Le « conseil municipal » des salariés de Disney
Pour embellir le quotidien de ses 15.000 salariés, Disneyland Paris a mis en place un Conseil Municipal où siègent des salariés qui votent des améliorations.
Depuis 2008, David Angerville a une double casquette. A Disneyland Paris, il est « senior manager » de la distribution des costumes. Mais il est aussi conseiller municipal. Enfin presque. Car sa ville est un peu particulière. Si elle est gérée par un maire, des adjoints et d'autres conseillers municipaux, aucun ne représente de courant politique particulier. Ils ne sont pas élus mais volontaires, et leur territoire ne fait pas partie des 36.772 communes répertoriées sur la carte de France. La zone est celle d'Euro Disney, et abrite, sur quelques arpents de Marne-la-Vallée, les 15.000 salariés du parc de loisirs.
L'équivalent de Cannes
« Ajouté aux 50.000 visiteurs, dont 20.000 dorment sur le site, le parc est l'équivalent d'une agglomération comme Cannes », précise Daniel Dreux, vice-président des ressources humaines d'Euro Disney, qui siège, lui aussi, au conseil municipal. Et les soucis de ses membres sont les mêmes que ceux d'un élu de commune : les transports des salariés d'un lieu à un autre, la restauration collective, la propreté, la sécurité... C'est pourquoi les dirigeants d'Euro Disney ont eu l'idée de gérer les conditions de vie des employés comme ceux des citoyens d'une cité. L'initiative a reçu, il y a quelques mois, le trophée du mieux-vivre en entreprise.
Sous la bannière d'un programme, baptisé « Castmemberland » (littéralement la « terre des membres de la troupe »), un « conseil municipal » s'est donc constitué, composé d'une dizaine de salariés bénévoles. Accompagnée par la société Clienteam, spécialiste du management de la satisfaction, l'institution s'attaque aux désagréments ressentis par les collaborateurs-citoyens dans leur vie quotidienne au travail : temps d'attente pour prendre le bus ou récupérer son costume, cafétérias bruyantes, salles de repos mal aménagées, portillons d'accès fermés le dimanche obligeant à faire un détour pour pénétrer sur le site, etc. Comme à la ville, ces sources d'irritation conduisent à des incivilités entre employés agacés. « Nous passons un tiers de notre temps au travail, avec des collègues que nous n'avons pas choisis. Alors améliorer le vivre ensemble, c'est important », explique David Angerville.
Le « maire » en est conscient. « Comme les citoyens, les équipes ont des attentes qu'écoute notre conseil municipal », explique Patrick Avice, « premier magistrat » en poste depuis 2006, et par ailleurs vice-président des opérations d'Euro Disney). « Celles-ci nous remontent via des enquêtes de terrain et le vécu de groupes témoins, qui donnent des informations plus précises que les études généralistes de climat social », poursuit ce dernier, désigné « maire » par son prédécesseur, qui a lancé le programme.
La direction choisit
A charge pour le conseil municipal de délibérer puis de voter d'éventuels remèdes, soumis ensuite à la direction d'Euro Disney, chargée de débloquer ou non des fonds en conséquence. Le conseil se réunit quatre fois par an pour définir les orientations et faire le bilan des actions engagées. David Angerville, qui habille quotidiennement la moitié des salariés, a contribué à la transformation du département costumes : plus de comptoirs où les salariés faisaient la queue mais un self-service où ils peuvent prendre et rendre leurs atours. « En haute saison, avec les recrues en CDD, le système fluidifie la distribution », raconte-t-il.
Le conseil a aussi oeuvré pour des transports électriques, pistes cyclables, abribus et abris à vélos. Le territoire accueille aussi une fête des voisins, des vide-greniers (où, pour des sommes modiques, l'entreprise cède à ses employés vaisselle, literie et autres denrées des hôtels) et, depuis un an, des « conseillers de quartier » ont vu le jour... A présent, le conseil municipal travaille à un nouveau programme baptisé « J'aime ma ville » . La petite ville de Disney se vit donc comme une grande. Déjà, « le taux de satisfaction sur les transports internes est passé de 40 % en 2000 à 90 % aujourd'hui », affirme Patrick Avice, non sans fierté. Mais, contrairement aux édiles, il n'est pas élu...
NATHALIE QUERUEL
http://www.lesechos.fr/journal20120320/lec1_competences/0201946364247-le-conseil-municipal-des-salaries-de-disney-303570.php