Voilà une autre fic que j'ai écrite, toujours sur l'univers d'Hercule, mais cette fois-ci, ça parle du passé d'Hadès et de ses deux frères. C'est une réadaptation du mythe de la prise de l'Olympe par Zeus et ses frères et sœurs. Les fans de mythologie reconnaitront les modifications que j'ai faite pour coller à Hercule ^^
***
-... et après ça, BIM ! Le Cyclope arrive et détruit les portes de l'Olympe, ce qui fait que...
Peine et Panique écoutaient avec crainte le dernier plan d'Hadès pour conquérir l'Olympe. Leur patron était en train de déplacer les pions à l’effigie de son armée de monstres sur son échiquier, et il était si emporté par son monologue qu'il ne prêtait plus aucune attention au reste du monde, ce qui permettait à ses deux acolytes de discuter entre eux :
-Tu paries combien que ça va encore louper ? pesta Peine.
-Chaque fois ça loupe, et chaque fois, ça retombe sur nous, soupira Panique. J'aimerais au moins une fois ne pas finir ma journée avec des brûles au troisième degré...
-Compte pas trop là d'ssus ! Peut-être que si t'étais moins angoissé tout le temps, on réussirait mieux.
-Oh, c'est à cause de
moi, maintenant ? Peut-être qui si tu étais moins stupide, je n'aurais pas besoin de m'inquiéter !
-Où tu as vu que j'étais stupide ? Je te signale que-
-Chut !
-Ne me dis pas "chut !" !
Panique plaqua sa main sur la grande bouche de Peine. Ce dernier s'agita mais Panique ne lâcha pas sa prise.
-Tu entends ? demanda Panique.
-Mhf ! fit Peine en secouant la tête.
Il parvint à enlever la main de Panique.
-J'entends rien du tout ! s'emporta-t-il.
-Justement ! Le Boss ne dit plus rien !
Peine fronça les sourcils. Hadès n'était jamais à court de mots, en deux cent ans passés à ses côtés, il ne l'avait jamais vu se taire pendant plus de trente secondes.
Et pourtant, le Dieu était en ce moment même penché vers son échiquier, le visage fermé, complètement silencieux. Plusieurs pions étaient par terre, réduits en cendre.
-Qu'est-ce qui se passe avec son Altesse des flammes ?
Peine et Panique se retournèrent vers Mégara qui venait tout juste d'arriver. Son sourcil droit était haussé dans une expression sarcastique et ses mains posées sur ses hanches.
-Aucune idée, répondit Panique.
Mégara roula des yeux. Elle avait un rapport de mission à faire, et elle aimerait autant en finir. Elle avait hâte de se changer, sa robe était déchirée à des endroits qu’elle aurait préféré ne pas révéler au monde entier. Tout en soupirant, elle s'avança vers son patron.
-Alors, vous broyez du noir où est-ce ma vue qui vous laisse sans voix ? demanda-t-elle à Hadès de sa voix caustique habituelle.
Hadès releva péniblement la tête de son échiquier et parvint à adresser un rictus à Mégara.
-Option numéro une, avoua-t-il en mettant tout de même de son énergie inépuisable dans sa voix. Sans vouloir te vexer, mon chaton, il m’en faut plus qu’une robe déchirée pour être sans voix.
Mégara haussa un sourcil, puis alla s’assoir, jambes croisées, sur l’échiquier. Elle allait pour demander à Hadès ce qui n’allait pas avant de se souvenir qu’elle se moquait complètement de ses sautes d’humeur.
-La mission s’est bien passée, finit-elle par dire. J’ai convaincu le Minotaure d’adhérer à votre cause. Ça n’a pas été facile : moitié homme, moitié taureau, et entièrement pervers. (Elle fit une grimace.) J’estime avoir fait un bon travail, je peux me retirer ?
-Meg, mon petit cupcake, pourquoi tant de précipitation, hm ? fit-il en la prenant par l’épaule.
-Quoi ? Ne me dites pas que vous avez envie qu’on discute ?
-Hey, qu’est-ce que j’y peux, j’aime parler, je suis comme ça.
-Parler de quoi ? Si c’est encore pour vous entendre vous plaindre de vos frères et sœurs, j’ai déjà donné.
-Nan, nan rien de tout ça. C’est juste que… Hum, comment dire ça. Je.. euuuuh…. Je me demande en fait à quoi va mener ma petite conquête du Cosmos.
Mégara marqua une pause.
-Vous doutez ? ricana-t-elle.
-Hellooo tu te rappelles qui je suis ? Hadès ? Dieux tout puissant des Enfers ? Le mot « doute » ne fais pas partie de mon vocabulaire.
-Ce n’est pas parce que vous ne connaissez pas le mot qu’il ne peut pas s’appliquer à vous.
Elle lui lança un regard moqueur. La flamme d’Hadès se teinta d’un léger rouge, mais il reprit instantanément le contrôle dans un grand soupir.
-Ok, Ok, peut-être que je ne me sens pas trop dans mon assiette, capische ? Je vais régner sur le monde, ça va être mortel, et c’est ce que j’ai toujours voulu mais…
-Mais ? Vous vous demandez ce que vous allez faire de tout ce pouvoir ?
-Aw, ma petite Mégaminette qui me connait par cœur ! dit-il en lui pinçant les joues. Je veux dire, une fois que j’aurai emprisonné mes frères et sœurs, que j’aurais redécoré le monde et asservi tous les mortels qui me tapent sur la flammèche, qu’est-ce qui me restera ?
Mégara sentait bien qu’il fallait qu’elle dise quelque chose, mais rien de très sensé ne lui venait à l’esprit. Il faut dire qu’elle n’était que très peu préoccupée par les doutes de son diabolique patron.
-Vous pourrez toujours libérer vos frères et sœurs, et repartir sur de bonnes bases ? tenta-t-elle, en décroisant puis recroisant ses jambes.
-Repartir sur de bonnes bases ? Oui, oui bien sûr pourquoi pas, et juste après je m’achèterai une licorne, et pour finir je vais teindre mes robes en rose fuchsia. Aww, ce sera trop mignon et POUR QUI TU ME PRENDS ? s’enflamma-t-il. Comme si j’allais un jour pouvoir pardonner à cette bande de snobs !
-Pas besoin de hurler, pesta-t-elle en se reculant. Pourquoi détestez-vous autant les autres Dieux, d’ailleurs ?
-Affaire personnelle.
-Hum, ricana-t-elle. Je vous ai connu plus… éloquent.
-Ecoute, Meg, ma belle, ma petite violette, tu es mon esclave, je ne vois pas pourquoi je devrais te déballer ma vie privée.
-Je comprends. Vous êtes trop sensible pour parler de votre sombre passé, n’est-ce pas ?
-Sensible ? Moi ? Je crois que tu n’as pas bien cerné ma personnalité, ma Méga d’amour. Bon, puisque tu te soucies tellement de moi, viens donc sur mes genoux, tonton Hadès va te raconter une histoire !
Hadès tapota ses genoux en se penchant vers Mégara comme si elle était une enfant de deux ans. Cette dernière alla se placer de l’autre côté de la salle, un air de défi dans le regard.
-Je vous écoute, fit-elle.
-Comme tu voudras. (il prit une voix mielleuse.) Il était une fois…
***
L’histoire commence à l’époque où Cronos et Rhéa régnaient sur le monde. Autrefois, les deux Titans vivaient en harmonie. Rhéa était douce et gentille, tandis que Cronos était juste et honnête, faisant d’eux des maîtres du monde aimés de tous. Cependant, cette époque n’était malheureusement pas faite pour durer…
Cronos vivait avec la peur incommensurable qu’un jour, quelqu’un lui ravisse son trône, tout comme il l’avait fait avec son propre père. Las de vivre dans cette crainte, il alla voir les Moires, afin de les questionner sur son avenir.
-Nous ne sommes pas habituées à révéler le futur, dit la plus grande des trois. Ça fini toujours mal.
-Mesdames, je vous en prie, insista Cronos d’une voix de velours. Ne me forcez pas à m’emporter contre trois beautés telles que vous…
Les deux autres Moires se mirent à glousser, et la troisième finit par abdiquer. Elle s’empara de l’œil unique qu’elles se partageaient, et récita la prophétie :
-«
Dans la prochaine décénie, la terre et les cieux,
Se verront offrir trois nouveaux Dieux… »
-Les rimes, c’est obligé ? fit Cronos.
Les Moires ne lui prêtèrent pas attention et poursuivirent :
-«
Ces naissances signeront bouleversement,
Car aux yeux du Cosmos, ils seront tout puissants…»
-Hey, une seconde, ça veut dire quoi, ça ?
-«
Enfin, arrivés à l’âge mûr,
Les trois Grands, à Cronos, dooneront la vie dure….
Et dans un dernier souffle, le Titans affaibli,
Léguera son héritage, à ses trois petits. »
Cronos resta interdit durant de longues minutes. Il parvint à contenir sa rage, avant de renvoyer les Moires qui s’éclipsèrent dans un éclat de rire.
-Si j’ai bien compris… soupira-t-il. Je vais avoir trois enfants qui… me raviront mon trône ?
De rage, il sortit sa faux et détruit la table qui se tenait devant lui.
-Bon… Ok, calme. Rien n’est fait encore… Je peux encore empêcher ce léger incident de se produire… Il n’y a plus qu’à attendre…
Et attendre, Cronos le fit. Il était un Titan patient. Un an et demi plus tard, Rhéa eut donc un fils. Bien qu’étant un nourrisson, il possédait déjà une musculature importante qui n’était pas sans rappeler celle de son père. Sa peau était bronzée, et ses cheveux cuivrés et ondulés. Il avait les même grands yeux bleus que son père, d’un bleu électrique.
Rhéa l’appela Zeus.
Deux ans plus tard, un autre garçon naquit. Celui-ci était plus potelé que son frère aîné, avec une peau aux reflets bleus, semblable à celle de son père. Ses yeux avaient la même forme que ceux de Zeus, à la différence près qu’ils étaient aussi verts que l’eau de mer d’un lagon tropical.
Rhéa l’appela Poséidon.
Plusieurs années passèrent, après cette naissance. Rhéa se demandait même si elle allait un jour avoir un troisième enfant, mais Cronos, sachant que ce jour arriverait, préférait attendre la naissance du petit dernier avant de passer à l’offensive.
Les deux garçons s’entendaient particulièrement bien, pour deux frères. Il fallait dire qu’ils avaient tous les deux hérité de la bonté de leur mère. Lorsqu’ils apprirent que cette dernière allait finalement avoir un autre enfant, ils en furent comblés, et attendirent sa venue avec impatience.
Finalement, lors d’une chaude journée d’été, alors que la température avoisinait les trente-cinq degrés, le troisième fils arriva au monde.
Il était plus petit que ses deux frères. Plus mince que Poséidon, et moins musclé que Zeus. Sa peau était très pâle, presque blanche, et ses cheveux d’un bleu peu commun, même chez les divinités. Tout comme son père, ses dents étaient pointues, mais il était cependant le seul à avoir hérité des grands yeux dorés de sa mère.
Rhéa le nomma Hadès.
Les trois jeunes Dieux grandirent en harmonie. Leur mère les maternait sans pour autant les étouffer, et bien qu’Hadès soit souvent en retrait dû à son caractère cynique, les frères étaient très soudés. Si soudés qu’ils apprirent très vite à vivre sans la présence de leur père, pratiquement toujours absent. Rhéa n’arrivait pas à comprendre cette distance que Cronos mettait entre lui et ses enfants. Elle avait espéré que son mari s’implique d’avantage dans l’éducation des enfants, mais sûrement avait-il d’autres choses à faire en tant que maître du Cosmos.
Tout bascula un soir d’hiver. Rhéa dormait, alors que ses trois fils se racontaient des histoires autour d’un feu de bois.
-A votre avis, à quoi il ressemble, Cronos ? demanda Poséidon.
Il se tenait le plus loin possible du feu. Il supportait très mal la chaleur, se sentant vite desséché.
-Je suis sûr qu’il est grand et fort, dit Zeus.
-Bah voyons. Évidemment, il faut qu’il te ressemble, pas vrai ? souligna Hadès.
-Ne t’approche pas trop du feu, tu vas te brûler, fit Zeus comme toute réponse.
-Mais nooon. J’aime bien le feu.
Et comme pour appuyer ses propos, il s’en approcha d’avantage. Il s’était toujours senti incroyablement attiré par le feu. Parfois il avait même le sentiment de pouvoir le contrôler. Peut-être deviendrait-il le Dieu du feu, quand il serait adulte ? Ça serait plutôt mortel.
-J’aimerais bien me souvenir de lui, continua Poséidon. J’étais trop jeune la dernière fois qu’il est passé.
-Je me souviens de son regard, dit Zeus. Ça m’a donné froid dans le dos, de voir mes propres yeux renvoyer tant de… mépris.
-Mépris ? fit Poséidon. Papa ne nous aime pas, tu crois ?
-Oh, si, il doit nous adorer, répondit Hadès avec sarcasme. C’est pour ça qu’il ne nous a jamais adressé un mot, c’est une belle preuve d’amour, sans aucun doute.
-Hadès…le réprimanda gentiment Zeus.
Hadès leva les yeux et ciel, avant de se lever.
-Bon, je vais me coucher, dit-il. Si personne ne peut apprécier mon humour… Parfois j’ai l’impression d’avoir à faire avec une mosaïque tellement vous êtes expressifs. Ciao !
Sur-ce, il alla rejoindre sa mère, sans prêter attention à ces frères qui lui demandaient de revenir. Il se coucha près d’elle, et bientôt, la main de la Titanide se posa naturellement dans la chevelure bleue de son fils, dans un geste d’affection.
-Tes frères te mènent la vie dure, dit-elle, à moitié endormie.
-Mh… Je sais leur rendre la pareille.
-Je n’en doute pas.
Elle lui fit un bisou et tous deux sombrèrent dans un profond sommeil.
Hadès fut réveillé en sursaut par un énorme bruit. Il eut à peine le temps de se demander ce qui se passait, que sa mère le prit dans ses bras.
-Vite ! Hadès, il faut que tu partes !
-Qu’est-ce qui se passe ? insista-t-il.
-C’est ton père… Je ne sais pas ce qui lui prend… Il… Tes frères sont en train d’essayer de le retenir…
-Je veux y aller aussi !
-Non ! Tu es trop jeune !
Il haussa un sourcil.
-Hey, je suis peut-être le plus jeune, mais j’ai plus de maturité que ces deux idiots réunis, M’an. Laisse-moi y aller, sinon je pense qu’ils vont y rester.
Il y eut un nouveau bruit sourd, et la porte de la chambre s’ouvrit avec fracas, laissant apparaitre un Cronos plus intimidant que jamais. Rhéa plaça instinctivement Hadès derrière son dos.
-Va te cacher, lui chuchota-t-elle.
Hadès toisa son père. Jamais il n’avait vu de figure plus effrayante. Même lui, qui n’était pas du genre peureux, ne se voyait pas le contrarier. A contre cœur, il obéit à sa mère, et alla se réfugier sous le lit.
-Rhéa… fit Cronos. N’essaie pas de protéger les enfants. Je suis le maître du monde, je finirai par les trouver.
-Qu’est-ce que tu leur veux ?
-M’assurer qu’ils ne me raviront pas mon trône.
-Encore avec cette vieille peur ? Tu n’as pas changé, en fin de compte. Tu as toujours été plus soucieux de ton propre pouvoir que du bien être des autres.
-Oh, épargne-moi tes leçons de morale, d’accord, chaton ? J’aime bien être tout puissant, et je supporterais mal l’idée de voir trois morveux me réduire à Néant. Alors tu me dis où est le troisième, sinon, c’est à toi que je vais m’en prendre.
Rhéa ne cilla pas.
-Qu’as-tu fais de Zeus et Poséidon ?
-Rien, pour l’instant. Ils sont juste inconscient. Je veux m’occuper des trois en même temps, histoire de ne pas en oublier un…
-Tu es immonde !
-Ne me flatte pas, chérie. Maintenant, dis-moi où est Hadès !
Hadès assista à la scène, impuissant. Il voulait sortir de sa cachette, mais chaque fois que son regard se posait sur celui de son père, il se sentait comme paralysé, incapable de tout mouvement. Il pria intérieurement pour que sa mère le livre à Cronos, car il ne voulait pas la voir se sacrifier pour lui, mais il savait qu’elle ne ferait jamais une telle chose.
Cronos fit apparaître sa faux dans un grand rayon de lumière. Peu après, le cri de Rhéa emplit la pièce, alors qu’Hadès se mordait les lèvres jusqu’au sang pour ne pas faire de même. La Titanide tomba à terre dans un grand « boum ». Puis le silence suivit.
-Allez, mon fils, sors de ta cachette, dit Cronos, d’une voix suave. Tu n’as plus rien à perdre…
Hadès resta délibérément silencieux. Cronos le chercha, et lorsqu’il regarda sous le lit, Hadès se tassa tout au fond et retint sa respiration, si bien que le Titan ne le remarqua pas. Il finit par penser que son fils ne se trouvait pas dans la chambre, et il continua ses recherches dehors.
Une fois certain qu’il n’y avait plus de danger, Hadès sortit de sa cachette, et se précipita vers le corps inerte de sa mère.
-M’an… Helloooo…. Réveille-toi !
Son ton autoritaire servait surtout à camoufler sa panique. Rhéa ouvrit péniblement les yeux.
-Hadès… souffla-t-elle d’une voix atrocement faible.
-…Ne… ne me fais pas croire que tu vas mourir, balbutia-t-il, pour la première fois de sa vie à court de mots. Tu es immortelle...et…
-N’aie pas peur de la mort, Hadès. C’est quelque chose de naturel. Même un immortel doit savoir l’accueillir, quand le temps est compté…
-Je ne veux pas le savoir, tonna-t-il. Toi, tu ne vas pas mourir !
Mais les paupières de Rhéa étaient déjà en train de se refermer.
-Non ! Cria Hadès. Je ne laisserai pas faire une telle chose ! Hors de question ! TU NE VAS PAS MOURIR !
A ce moment-là, il aurait donné n’importe quoi pour contrôler la mort. Mais il n’en avait pas le pouvoir – pas encore – et il dû donc se rendre à l’évidence : la grande Rhéa n’était plus.
Il resta plusieurs minutes accroupi auprès d’elle, lui tenant la main. Puis la tristesse laissa place à la rage. Il serra les poings, et se leva, prêt à trucider son père.
-Non, n’y va pas !
Zeus et Poséidon venaient de le rejoindre, et lui tenaient chacun un bras.
-Lâche-moi ! rugit Hadès à l’adresse de son frère aîné.
Il cessa de se débattre et se tournant vers les deux autres Dieux. Leur visages étaient tout aussi tristes et détruits que le sien. Mais ils savaient qu’affronter leur père serait une erreur.
-Il paiera en temps voulu, dit Zeus, en fois Hadès calmé.
-Tu parles ! Toi et Popo vous êtes bien trop mous ! Vous allez le laisser filer !
-Calme-toi, Hadès, reprit Zeus. Il faut qu’on aille se cacher avant que-
-Avant que quoi ?
Les trois frères se figèrent d’effroi. Cronos venait d’apparaître devant eux.
-Il faut courir ! dit Zeus.
-C’est ça, va te cacher ! cracha Hadès. Moi je reste là, et je venge M’an !
-Poséidon, écoute-moi, toi…
-…Désolé, frérot… Mais il faut se débarrasser de notre père…
Les yeux bleus de Zeus reflétaient la détresse la plus totale. Il ne voulait pas laisser ses frères, mais il savait qu'il devait sauver sa vie. Sinon, personne ne pourrait jamais renverser Cronos.
-…Bonne chance, mes frères.
Puis, choisissant la décision la plus sage, il prit la fuite, se promettant de revenir affronter son père lorsqu’il serait prêt. Cronos n’eut pas le temps de le rattraper et laissa échapper un grognement rageur.
-Rha ! Bon, tant pis, je vais d’abord m’occuper de vous deux !
-J’y crois pas ! Zeus nous a laissés tombés, alors que c’est lui le plus fort ! dit Hadès.
-On a d’autres choses à penser pour l’instant, signala Poséidon.
Il sa plaça devant son petit frère, et se tient prêt à l’attaque. Le pauvre n’eut même pas le temps de lever le petit doigt que, sous les yeux horrifiés d’Hadès, Cronos l’avala.
-Popo ! ALORS LA C’EST LA GOUTTE D’EAU QUI FAIT DEBORDER L’AMPHORE !
Sans qu’il ne s’en aperçoive, les cheveux d’Hadès commencèrent à crépiter, comme un feu qui viendrait de s’allumer. Il se sentit emplit d’une chaleur telle qu’il n’en avait jamais ressentie. Il tendit le bras vers Cronos, et à sa grande surprise, une boule de feu en sortit, blessant le Titan.
-Ah…ricana Cronos en massant sa petite brûlure. J’ai toujours su que tu serais celui qui maîtriserait le plus vite ses pouvoirs. Malheureusement, ça ne suffira pas à m’arrêter.
Hadès vit tout juste les dents pointues de son père s’approcher de lui.
Puis tout devint noir....
Les cent prochaines années furent comme un long et interminable cauchemar pour Poséidon et Hadès. A peine conscients, ils ne savaient même pas où ils se trouvaient, où s’ils étaient encore en vie. Et puis un jour, une sorte de gigantesque tremblement de terre les secoua. La seconde d’après, ils furent tous les deux agressés par une lumière qu’ils ne pensaient plus jamais revoir : celle du soleil.
Hadès ouvrit ses yeux avec difficulté. Il vit alors Cronos gisant à terre, près d’une petite pierre qui luisait d’un vert anormal. A côté de lui, Poséidon, à présent adulte, tout aussi déboussolé qu’Hadès l’était, et enfin, surplombant cette scène surréaliste de toute sa splendeur, Zeus.
Lui aussi avait beaucoup grandi, mais au contraire de Poséidon, il était plus en forme que jamais. Une musculature incroyable, une peau hâlée, et une petite barbe blanche, assortie à ses cheveux qui avaient perdu leur couleur cuivre d’autrefois.
-Ok… Hum…fit Hadès en se passant la main dans les cheveux. Qu’est-ce qui… se passe… ?
-Je viens de vous sauver ! S’exclama Zeus. J’ai fait passer cette pierre empoisonnée pour moi, et Cronos l’a avalée. Brillant, non ? Ah, Poséidon, ne t’en approche pas trop, elle a un pouvoir soporifique sur les Dieux.
En effet, Poséidon était en train de s’endormir. Il s’éloigna vite de la pierre.
-Donc… Monsieur-le-tout-puissant-Titan est HS ? demanda Hadès, une point de jubilation dans la voix.
-Il n’est pas mort, bien sûr, dit Zeus. Il va falloir qu’on l’enferme quelque part et-
-Qu’on l’enferme ? répéta Hadès, alors qu’il sentait de nouveau ses cheveux crépiter. Ce… MONSTRE a tué notre mère, et a voulu nous BOUFFER, et toi tu veux juste l’enfermer ?
-Mais que veux-tu qu’on fasse ? On ne peut tout de même pas le tuer…
-Zeuzounet, franchement, fit Hadès en le prenant par l’épaule. Il faut pas avoir peur de la mort comme ça, hein ? On lui pique sa faux, on le découpe en petits morceaux, on les balance dans le Tartare et BADABING ! On est les maîtres du monde !
-Ca ferait de nous des meurtriers…
Hadès le regarda avec lassitude.
-Bon. Bah si tu veux pas le faire…
Il se saisit de la grande faux de Cronos, et s’exécuta. Couper quelqu’un en petits morceaux n’était pas aussi fun que ce à quoi il s’était attendu, et il ne pensait pas vouloir le refaire un jour. S'il devait tuer de nouveau quelqu'un dans le futur, il emploierait des hommes de main.
Une fois le travail achevé, il ricana sombrement, alors que le Tartare engloutissait les restes de son père.
-Frérot… tu fais peur, parfois, fit Poséidon.
-Hey, faut c’qui faut. Alors, comment on fait question prise de contrôle ? Je prends les mardis et les samedis, et vous le reste de la semaine ou on fait quoi ?
-Eh bien… je voyais autre chose, Hadès, dit Zeus. Etant donné que je suis le plus âgé, et qu’en plus je suis celui qui a le plus d’expérience au niveau du monde extérieur vu que je ne suis pas resté cent ans dans un estomac, je devrais être le Dieu des Dieux.
Hadès écarquilla les yeux.
-….QUOIII ?
-Non, il a raison, appuya Poséidon. Zeus est le mieux placé pour être notre chef à tous.
-HELLOOOO ! C’est un lâche ! Il a fui lors de notre affrontement contre Cronos ! Il nous a abandonné ! Et cent ans plus tard, quand Môssieur décide de revenir histoire d’avoir la conscience tranquille, il devrait devenir le maître du monde ?
-Ne t’énerve pas, Hadès, dit Zeus. C’est simplement la meilleure chose à faire. Et je ne vous laisse pas tomber ! Pendant que je gouvernerai le Ciel, Poséidon régnera sur les mers, et toi, sur la terre.
-La TERRE ? Tu veux que je règne sur la TERRE ? Mais qu’est-ce que tu veux qu’j’en fasse de ta terre ? OUH de la boue ! OUH des rochers ! C’est magnifique, youpi !
-Il ne s’agit pas que de la terre, précisa Poséidon. Aussi des Enfers.
-Holà, je vous arrête tout de suite, chers frérots adorés. Il est hors de question que je m’occupe des Enfers pendant que vous vivrez bien heureux sur vot’ petit nuage. C’est d’un ennui… bah d’un ennui mortel, là bas. Et la solitude, j’en parle pas.
-Ah, je ne te savais pas sociable ?
-Ne me provoque pas, Zeus.
-Arrêtons de nous disputer, intervint Poséidon, et tirons plutôt à la courte paille. Celui qui aura la plus courte échouera aux Enfers, et la plus grande aura le Ciel, ça vous va ?
-Il me demande si ça me va, ricana Hadès. NON, ça me va pas. C’est moi qui est tué Cronos, c’est moi qui devrais régner sur le monde !
Après plusieurs minutes de pinaillage, Hadès finit par céder, et accepter de tirer à la courte paille. Poséidon prit trois brin d’herbe, et les tendit à ses frères.
Hadès tira le plus court. Sa rage s’intensifia lorsqu’il vit Zeus obtenir le plus long. Sa défaite, accumulée à la perspective de passer l’éternité dans le noir des Enfers ainsi qu’au sourire béat de Zeus le fit exploser. Le brin d’herbe se carbonisa entre ses doigts, et ses cheveux se changèrent littéralement en flammèche. Jamais plus ils ne redevinrent normaux.
-le sort en est jeté, déclara joyeusement Zeus. A partir de maintenant, je suis Zeus, Dieu du Ciel, et surtout, Dieu des Dieux !
Il fut enveloppé par une lueur éclatante, et un éclair se matérialisa dans sa main droite. Il brandit le bras en l’air ce qui fit rugir le tonnerre. Poséidon applaudit, mais Hadès fulminait.
-Poséidon, continua le Dieu des Dieux. Je te proclame Dieu des mers et des océans !
Une aura, bleue cette fois-ci, engloba Poséidon. Ses cheveux devinrent nageoires, et sa peau devint encore plus bleue. Pour finir, un trident apparut dans ses mains.
-Quant à toi, Hadès, je te proclame …
-Ouais, ouais, ouais, fais ça vite, s’teuplait.
-… Je te proclame donc Dieu des morts, et Dieu des Enfers !
Une ombre passa sur Hadès. Sa peau se teinta d'une couleur de cendre grise, sa robe devint noire, et sa broche prit la forme d’une tête de mort. Un casque se matérialisa sur sa tête, ce qui eut comme effet de le rendre invisible. Il l’ôta aussitôt.
-Très amusant, comme si je n’allais pas déjà passer inaperçu commença, maugréa-t-il.
Son attention fut soudainement attirée vers une petite fiole pendue à la ceinture de Zeus. Et sur l’étiquette…. Etaient représentées les trois Moires.
-Qu’est-ce…que c’est… que ça ? demanda Hadès entre ses dents serrées.
-Ca ? Oh, euh… c’est rien, répondit Zeus en cachant la fiole.
-Ne me dis pas que… QUE TU AS ETE DEMANDE UN COUP DE POUCE AUX MOIRES POUR GAGNER ?
-Hum… Je voulais mettre toutes les chances de mon côté, voilà tout…
-ESPECE DE… (il soupira). Ok, Ok, ça va, je suis calme. Popo, tue-le pour moi.
Mais Poséidon était déjà en train de jouer avec les poissons de la rivière la plus proche, très heureux de son sort.
Il n’en fallut pas plus à Hadès pour péter un câble. Il explosa dans une colonne de flammes dévastatrices, sous les yeux ébahis de son grand frère tout-puissant.
-Un jour, Zeus, tu regretteras de ne pas avoir joué fair-play avec moi, rugit-il en pointant un doigt accusateur vers son frère. Notre Grand-Père a été déchu. Puis notre Père. La défaite est héréditaire, chéri.
-Hadès, ne le prend pas comme ça…
Il lui adressa un rictus cruel, presque fou.
-On se voit à la prochaine réunion de famille. J’dois y aller, j’ai une tonne de travail qui m’attend, grâce à toi. Surveille bien tes arrières, Zeuzounet. Bye bye !
Puis il sombra dans les profondeurs des Enfers, où il eut tout de temps de préparer sa vengeance, à l’abri des autres Dieux de l'Olympe qui étaient bien trop heureux sur leur nuage pour penser à s'inquiéter du sinistre Maître des Enfers...
***
-….Tu comprends maintenant pourquoi je ne peux pas faire ami-ami avec tous ces demeurés, hm ? conclut Hadès.
-C’est une histoire très intéressante, fit Mégara en baillant. Je peux partir, maintenant, où vous comptez me tenir en otage une heure de plus en me racontant la fois où vous avez mangé une pita périmée ?
-De nous deux, je me demande parfois qui est le plus sans cœur…
-C’est pour ça que vous m’aimez, je suppose. Et entre nous, Altesse…
Elle se rapprocha d’Hadès.
-Pourquoi ne pas vous aussi demander aux Moires de vous donner un coup de pouce pour votre offensive ?
-Elles ne veulent plus se mêler des affaires des Dieux. Et même si c’était le cas, je ne suis pas un tricheur, ma Méga belle.
-Il faut bien que vous ayez une qualité, après tout.
Elle se retourna, et quitta la salle du trône.
-Ciao, Monsieur Fair-Play, susurra-t-elle sensuellement.
Puis elle disparut dans les profondeurs des couloirs des Enfers. Hadès regarda ses hanches se balancer de droite à gauche, de cette démarche si aguicheuse qui pouvait faire succomber n'importe quel monstre de genre masculin.
Il ricana.
Je devrais kidnapper des jolies filles plus souvent, pensa-t-il.
Il paraît que la fille de Déméter s’ennuie sur son île. Y’a peut-être quelque chose à en tirer… Il rêvassa quelques secondes, avant de secouer la tête et de se concentrer de nouveau sur son échiquier :
-Et donc, je place le Minotaure ici, et….