Dans «Le Lotus rose», un scénariste a imaginé le jeune reporter en journaliste à la vie dissolue. Les héritiers d'Hergé n'ont pas apprécié.
Plus de vingt ans après le décès de son créateur, George Rémi, alias Hergé, Tintin dévoile enfin sa véritable existence. C'est du moins ce qu'a imaginé dans ­Le Lotus rose, le scénariste espagnol de bande dessinée et professeur de littérature Antonio Altarriba, qui fait du petit reporter et éternel adolescent un ­journaliste de tabloïd, trente­naire à la vie dissolue. La plaisan­terie n'a pas été du tout du goût des très ­sourcilleux ­héritiers d'Hergé. Ils accusent l'auteur d'avoir «perverti l'essence du personnage».
Publié en décembre dernier à l'occasion du centenaire de la naissance d'Hergé, le livre vit ses derniers jours dans les librairies espagnoles. Après plusieurs mois de bataille juridique, les ayants droit ont finalement obtenu que ne soit pas imprimée de nouvelle édition du volume controversé. Une demi-victoire pour la société Moulinsart qui avait sollicité, sans succès, le retrait immédiat des ventes et déposé une plainte contre Ediciones de Ponent, ­éditeur du Lotus rose.
Dans son livre, mi-BD, mi-essai, au titre un brin provocateur, détourné de l'album Le Lotus bleu, Antonio Altarriba décrit un personnage plus mûr, qui délaisse ses idéaux et se trouve confronté aux dures réalités de la vie, tout comme ses compagnons d'aventures. Ainsi, le capitaine Haddock a définitivement sombré dans l'alcoolisme, le professeur Tournesol a été interné dans un hôpital psychiatrique et le célèbre fox-terrier, Milou, a fini par mourir.
Mais c'est surtout la vie d'adulte que mène le reporter qui a indigné la famille d'Hergé. C'en est fini du mythe d'un Tintin asexué et insensible au temps qui passe. Le héros belge vieillit et porte un regard sceptique sur son entourage. Il a dû retourner à sa profession de journaliste et s'est fait paparazzi pour gagner sa vie. Le principal point de friction est l'apparition de l'élément féminin dans sa vie. Notre héros y est même décrit comme un amant insatiable.
Antonio Altarriba revendique son droit à imaginer une évolution du personnage. « Les héritiers imposent une lecture unique du récit. Leur censure est une atteinte à la créativité », a-t-il déclaré lundi. La petite maison d'édition valencienne, elle, se frotte les mains. Avec cette polémique, elle bénéfice d'un coup de pub inespéré. À la librairie Madrid Comics, spécialisée dans la bande dessinée, les vendeurs assurent que les volumes apocryphes de Tintin, qui n'avaient enregistré qu'un maigre succès commercial jusque-là, se vendent comme des petits pains.
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