse dire (comme moi) sur les/le film(s), c’est vraiment un remarquable exploit !
- Spoiler:
Pour ce qui est de Robin, moi aussi j’ai tiqué quand il a dit « Robin », car, aussi ignare que je sois, je sais que Robin est normalement Dick Grayson (en revanche, j’ignorais qu’il y avait eu d’autres Robin…). Donc, j’ai trouvé ça bizarre, mais ça ne m’a pas plus énervé que ça ; en fait, je me suis dit que là, Nolan avait voulu être « clair », faire une concession aux néophytes et éviter de dire « Dick Greyson », référence que seuls les méga fans auraient chopé, il voulait que tout le monde profite de cette révélation en explicitant avec « Robin ». Enfin, je crois. Sinon, j’ai trouvé ça super. Je l’avais flairé et même, on peut dire, carrément deviné. Surtout que Gordon Levitt a une bonne tête de Robin ! Mais ça ne m’a pas gâché la joie de voir ça de mes propres yeux !
CONCLUSIONA l’issue de cette longue critique, je réalise à quel point j’ai beaucoup dit, tout ça pour ne cesser de dire que je ne pouvais rien dire ! J’ai tenté d’analyser ce qui avait pu me rendre ce film, en apparence si abouti, moins agréable, moins génial que
The Dark Knight, mais je n’ai que quelques pistes ; cela ne me semble pas expliquer tout. Peut-être, tout simplement, qu’il n’y a rien à chercher. Ce film est, « objectivement », si ce n’est un chef-d’œuvre, au moins un film qui tient la route ; la seule chose qui ne va pas, c’est que, tout simplement, j’ai peut-être moins accroché à l’histoire. C’est tout. Tout bêtement. J’ai tout simplement… oui, moins accroché, moins aimé. La magie n’a pas opéré pour moi. Sauf pour l’épilogue et quelques scènes ou parties clé.
Je ne vais pas rallonger cette interminable critique avec un bilan de la trilogie de Nolan, que j’ai été plus ou moins amené à faire, déjà. Ce qui est sûr, c’est qu’avec ce mec, j’ai trouvé, on a trouvé un des rares réalisateurs hollywoodiens, si ce n’est le seul, qui arrive a garder toute son « éthique » personnelle, qui tient sa barre envers et contre tout, qui ne fait aucune concession, ne flatte pas la mode de la 3D, ne cherche pas à tirer la saga en longueur avec la doublant de volume, ne recule pas devant des scénarios complexes et intelligents tout en ne négligeant pas le spectacle et le divertissement, le tout dans un mélange qui, je crois, n’a jamais été vu à ce point, et a été mis au service d’un super-héros dont le charisme est plus que jamais démontré et assuré aux yeux d’un public heureux et reconnaissant ! Merci, Mr Nolan, et à très bientôt !